Les conséquences du conflit Russie – Ukraine déclenché le 24 février 2022 font sentir leurs premiers effets en RDC. Outre le rapatriement laborieux de ressortissants congolais en Ukraine, abondamment commenté en raison des sévices que nombre d’entre eux ont subi de la part des services d’ordre ukrainien et européens, la mission onusienne en RDC va devoir faire sans le contingent de l’Ukraine.
Mardi 8 mars, Kiev a fait part à l’ONU de sa décision de rapatrier ses 250 casques bleus déployés en RDC dans le cadre de la Monusco ainsi que six officiers, cinq policiers et sept experts en provenance du pays Volodymyr Zelensky. Le gouvernement ukrainien récupère ainsi ses militaires, dont l’unité héliportée a réalisé en RDC 3.254 heures de vol pour transporter 15.600 passagers et environ 220 tonnes de fret.
Alors que les Ukrainiens quittent la RDC avec leur équipement, la MONUSCO a entrepris mercredi 9 mars une évaluation en vue de se préparer à minimiser l’impact de ce décrochage dans les opérations de maintien de la paix.
Négociations
Sur le terrain des affrontements en Ukraine, les négociations entre les deux belligérants ont abouti à un cessez-le-feu pour permettre l’évacuation des civils et la création de couloirs humanitaires depuis mardi 8 mars.
Les médias ont rapporté l’évacuation d’étudiants congolais coincés à l’université du Sumy, une ville bombardée par l’artillerie russe depuis plusieurs jours. Des moyens financiers ont été envoyés par le gouvernement Sama Lukonde pour permettre aux 12 Congolais de se rendre à la gare de Poltava (Sud ukrainien), avant de prendre un train vers la Pologne où les attendait une délégation officielle de leur pays.
En Pologne, ce sont quelques 516 ressortissants de la RDC qui ont obtenu des visas de séjour de 30 jours en attendant de retourner au pays ou d’aller ailleurs, comme l’ont fait 13 d’entre eux. Pour faire face à l’urgence de cette situation, une cellule a été mise sur pied pour parer à toute éventualité. Elle localisera et identifiera les Congolais présents en Ukraine et sélectionnera ceux d’entre eux qui désirent se faire rapatrier pour une prise en charge d’usage.
Ressortissants congolais
Mardi 8 mars à Kinshasa, Clémentine Shakembo, chargée d’affaires de la RDC en Pologne, et Aimé Boji Sangara, ministre d’Etat en charge du Budget ont échangé autour de cette question. Constituée de la représentante de la RDC en Pologne, des directeurs des Congolais de l’étranger et de l’administration du ministère des Affaires étrangères ainsi que le directeur de cabinet du ministre des Affaires sociales, solidarité nationale et affaires humanitaires, cette délégation était attendue à Varsovie hier jeudi 10 mars, selon Mme Shakembo.
Cette équipe fera rapport au gouvernement sur l’évolution de la situation en Ukraine et en Pologne.
Quelques jours après le déclenchement de l’offensive russe, l’opinion africaine avait été secouée par des informations faisant état de maltraitances imposées en Europe à des ressortissants du continent noir, dont plusieurs Congolais, empêchés de quitter l’Ukraine. Sur les réseaux sociaux et dans la presse, des témoignages poignants des souffrances endurées par les Africains tentant de fuir les affrontements ont été partagés. Parmi eux, une vidéo représentant un ressortissant congolais affirmant que des Ukrainiens l’avaient contraint de descendre d’un train en partance vers la Pologne en lui exigeant de prendre les armes pour combattre la Russie. Au Sénégal, en Algérie et dans d’autres pays africains, les ambassades ukrainiennes ont publié des communiqués invitant «les ressortissants étrangers soucieux d’aider l’Ukraine dans sa lutte contre l’agression russe à se manifester», ce qui donne du crédit aux propos de ce Congolais. Cette initiative de «Légion internationale de défense territoriale de l’Ukraine» constituée notamment d’Africains a suscité l’ire de Dakar et d’Alger. Après le Sénégal, dont le président de la République, Macky Sall, a fustigé ces appels, l’Algérie a condamné «un fait grave qui viole les dispositions de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques entre Etats».
Maltraitances
L’Ukraine ne se serait pas arrêtée là dans sa tentative de recruter des mercenaires africains pour la soutenir dans le conflit qui l’oppose à la Russie. Nos confrères de la Deutsche Welle révèlent ainsi que des pressions ont été exercés sur certains Etats africains pour obtenir leur engagement contre Moscou, lors de l’adoption à l’ONU, le 2 mars 2022, de la résolution condamnant l’agression russe (1 pays du continent a voté contre et 13 autres se sont abstenus, ou ont refusé de participer au vote). «L’Ukraine a menacé la Guinée allant jusqu’à exiger que ce pays détache son consulat de Kiev à l’ambassade de Moscou. Je pense qu’ils ont même ôté au consulat guinéen son statut diplomatique lui interdisant d’arborer des plaques d’immatriculation y afférentes», révèle Tierno Monénembo, un écrivain guinéen à Huffingtonpost.
En retournant en Ukraine, les 250 éléments du contingent onusien n’auront sans doute pas de répit. Certes, la légion étrangère qui devrait compter 100.000 hommes, selon les autorités ukrainiennes, semble prendre corps avec l’engagement annoncé d’anciens combattants syriens et des ressortissants européens. Mais, mercredi 9 mars, l’encerclement de Kiev par les Russes pour ouvrir la voie à l’occupation de la capitale ukrainienne était en voie de parachèvement.
La Russie annonce avoir détruit 2.786 cibles militaires, 953 chars et autres véhicules armés, 101 lance-roquettes multipolaires, 351 pièces d’artillerie et mortiers, 718 véhicules motorisés spéciaux et 93 drones ukrainiens.
L’étau se ressere
Mardi 8 mars, l’armée russe a bombardé la petite ville de Malyn dans la région de Zhytomyr à l’Ouest de Kiev avant qu’un accord de cessez-le-feu et d’ouverture de couloirs humanitaires n’intervienne pour l’évacuation des civils. Selon Iryna Verechtchouk, vice-première ministre ukrainienne, Moscou a accepté une trêve de 09h à 21 h locales autour des six zones affectées par les affrontements.
Au cours d’une intervention par visio-conférence devant le parlement britannique, Volodymyr Zelensky, a déclaré que «nous nous battrons jusqu’au bout». Mais dans un entretien sur la chaîne américaine ABC, le chef d’Etat ukrainien a affirmé ne plus vouloir insister pour obtenir l’adhésion de son pays à l’OTAN, se déclarant prêt à un «compromis» sur le statut des territoires séparatistes de l’Est ukrainien dont Poutine avait unilatéralement reconnu l’indépendance. Des questions qui comptent parmi les raisons qui ont poussé la Russie à reprendre les sentiers de la guerre.
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