Une semaine après le drame du marché pirate de Matadi-Kibala qui a causé la mort par électrocution de 25 personnes le 2 février dernier, le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque métropolitain de Kinshasa, s’est rendu sur les lieux du drame. Ou tout au moins dans les environs, à la paroisse Notre Dame du Rosaire où il a célébré une messe de suffrages à la mémoire des disparus.
En la circonstance, le cardinal Ambongo a jugé opportun de se faire accompagner de quelques personnalités politiques, dont Martin Fayulu, président de l’Ecidé, candidat malheureux à l’élection présidentielle du 30 décembre 2018, perdue face à l’actuel chef de l’Etat Félix Tshisekedi. Il est de notoriété publique que Fayulu avait été lors de ce scrutin le candidat d’une partie des princes de l’église catholique.
Le prélat et l’homme politique se sont avérés les mêmes en cette circonstance de grande tristesse. A Matadi-Kibala, le cardinal s’est fendu d’une homélie toute empreinte d’allusions temporelles, comme à son habitude. Distribuant bons et mauvais points, critiques, reproches et piques. Contre le pouvoir politique accusé de tous les péchés d’Israël. «Gouverner, c’est prévoir et non attendre les accidents malheureux pour nous mettre à traquer en vain les coupables et à enterrer les morts; chères autorités, comment avez-vous laissé un marché s’installer impunément sur la voie publique et à un endroit à haut risque, au mépris de la loi existante de l’Etat en la matière?», a-t-il martelé, flanqué du tout nouveau chapelain du Pape, Mgr Donatien Nshole, porte-parole de l’épiscopat.
Dans ces conditions, les quelques mots prononcés pour se féliciter de la décision des mêmes autorités abondamment voués aux pires gémonies de délocaliser le marché pirate sont quasiment passés inaperçus.
Mutisme sur la responsabilité de l’église
Tout comme rien n’a été entendu sur le rôle de l’église catholique elle-même dans la formation, la protection et la conduite des âmes des fidèles dans leurs vies sur terre. A Matadi-Kibala, le cardinal Ambongo n’en a eu que contre l’Etat et ceux qui le représentent à ce jour, et rien contre l’institution à laquelle il appartient, l’église catholique qui revendique le plus grand nombre de fidèles en RDC et devrait à ce titre avoir un mot sur l’agir social de ses nombreuses ouailles. Sur la route du lieu du sinistre du 2 février pullulent marchés et lieux de rassemblement exposés quotidiennement depuis des années aux dangers de la circulation automobile dans la ville tentaculaire de Kinshasa au même titre que le marché tueur de Matadi-Kibala. Au Rond-point Ngaba, au marché de l’UPN, à la Cité Verte, le long du boulevard Lumumba devant le marché de la Liberté … les impératifs de survie ont engendré des comportements d’incivilité pour le moins suicidaires. Sur lesquels personne à Kinshasa n’a entendu l’église catholique sensibiliser et conscientiser ‘‘ses’’ fidèles.
Les attaques à peine voilées contre les autorités politiques que certains princes de l’église catholique ont pris en grippe paraissent ainsi entachées d’un manque flagrant de modestie chez des hommes de Dieu. En RDC comme partout ailleurs, l’Etat n’est pas le seul responsable du devenir des humains. Les confessions religieuses ont elles aussi un rôle important à jouer et ne devraient pas se réfugier derrière des faux-fuyants.
Ironie du sort, c’est le même mercredi 09 février 2022, jour de l’homélie pour le moins incendiaire du cardinal Fridolin Ambongo, que les vendeuses du marché tueur de Matadi-Kibala ont été déguerpies manu militari par le ministre de l’Intérieur du gouvernement provincial de la capitale Tenge Te Litho. Parce qu’en dépit de l’hécatombe du 2 février, elles y étaient revenues, comme si rien de grave n’y était survenu.
Un communiqué de l’Hôtel de ville annonce pour ce vendredi 11 février les obsèques officielles en la mémoire des disparus au Stade Vélodrome de Kintambo.
On espère que les officiants sauront prendre la mesure de l’événement et s’abstenir de tout discours démagogique.
LE MAXIMUM