Une marche interdite par les autorités urbaines de la ville de Lubumbashi et le gouvernement provincial du Haut-Katanga a été dispersée par les forces de police, mardi 18 janvier, entraînant quelques heures de confusion assez vite maîtrisée dans la capitale cuprifère.
Organisée à l’appel de l’AFBC, le parti politique du Dr. Nene Nkulu, une dissidente de l’AFDC de Bahati Lukwebo, qui fut ministre du Travail et prévoyance sociale du gouvernement Ilunga Ilunkamba, la manifestation a bénéficié du concours, en dernière minute, d’une certaine «communauté katangaise». Les manifestants exigeaient la libération du pasteur Daniel Ngoy Mulunda, un ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’origine katangaise, en détention depuis janvier 2021.
Au cours d’une prédication «coupe-gorge» selon la presse de l’époque, le 16 janvier 2021 à l’occasion de la commémoration de la mort de Mzee Laurent-Désiré Kabila, l’homme de Dieu s’était passablement délesté de ses attributs religieux pour appeler ses congénères à chasser les baluba du Katanga et à faire sécession. Des propos jugés séparatistes qui furent aussitôt dénoncés par des leaders locaux comme feu Kyungu wa Kumwanza, et qui fâchèrent particulièrement Kinshasa.
Prédication coupe-gorge
Le 20 janvier 2021, le pasteur Ngoy Mulunda était arrêté à Lubumbashi et acheminé manu militari à l’Agence nationale des renseignements (ANR) avant d’être transféré à la prison de la Kasapa et d’y être jugé par le tribunal de grande instance de Lubumbashi.
Mardi 26 janvier 2021, l’ancien président de la CENI, également connu pour sa proximité avec le clan Kabila, fut condamné à 3 ans de prison ferme pour incitation à la haine tribale, propagation de faux bruits et atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ainsi qu’au paiement d’une amende de 500.000 FC.
La marche dispersée par la police mardi à Lubumbashi avait été préalablement programmée pour le 15 janvier par l’Alliance des Forces pour le Bien-être des Congolais (AFBC), le parti de Nene Nkulu arguant que Ngoy Mulunda était en droit de bénéficier de la grâce présidentielle accordée dernièrement à certains condamnés par le président de la République. Le 11 janvier, le parti a fait état de l’introduction auprès des autorités lushoises compétentes de la lettre d’information d’usage avant toute manifestation. La «communauté katangaise», co-organisatrice de la manifestation, aurait elle aussi adressé un courrier analogue à qui de droit, suscitant la méfiance du maire de Lubumbashi, Ghislain-Robert Lubaba Buluma, qui l’a interdite de concert avec le ministre provincial de l’Intérieur du Haut-Katanga, Joseph Kayumba.
Manif’ interdite
Selon les organisateurs, qui déplorent 14 blessés graves, 41 blessés légers et une dizaine d’interpellations, les manifestants ont été dispersés place Georges Forrest à Lubumbashi par des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. Ce dont se défendent les autorités provinciales et urbaines pour qui les forces de l’ordre n’ont usé que de gaz lacrymogènes devant l’agressivité des manifestants. «Les organisateurs ont voulu faire du forcing car n’ayant pas obtenu l’autorisation de la Mairie de la ville de Lubumbashi à qui ils se sont adressés. S’en sont suivis une bousculade et des attaques envers les éléments de la police nationale congolaise qui, débordés, ont dispersé les manifestants en utilisant des moyens non létaux», précisent-elles.
Outre Mgr Fulgence Muteba, l’archevêque de Lubumbashi qui a condamné en des termes plutôt sévères la répression de la marche pour libérer le pasteur Ngoy Mulunda à travers un communiqué publié le 19 janvier, de nombreux acteurs politiques, essentiellement de l’opposition kabiliste l’ont également fermement dénoncé.
Réactions de l’opposition
Moïse Katumbi Chapwe, président de Ensemble pour le Changement, un parti politique de l’Union sacrée, majorité au pouvoir, s’est associé à ce concert de dénonciations. En raisons d’affinités tribales et régionales, selon les observateurs. Qui notent que s’il est vrai que le chairman katangais avait menacé en son temps de démissionner et de retirer ses hommes de l’Union sacrée de la nation (USN), et donc aussi du gouvernement en place, l’homme n’a jamais osé franchir le rubicon, préférant conserver les acquis que lui procurent l’alliance avec Félix Tshisekedi.
Katumbi a condamné l’usage disproportionné de la force et le recours à la violence pour réprimer une manifestation pacifique ainsi que les tirs à balles réelles et l’usage intempestif des gaz lacrymogènes, injustifiables. Néanmoins non avéré, selon les témoins et les observateurs. «On aurait déploré des morts si la police avait utilisé des balles réelles », a confié au Maximum un témoin des escarmouches de la place Georges Forrest.
Le parti pris du patron de Ensemble pour le Changement, candidat à la candidature à la présidentielle 2023, en faveur des manifestants et des organisateurs d’une manifestation aux relents séparatistes pose problème, lui aussi. Le pasteur Ngoy Mulunda a été condamné pour des appels à chasser les balubas du Katanga et à faire sécession qui n’ont jamais été nié par quiconque, tout le monde l’ayant entendu ou vu les proférer. La condamnation de la dispersion d’une manifestation organisée en sa faveur ressemble à s’y méprendre à un soutien au séparatisme prôné par l’ancien président de la CENI. Et ça, une bonne partie de l’électorat national pourrait ne pas le lui pardonner, le moment venu.
Encore une fois, Moïse Katumbi aurait dû faire l’économie d’une sortie médiatique contre-productive.
LE MAXIMUM