Face à l’insécurité persistante à l’Est du pays, particulièrement dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, Félix Tshisekedi ne faiblit pas. Ses adversaires à l’intérieur comme à l’extérieur, non plus. Le chef de l’Etat, qui tient mordicus à rétablir la paix et l’autorité de l’Etat dans ces régions perturbées depuis quelques décennies n’est pas encore disposé à mettre un terme à l’état de siège proclamé dans ces deux provinces fin mai dernier. Malgré les pressions en tous genres exercées aussi bien par les forces négatives qui écument le Nord-Kivu et l’Ituri que par quelques nationaux prompts à toutes sortes d’accommodements pour préserver un statu quo pourtant suicidaire pour les populations civiles. Fort de sa majorité USN (Union sacrée de la nation) au parlement, Félix Tshisekedi a obtenu, mercredi 17 novembre 2021, la 12ème prorogation de l’état de siège à l’Assemblée nationale. Malgré l’hostilité des élus des provinces concernées qui, comme à l’occasion du vote de la 11ème prorogation, ont préféré déserter les travées de la salle des congrès du Palais du peuple où se déroulent les plénières de la chambre basse du parlement.
Dialogue
Néanmoins, malgré sa fermeté sur cette question, le président de la République a engagé un dialogue pour persuader les élus et notables du Nord-Kivu et de l’Ituri. Qui apparaissent depuis plusieurs mois comme les premiers adversaires d’une mesure d’exception, certes, mais arrêtée notamment pour «cesser de faire comme si tout allait bien alors qu’une guerre sournoise nous est imposée depuis des décennies, qui ne dit pas son nom», ainsi que l’explique au Maximum une source à l’état-major général des FARDC à Kinshasa. «Il faut d’abord savoir nommer le mal avant d’en venir à bout», assure encore cet officier brevêté d’état-major de la célèbre Ecole royale militaire de Bruxelles (ERAM).
Dimanche 14 novembre, Félix Tshisekedi s’est ainsi entretenu durant de longues heures avec une délégation de notables Nande conduite par Antipas Mbusa Nyamuisi, et comprenant notamment l’évêque catholique de Beni-Butembo, Mgr Melchisédech Sikuli ainsi que le président du Kyaghanda, une organisation socio-politique très influence parmi les autochtone Nande. Objectif des échanges : trouver des pistes de solution pour mettre fin à la crise sécuritaire de l’Est. Mercredi 17 novembre, le chef de l’Etat a conféré sur le même sujet avec les élus des provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri, à leur demande, selon un tweet de Juvénal Munubo, un élu de Walikale au Sud-Kivu. Comme on pouvait s’y attendre, les pistes de solutions trouvées n’ont pas encore été portées à la connaissance de l’opinion, pour des raisons sécuritaires facilement imaginables.
Rapports à charge
On sait néanmoins que la plupart des députés nationaux et provinciaux ainsi que les leaders politiques des provinces sous état de siège, qui ont déjà résolument franchi le cap du dialogue avec les plus hautes autorités du pays, s’opposent à la mesure présidentielle, notamment en mobilisant l’opinion contre tout ce qui représente l’autorité publique et les forces nationales de défense et de sécurité.
Ces derniers mois, les rapports à charge contre l’état de siège se sont multipliés, alors qu’aucun appel de soutien aux troupes engagées au front, ni un état des lieux des avancées enregistrées par elles n’a été entendu.
Mercredi 17 novembre, Jean-Baptiste Kasekwe, un élu national de Goma (Nord-Kivu), rapportait aux médias que depuis la 11ème prorogation de l’état de siège, début novembre courant, 161 civils ont été tués en 13 jours, soit une moyenne de 11 tués par jour. Ce qui lui fait dire que l’état de siège ne sert à rien. Pourtant, 3 jours plus tôt, les FARDC rapportaient que depuis l’instauration de l’état de siège en mai dernier, 227 rebelles ADF ont été neutralisés, 31 autres capturés, 22 se sont rendus, 210 collaborateurs ADF ont été interpellés, et 226 otages ont été libérés. 227 rebelles tués en 6 mois, cela fait 37 éléments des forces négatives de moins par mois, sans compter quelques autres succès de fond dans cette guerre asymétrique. Les experts notent, en effet, que c’est pour la première fois dans la traque des ADF qu’un aussi grand nombre de collaborateurs locaux est tombé entre les mains des forces de défense et de sécurité. «C’est de bonne augure dans la compréhension et la maîtrise des tactiques de l’ennemi», explique encore ce gradé au Maximum.
La guerre assumée
Dans la région Nande de Beni et dans une moindre mesure en Ituri, acteurs politiques et sociaux opposés au pouvoir en place torpillent carrément l’état de siège. Ils s’évertuent à exiger que cette mesure coïncide avec l’instauration de la paix immédiate «alors que l’état de siège est plutôt à entendre et à présenter comme un état de guerre assumé afin d’y mettre un terme de manière radicale», explique-t-on encore. Dans ce secteur de la vie comme dans beaucoup d’autres, après 30 ans de guerre, la paix ne peut pas tomber comme une manne du ciel, naturellement. Ni la perfection immédiate dans la mise en œuvre de la mesure exceptionnelle prise par Félix Tshisekedi il y a un semestre.
Des bavures ont été enregistrées sur le terrain des opérations, ainsi que des fautes dans le chef des autorités militaires nommées dans les territoires sous état de siège. Mais cela reste du domaine du perfectible et du rectifiable, alors que la présence des forces négatives ne laisse aucune autre alternative que son éradication radicale et définitive.
LE MAXIMUM
GUERRE ET PAIX AU NORD KIVU ET EN ITURI : 12ème prorogation de l’état de siège
