Plus la peine de se leurrer outre mesure. Entre certains évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’UDPS, les hostilités reprennent comme ce fut le cas dans un passé récent avec le régime des Kabila. Ou encore jadis, avec Mobutu. Le 2 août 2021, l’abbé Donatien Nshole, porte-parole de l’épiscopat catholique romaine en RDC n’y est pas allé par quatre chemins, entremêlant présomptions et faits avérés dans le dessein évident de diaboliser le parti présidentiel. Sa communication intitulée «Indignation de la CENCO face aux attaques orchestrées contre l’église catholique», qui indexe le parti au pouvoir dans les invectives contre le cardinal archevêque de Kinshasa, Fridolin Ambongo, est sans équivoque.
Il accuse aussi l’UDPS en des termes à peine voilés des profanations des lieux cultuels déplorées depuis avril à Mbuji-Mayi, parce que selon ses propos, le n° 2 du parti de Félix Tshisekedi avait tenu sur des images circulant sur la toile «des propos désobligeants à l’endroit de son éminence le cardinal archevêque de Kinshasa et de notre secrétaire général les accusant entre autre de politiser l’église».
Notamment, parce que les individus qui avaient pris d’assaut le Centre Lindonge de Kinshasa, résidence et cabinet de travail du cardinal, avaient proféré des « injures macabres » tirés du lexique usité par Kabuya quelques jours plus tôt.
Généralisation abusive ?
Certes, un message clérical non signé par l’évêque de Mbuji-Mayi, Mgr Kasanda, auteur de la dénonciation des actes de profanation des lieux cultuels catholiques dans son diocèse avait évoqué «des actes qui manifestent une haine contre l’église catholique». Mais le prélat qui en rendait responsables «des individus non autrement identifiés», s’était gardé d’aller aussi loin.
Harcelé par les médias, Augustin Kabuya lui-même a précisé que ses critiques ne visaient guère l’église catholique en tant que telle mais plutôt quelques uns de ses princes dont l’activisme politique et le parti-pris flagrant crèvent les yeux et divisent même le clergé.
Renseignements pris, il appert que les actes de profanation des lieux de culte à Mbuji-Mayi n’ont rien de commun avec les vitupérations contre le cardinal archevêque de Kinshasa, contrairement à l’interprétation de l’abbé Nshole.
Des sources signalent en effet que les vols d’objets réputés saints seraient plus liés à des pratiques superstitieuses qu’à une quelconque motivation politicienne. Un point de vue que semble confirmer le rétropédalage de l’ordinaire des lieux, Mgr Kasanda, qui a dénoncé la politisation de son alerte. «Je constate une récupération politicienne à Kinshasa de ce qui nous est arrivé depuis déjà avril, longtemps avant la brouille actuelle au niveau des confessions religieuses concernant le choix du président de la CENI», a-t-il déclaré lundi 2 août courant.
Mgr Kasanda
n’a pas signé
L’association des incidents de Mbuji-Mayi à ceux de Kinshasa paraît donc à tout le moins hâtive. Tout comme l’attribution de l’agression du Centre Lindonge au secrétaire général de l’UDPS. Etant donné qu’un acte posé par des acteurs incontrôlés du parti tshisekediste, ou d’autres protagonistes de l’arène politique nationale, n’est pas à exclure.
Mercredi 4 août, l’UDPS a rendu public un communiqué dénonçant «fermement les actes inciviques (…) qui sont l’œuvre de ses détracteurs et demande aux autorités compétententes d’ouvrrir une enquête au plus vite pour dénicher et sanctionner les auteurs ainsi que les commanditaires de ces forfaits». La veille, Augustin Kabuya avait, au cours d’une matinée politique à Kinshasa, déclaré qu’«aucun membre de l’UDPS n’a reçu d’instructions pour s’en prendre aux responsables de l’église catholique». Tout en soutenant que personne ne peut empêcher son parti d’émettre un point de vue sur les questions politiques, même lorsqu’ils divergent d’avec celui des princes de l’église catholique. Il faisait sans doute allusion au communiqué du 23 juillet du président de la CENCO surchargeant subrepticement la mission leur confiée par le législateur en annonçant carrément la «détermination (de la CENCO, Ndlr) à ne pas céder à toute tentative de perturbation du présent processus électoral qui doit obligatoirement inaugurer une nouvelle ère des élections mieux organisées pour l’alternance démocratique en 2023». Comme si les attributions du patron de la CENI allaient jusqu’à imposer les résultats d’un scrutin en lieu et place du corps électoral.
Nouvelle croisade politicienne
Aussi, lorsque les princes de l’église catholique en RDC soutiennent que «pour l’amour des congolais, la CENCO ne se taira point», beaucoup ont encore en mémoire leurs croisades contre l’élection de Félix Tshisekedi fin 2018. En février 2019, le défunt cardinal Monsengwo, déjà à la retraite, s’était déchaîné sur le président fraîchement élu au siège des Grandes conférences catholiques, avenue Louise à Bruxelles. Sur 30 pages dactylographiées lues devant une brochette de représentants de la bourgeoisie catholique de l’ancienne métropole rd congolaise dirigée par le professeur honoraire à l’Université catholique de Louvain, Emmanuel Cornu, Monsengwo avait exprimé crûment plus que des réserves sur les résultats électoraux proclamés par la CENI et la Cour constitutionnelle congolaises quelques semaines plus tôt. «Ma position personnelle est que le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme doit prévaloir dans un Congo futur. Il ne faut pas que le véritable vainqueur d’une élection soit empêché d’être proclamé vainqueur parce que le régime en place contrôlerait toutes les institutions responsables des résultats des élections. Des commissions électorales futures sous le contrôle d’un gouvernement à la gouvernance désastreuse ne peuvent que mener à un désastre électoral plus grand encore. Il est inconcevable que tout cela arrive dans un pays où est présente la plus grande mission civile et militaire de l’ONU. Le fiasco électoral actuel sous la présence de la mission de l’ONU est incompréhensible. A l’avenir, cette mission ainsi que ses chefs doivent être du côté des Congolais et ne devraient pas donner cette impression maintes fois observée d’être de connivence avec le régime dictatorial en place. Aucun argument sur la soi-disant souveraineté nationale ne pourra faire le poids sinon cette même mission de l’ONU ne serait point devenue presqu’une mission permanente depuis bientôt 20 ans», avait-il martelé devant un auditoire tout acquis.
Deux ans après, rien n’indique que la frange politicienne au sein de la CENCO ait mis du bémol à ses prétentions paternalistes. Avec Tshisekedi au pouvoir ou non, cette tentative d’instrumentaliser le pouvoir spirituel pour domestiquer le pouvoir temporel ne fait que se poursuivre.
J.N
Lire aussi «Le regard d’un acteur politique sur la Cenco», page 6.
CENCO – UDPS : Barricades dresssées
