C’est en misant presque essentiellement sur le débauchage par la corruption à laquelle il se dit pourtant opposé que le président de la République, Félix Tshisekedi mène son forcing contre le bureau de l’Assemblée nationale présidé par la députée nationale PPRD, Jeanine Mabunda Lioko. « Son but en fin de compte est de se donner les moyens de faire tomber le gouvernement du premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba dont les bons rapports avec une assemblée nationale dirigée par Madame Mabunda constitue un gage de longévité», déclare le juriste et député national PPRD et ancien directeur de cabinet du président de la République honoraire Joseph Kabila, Néhémie Mwilanya. La quasi-totalité des responsables de la famille politique FCC de l’ancien chef d’Etat qui n’ont de cesse de dénoncer les multiples tours de passe-passe enclenchés avec le martial discours à la nation du chef de l’État dimanche 06 décembre dernier qui constitue pour eux une reculade dangereuse des acquis démocratiques de la première alternance politique intervenue au sommet de l’État entre Joseph Kabila et son successeur, partagent ce point de vue.
En effet, entre l’intention de nommer un informateur pour identifier une nouvelle majorité parlementaire alors qu’un gouvernement de plein exercice est encore en place bénéficiant d’un soutien confortable à l’Assemblée nationale et le chantage infondé à propos d’une dissolution de l’Assemblée nationale sans que ne soit constaté une réelle crise persistante entre cette institution et le gouvernement, le chef de l’État a créé plus de problèmes qu’il n’en a résolu.
Plutôt que d’assumer courageusement l’aveu d’échec des deux années qu’il vient de passer à la tête du pays, il a préféré se disculper en utilisant le FCC de son partenaire dans la coalition, Joseph Kabila comme bouc-émissaire.
Du fait d’interdire toute protestation contre l’inconstitutionnalité, le discours du président a suscité beaucoup de déceptions chez plus d’un observateur objectif. Alors que des violations graves et intentionnelles de la constitution émaillent la plupart des propositions annoncées par Fatshi, Néhemie Mwilanya juge scandaleux d’entendre le chef de l’Etat affirmer crûment que l’incident protocolaire du boycott de la cérémonie de prestation de serment devant lui des juges constitutionnels qu’il avait unilatéralement nommés en violation de la constitution par les speakers du parlement et le premier ministre chef du gouvernement en guise de protestation contre ses dérives inconstitutionnelles révélait… une crise persistante entre l’Assemblée nationale et le gouvernement pouvant justifier la dissolution de la chambre basse du parlement.
Depuis lors, des scènes surréalistes de violence et de vandalisme perpétrées par de gros bras du parti présidentiel à l’Assemblée nationale donnent une idée de la conception de l’Etat de droit qui n’est rien d’autre qu’une épaisse dictature.
Notre excellent confrère José Nawej du quotidien Forum des As estime que ces comportements brutaux ne sont rien mois qu’« un avis sans frais à ceux qui l’auront oublié. C’est une RDC réabonnée aux tensions politiques et donc à l’incertitude du lendemain qui s’apprête à prendre les rênes de l’Union africaine. Tout se passe comme si le pays a attendu d’être à la lisière de cette échéance pour renouer avec ses vieux démons de l’instabilité politique. Tout laisse à penser qu’on n’en serait encore qu’au début. A en juger par les prémices, le pire est à venir ».
Kinshasa n’étant pas la RDC, le risque de voir l’onde de choc de l’épreuve de force en cours retentir dans d’autres coins du pays ne serait pas une vue de l’esprit. Un coup d’œil dans le rétroviseur renseigne sur quantité de volcans kinois aux répliques inattendues dans le pays profond. En particulier dans certaines provinces névralgiques. Une occurrence dont la RDC pouvait bien se passer pour profiter au maximum de la tribune-vitrine que représente la présidence de l’organisation continentale. A l’allure où s’installe la chienlit jusque dans l’hémicycle, le Congo-Kinshasa risque d’alimenter la chronique internationale davantage comme pays de nouveau en proie à l’instabilité que porte-étendard d’un continent noir promis à l’émergence dans un avenir prévisible.
Que voulons-nous envoyer comme image à l’Afrique et au monde? Celle d’un sujet normal du droit international ou plutôt d’un pays «entièrement à part » ?
Souhaitons-nous devenir un «Etat adulte», pour reprendre une expression chère au professeur Emile Bongeli ou continuer continuer à nous vautrer dans la fange comme un « Etat bébé pouponné par la communauté internationale ?» La liquidation brutale et unilatérale de l’ordre post-élections 2018 ne présage rien de bon. Cela se voit et… se vit déjà.
La Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations-Unies en RDC, Leïla Zerrougui, répète à qui veut l’entendre son inquiétude face à l’évolution de la situation au pays mais le président de la République qui a suspendu sur un coup de tête la tenue régulière du conseil des ministres depuis un mois et demi et qui a entrepris de reconfigurer par des artifices douteux la majorité parlementaire fait la sourde oreille.
Toutes les tentatives pour amener les uns et les autres à se concentrer sur les politiques de stabilisation et les réformes institutionnelles essentielles à l’amélioration de la sécurité et de la vie quotidienne des Congolais sont restées sans succès.
Ni la crise sécuritaire dans l’Est du pays, marquée par de graves violations des droits de l’homme, ni les attaques de civils et les violences intercommunautaires dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu où l’ activisme des groupes armés locaux et étrangers nécessistent l’intervention la mission onusienne en RDC ne semblent figurer à l’agenda des plus hautes autorités de l’Etat. Désespérée, la diplomate algérienne estime que «le Conseil de sécurité des Nations-Unies peut jouer un rôle important pour encourager une résolution négociée de cette crise politique, de façon à privilégier des solutions durables, donnant priorité aux intérêts de la population congolaise par rapport à des objectifs politiques à court terme. Car sinon, il y a risque d’exacerbation des tensions, la RDC ayant besoin d’institutions stables et de se remettre au travail pour son redressement économique, surtout, la stabilisation de l’Est du pays. Le peuple congolais ne peut pas se permettre une crise institutionnelle grave avant les élections générales prévues en 2023 ». On rappelle que pour le FCC, les conclusions unilatérales du président de la République à l’issue de ses « consultations » violent gravement la constitution et servent de prétexte pour liquider par l’instauration d’un régime dictatorial au service d’un pouvoir personnel, les institutions établies au terme des élections de 2018. La constitution ne reconnaît pas au président de la République, la compétence de démettre le gouvernement. En clair, Le FCC ne se sent pas concerné par les annonces inconstitutionnelles du chef de l’Etat et assure son soutien au premier ministre ainsi que son gouvernement.
Cependant, tout indique que le président Tshisekedi ne reculera pas dans sa logique autocratique et que l’option de la requalification forcée de la majorité parlementaire (sic !) est irréversible pour lui. Les appels à l’apaisement de la communauté internationale n’auront pas eu raison des visées totalitaires du cinquième président rd congolais décidé à anéantir définitivement Joseph Kabila qu’il accuse de lui faire ombrage. Ces derniers jours, le camp présidentiel s’est même radicalisé. On en a eu une illustration avec l’enlèvement du secrétaire général de l’Assemblée nationale pour le contraindre par la terreur à actionner irrégulièrement la procédure de déchéance du bureau Mabunda, coupable du crime d’indocilité envers le président de la République, comme si l’Assemblée nationale était un service auxiliaire et non l’institution détentrice du pouvoir législatif. A cet égard, le coup d’État parlementaire en cours annonce la mort de la démocratie congolaise.
Les faucons du régime ont choisi de camper sur leur paranoïa, encouragés en cela par l’ambassadeur US Mike Hammer qui s’est fendu d’un communiqué mardi pour soutenir les «réformes inconstitutionnelles» annoncées par Fatshi. Pas difficile de savoir à qui profite ces incessantes querelles intestines dont la crise Tshisekedi-Kabila n’est que le dernier épisode.
L’avenir de la RDC risque désormais de s’enliser à nouveau dans un brouillard d’incertitudes dont l’issue semble de nouveau échapper aux Congolais à cause de l’impéritie du premier d’entre eux à qui ils ont confié le rôle de garantir leur bonheur et leur bien-être.
A.M.
DECHOIR MABUNDA POUR ATTEINDRE ILUNKAMBA Le pari risqué de Fatshi
