Après l’annulation de la réélection d’Albert Yuma à la tête de la Fédération des Entreprises Congolaises (FEC) par le Conseil d’Etat, on s’interroge dans l’opinion quant à la compétence de cette haute juridiction pour statuer sur les actes d’une Asbl de droit privé.
En effet, alors qu’à l’unanimité, ses pairs ont à nouveau jetté leur dévolu sur sa personne jeudi 26 novembre dernier, Albert Yuma a vu sa désignation comme patron des patrons rejetée par la haute juridiction administrative à la suite d’une requête dénonçant des irrégularités au cours de ce vote par l’un des candidats à ce même poste en la personne de Dieudonné Kasembo.
Un verdict qui a suscité des réactions au sein même de la FEC où des voix s’élèvent pour fustiger une décision injustifiée. «La FEC n’est pas un organisme professionnel organisé par la loi», estime à ce sujet Me Victor Ebenya Molongi, avocat au barreau de Kinshasa pour qui, l’ordonnance du Conseil d’État en référé-liberté, annulant l’élection à la FEC, est une jurisprudence fâcheuse. «Le conseil d’État aurait dû plutôt se déclarer incompétent matériellement, du fait que cette matière relève du tribunal de grande instance. Avec cette jurisprudence, cette juridiction s’auto-attribue de manière illégitime des compétences qui relève des juridictions de l’ordre judiciaire», a-t-il fait remarquer. Un avis partagé par le professeur Kodjo Ndukuma, vice-doyen de la faculté de droit de l’Université Pédagogique Nationale qui rappelle qu’il n’appartient pas à un juge, quel qu’il soit de se donner des compétences qui sont strictement «d’attribution par la loi».
Dieudonné Kasembo, l’adversaire de Yuma avait formulé trois demandes en saisissant le Conseil d’État, notamment la suspension de l’Assemblée générale élective du 26 novembre 2020 pour l’élection des dirigeants de la FEC, l’interdiction du vote à mains levées prévu par le règlement intérieur de la FEC en exécution de ses statuts ainsi que la réintégration au scrutin de deux des trois candidats déclarés comme non éligibles car ne remplissant pas les conditions requises.
Au cours de l’audience qui s’est tenue le jour même de l’élection, la défense de Yuma affirme que le Conseil d’État n’avait pas été saisi par un membre de la FEC mais plutôt par la société de monsieur Kasembo au lieu de lui-même en tant que membre de la FEC. En outre, le demandeur n’avait pas fourni la décision qui porterait atteinte à ses libertés, alors que la loi en fait une condition essentielle de la procédure de référé-liberté. Ils ont également mis en évidence la fin du mandat de Kasembo à la tête de sa société “Gecotrans” de même que l’impossibilité pour cette dernière de présenter un candidat, ni de s’exprimer ou agir en justice car elle n’a plus de gérant depuis plus d’une année. Il a enfin souligné que ce sont les statuts et le règlement intérieur de la FEC qui organisent le processus électoral de la FEC n’ont jamais été remis en cause par «celui qui s’en plaint aujourd’hui car il a toujours activement fait application, votant à mains levées tous les trois ans».
R.N.