En RDC, il n’est pas faux de soutenir que la violence politiquement motivée tend à se banaliser. Les tueries à l’Est du pays sont tellement récurrentes qu’elles n’émeuvent plus outre-mesure. La comptabilité macabre devient un fait banal parmi tant d’autres. La RDC est le seul pays au monde où des centaines d’homicides de citoyens perpétrés à un rythme quotidien dans les Kivu laissent de marbre les plus hautes autorités de l’Etat. Il en est de même des catastrophes comme l’éboulement accidentel de la mine d’or artisanale de Kamituga (Sud-Kivu) qui a coûté la vie à plus de 50 membres de la communauté le jour même où le chef de l’Etat rehaussait de sa présence les noces de la fille de son pasteur dans la capitale. «Pourtant, dans d’autres pays comme la France ou les Etats-Unis dont la plupart de nos dirigeants sont si fiers de revendiquer et brandir l’inspiration, l’enlèvement ou l’assassinat d’un seul contribuable aurait été traité avec plus de commisération et de compassion par les représentants de l’Etat», s’étrangle d’indignation un prêtre catholique kivutien qui note que seul des actes de générosité privée comme celui de Mme Olive Lembe Kabila, épouse de l’ancien président de la République, ont été récemment enregistrés par les proches des victimes de Kamituga.
Si les tueries, viols, et autres crimes odieux n’impressionnent guère les décideurs, nul ne pourrait s’émouvoir des menaces de mort proférées par des activistes zélés.
Wewa : Activistes ou escadrons fascistes ?
Abonnée aux innombrables faits divers de la politique politicienne, la presse congolaise semble avoir démissionné de sa vocation d’être le miroir de la société, le redresseur des torts devant jouer le rôle de sentinelle du futur. Informer et prévenir sur les dangers qui guettent les membres de la communauté, quels qu’ils soient, devrait pourtant être la priorité des hommes et des femmes des médias qui se veulent professionnels.
Face à une déficience aussi criante des tabloïds locaux, nul ne fera grief aux Congolais d’être si nombreux à ne se fier, pour se faire une idée sur ce qui se passe chez eux, à la presse étrangère qui parfois les informe mieux sur ce qui se passe chez eux.
Le 18 novembre dernier, c’est un site d’information sénégalais, Dakar-direct.com qui a dénoncé les pratiques mafieuses des «wewas», ces bandes de taxis-motos qui s’agrègent dans la capitale rd congolaise sur une base tribale et s’invitent avec une rare violence dans le débat politique pour décourager quiconque oserait exprimer une opinion contraire aux positions prises par le parti UDPS du président Tshisekedi. Selon notre excellent confrère Diabaté Brama, «il était difficile d’imaginer que cette violence (des wewa NDLR) déborde et devienne aveugle au point de viser des personnes qui n’ont rien à voir avec les joutes politiques kinoises». Une affirmation qu’il étaye par un cas vécu par ses sources à Kinshasa. «Domiciliée dans le quartier super de la commune de Lemba, la famille Moyonda vient d’apprendre à ses dépens qu’il n’est pas bon d’avoir même un membre de famille qui se permet de critiquer vertement l’actuel chef de l’État congolais. Les faits se sont déroulés au mois d’octobre dernier lorsque l’opposition accusait le pouvoir de cautionner le projet de balkanisation du pays en conférant une commune appelée Minembwe à des populations rwandophones à l’Est du pays», écrit-il.
On venait alors d’assister à une levée de boucliers qui avait obligé le président Félix Tshisekedi en visite à Goma à rapporter les procédures initiées par les autorités du gouvernement central et de la province du Sud-Kivu d’installation de la commune rurale de Minembwe «jusqu’à nouvel ordre». D’habitude très critique envers le régime de Kinshasa, une congolaise proche de l’opposant mobutiste Honoré Ngbanda Zambo ko Atumba basée en Allemagne et surnommée “maman mungala” sur les réseaux sociaux n’avait pas raté l’occasion de vouer aux gémonies les autorités de la RDC. Malgré son nom d’emprunt ‘’maman mungala’’ était suffisamment connue et sa famille à Lemba s’est trouvée dans le collimateur des fameux wewa ainsi que le rapporte Dakar-direct.com : «très en verve sur la toile, cette dame âgée d’une soixantaine d’année, réputée proche du sécurocrate mobutiste en exil Honoré N’gbanda, a été identifiée comme la sœur cadette de l’épouse de M. Moyonda, nommée Ngandobo Mutombo. La bête noire du régime de Kinshasa sur la toile qui se cache derrière le pseudonyme de ‘’maman mungala’’ en référence à l’ethnie bangala du deuxième président congolais Joseph-Désiré Mobutu a finalement été identifiée comme issue de la famille Ngadobo comme l’épouse Moyonda suite à l’indiscrétion d’un de ses neveux, Gaëtan Moyonda, fils de sa sœur qui avait naïvement vendu la mèche à un voisin sans savoir qu’il faisait partie de la milice wewa. Il ne se passe donc plus un jour sans que les wewas ne viennent proférer des menaces à la famille Moyonda, leur demandant de dire à la youtubeuse “maman Mungala” de ne plus poster des émissions critiquant le régime Tshisekedi. Problème : les émissions antérieures de ‘’maman mungala’’ sont toujours en ligne et continuent à alimenter le courroux de la milice pro-régime dont on connait l’appétence à semer la désolation en toute impunité », écrit Diabaté Brama.
Alerté, le bourgmestre Jean Nsaka de Lemba a placé le couple Ngadobo-Moyonda sous la protection de la police de proximité.
C’est triste de constater que l’intolérance politique au plus haut niveau de l’Etat fasse de plus en plus perdre à certains Congolais des valeurs élémentaires attachées à un Etat de droit digne de ce nom dans lequel nul n’a le droit de se faire justice et surtout de s’en prendre à des personnes pour des opinions émises par d’autres fussent-ils leurs parents. «De pareils actes de violence commencent toujours comme la petite flamme d’une allumette mais ils peuvent à force d’être tolérés par les responsables, prendre des proportions inattendues et embraser la société toute entière. Le président Tshisekedi a intérêt à brider les excès de certains de ses partisans car il faut savoir éteindre le feu qui consume une case pour qu’il ne brûle pas tout un village », conseille Brama.
JBD