Après avoir tenu en haleine le landerneau politique congolais pendant près d’un mois dans un contexte politique chargé de suspicion depuis le refus du parlement de valider la prestation de serment des juges constitutionnels pour cause d’inconstitutionnalité, la requête au Conseil d’État du député national de l’opposition Lamuka Fabrice Puela a été déclarée irrecevable par cette haute juridiction. Nombre d’analystes voyaient dans la démarche de l’élu de Matadi l’ombre du camp présidentiel décidé à se débarrasser coûte que coûte d’un bureau de l’Assemblée nationale jugé indocile, comme point de départ de la recomposition de la majorité parlementaire.
En effet, alors qu’il n’avait pas reçu mandat de la chambre basse du parlement et en l’absence d’une quelconque décision administrative se rapportant au bureau Mabunda, Fabrice Puela avait introduit une requête au Conseil d’État pour obtenir la démission ‘‘d’office’’ dudit bureau pour n’avoir pas, selon lui, présenté le rapport financier de l’exercice 2019 dans les délais prévus par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, à savoir endéans les 30 jours qui suivent l’ouverture de la session de mars. Du point de vue de la politique politicienne, l’initiative de Puela tombait à pic pour les extrémistes du camp présidentiel dans un contexte de rapports tumultueux entre le président de la République et le parlement. Une source proche du dossier révèle que le député central kongolais entendait ainsi prendre sa revanche après avoir que la majorité lui ait préféré son collègue Jacques Lunguana du MLC au poste de rapporteur adjoint du bureau de l’Assemblée nationale. «Sachant que la plupart des décisions du Conseil d’Etat ont été jusque-là défavorables au FCC depuis l’avènement de Félix Tshisekedi, Puela était d’autant plus sûr de son coup qu’il s’était rallié à Jean-Marc Kabund en misant sur le climat d’hostilité existant entre le camp du chef de l’Etat et le FCC», fait savoir à nos rédactions un politologue spécialiste des questions parlementaires. On comprend alors pourquoi Puela pérorait sur les plateaux de télévision depuis que le Conseil d’État avait pris l’affaire en délibéré en promettant de se prononcer sous huitaine. Pour lui, il s’agissait déjà d’une victoire à mi-parcours dont il fallait tout simplement transformer l’essai par un arrêt qu’il croyait déjà acquis.
Vunduawe sauve l’honneur
Pour beaucoup de jurisconsultes comme le professeur émérite Auguste Mampuya, «le simple fait d’imaginer une incursion du Conseil d’État dans une matière relevant du règlement intérieur d’une assemblée délibérante donne des migraines, car il s’agirait d’une entorse éhontée au sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs sur lequel est adossé un Etat de droit».
Même le député national UDPS Tshilumbayi, professeur de droit de son état, ne cachait pas son embarras de voir le Conseil d’État statuer sur la requête de Puela. «J’espère que le Conseil d’État saura faire la part des choses», avait-il déclaré lors d’un débat télévisé face au secrétaire permanent adjoint du PPRD Ferdinand Kambere.
L’on peut donc dire que tous les juristes et politologues avaient les yeux braqués sur le Conseil d’État et son président le professeur Vundwawe Te Pemako, détenteur de la première chaire de droit administratif congolais. Il était question de savoir s’il pouvait, au soir de sa vie professionnelle, sacrifier ses propres enseignements sur l’autel des postures politiciennes contingentes.
L’arrêt de ce lundi 23 novembre 2020 du Conseil d’État déclarant irrecevable la requête de Puela pour inexistence d’une décision administrative attaquée réhabilite ainsi le droit positif congolais dans sa téléologie et rassure sur le fait que le Conseil d’Etat n’a pas jeté aux orties les principes qui constituent le b.a.ba du droit administratif.
Les générations futures retiendront cette décision judiciaire à l’actif de la crédibilité de la justice congolaise.
JBD