Depuis les dénonciations par le Front commun pour le Congo (FCC)de l’ancien président de la République, Joseph Kabila des violations graves de la Constitution dont se serait rendu coupable le chef de l’Etat Félix Tshisekedi qui forme avec son prédécesseur la coalition au pouvoir FCC-CACH, une certaine clameur publique a tendance à voir dans le moindre frémissement au niveau des relations entre les institutions la manifestation de la méfiance qui s’est installée et est activement entretenue par des caciques de part et d’autre.
Tant au FCC qu’au CACH, tout événement est regardé sous la lorgnette d’une logique qui consisterait à bloquer autant que possible toute solution négociée dans la gestion de la res publica. Les extrêmes au sein de CACH comme dans le FCC ont chacun le couteau entre les dents à cet égard et vivent dans l’attente d’un affrontement donné pour certain dans un délai relativement bref.
Les projections des uns et des autres placent le curseur sur cette éventualité pourtant catastrophique et dont le pays ne tirera aucun bénéfice, loin s’en faut.
Du côté de JKK, on annonce que les fameuses forces politiques et sociales reçues par le président Tshisekedi ne les seraient que pour le décor car les jeux seraient déjà faits dans le sens du rejet de Joseph Kabila et son FCC comme partenaires pour permettre au chef de l’Etat de formaliser le changement de majorité au parlement par la corruption, les intimidations et l’achat de consciences qui lui donnerait la possibilité d’en finir avec le tableau des conflits internes nés de la cogestion du pays en partageant le pouvoir avec quelques opportunistes patentés. Si d’aucuns à Kinshasa estiment que ces consultations présidentielles ressemblent à un nouveau bal des chauves au sein de la classe politique où le menteur, le roublard, l’escroc triomphent, l’image du héros intègre comme Patrice Lumumba revient sur le devant de la scène parce que la société réclame ce qui lui manque le plus pour garder sa cohésion et préserver sa santé mentale collective.
C’est dans ce contexte surchauffé qu’est intervenu l’incident qui a impliqué deux ministres du gouvernement central tous membres du FCC, le Dr. Nené Nkulu, ministre d’Etat chargée de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale et Willy Kitobo, ministre des Mines, empêchés par la DGM de quitter la ville de Kinshasa mardi matin alors qu’ils devaient se rendre en mission officielle respectivement à Kalemie et Kisangani avec des ordres de mission signés par le premier ministre, chef du gouvernement. Ils se sont vus notifiés une interdiction de voyager à l’aéroport de Ndjili, sur instruction de la présidence de la République.
Aussitôt, les réseaux sociaux se sont saisis de cet incident pour le monter en épingle, les uns criant au blocage d’une partie du gouvernement car certains autres ministres n’avaient pas fait l’objet d’une telle mesure, les autres se félicitant de la fin d’une coalition dont ils n’avaient jamais voulu entendre parler.
«Les deux ministres ont été priés par les agents de la DGM de contacter le directeur a.i. du cabinet du président de la République qui leur a dit qu’ils ne pouvaient pas quitter Kinshasa sur ordre de la haute hiérarchie», a expliqué une source proche du dossier.
A la présidence de la République, on affirmait le même jour que « la plus haute autorité du pays n’était pas informée de leurs missions. Si vous demandez à tous les ministres, ils vous diront que, désormais, la plus haute autorité du pays doit être informée de tout mouvement des ministres».
Selon le Dr Jean Pierre Katalayi, cadre et communicateur de l’UDPS, « certes seul le premier ministre, peut autoriser ou non, à un membre du gouvernement, d’effectuer un déplacement mais le chef de l’Etat doit obligatoirement en être informé conformément aux textes réglementaires régissant le fonctionnement du gouvernement et les relations de ses membres avec l’institution président de la République qui, comme on le sait, préside le conseil des ministres. De ce fait, le chef de l’Etat peut refuser ou postposer le déplacement d’un membre du gouvernement hors de la capitale Kinshasa». D’anciens membres des équipes Muzito ou Matata Ponyo confirment qu’il en a effectivement toujours été ainsi même de leur temps. «Tous nos déplacements hors de Kinshasa même approuvés par le 1er ministre devaient obligatoirement être portés à la connaissance du chef de l’Etat car il était arrivé à plusieurs reprises qu’un conseil des ministres convoqué à sa diligence ne se tienne pas faute de quorum, la quasi-totalité de ministres étant dispersée en mission à l’intérieur ou à l’extérieur du pays sans que le chef de l’Etat n’en ait été informé au préalable», témoigne un ancien membre du gouvernement peu suspect d’accointances avec le CACH.
Le coordonnateur de la Dynamique Tshisekedi le Peuple D’Abord (DTPA Asbl) ajoute que ce pouvoir est confié au président de la République par l’article 34 de notre constitution. Il note que le 1er ministre, chef du gouvernement est parfaitement au courant de cette disposition de la loi suprême de notre pays et qu’il appartient au ministre devant effectuer une mission de faire diligence pour vérifier que le chef de l’Etat en a été préalablement tenu informé et n’y a pas vu d’iconvénient. Mieux, il estime que le 1er ministre ferait mieux de prendre toutes les dispositions avant de signer un ordre de mission pour les membres de son gouvernement que le chef de l’Etat en est dûment informé.
Cela est d’autant plus recommandé en ce contexte de tension au sein de la coalition au pouvoir composée des membres du FCC de Joseph Kabila et de CACH de Félix Tshisekedi.
En fait, c’est lors de la 30ème réunion du conseil des ministres, tenue par visioconférence le 10 mai 2020 que le président de la République avait tenu à rappeler cette disposition consistant à subordonner désormais toutes les missions officielles ou déplacements privés des membres du gouvernement en dehors de la capitale à son autorisation préalable.
C’est manifestement la non-observance de cette réglementation qui vient de pénaliser les ministres Néné Nkulu et Willy Kitobo. Rien à voir donc avec le climat délétère dans lequel tout semble s’être arrêté en attendant l’issue des consultations présidentielles résultant de la chienlit entre alliés du FCC-CACH.
«Le rappel de cette instruction n’est nullement sélectif, ni discriminatoire», se défend un haut cadre de la DGM s’exprimant sous le sceau de l’anonymat. «Il s’agit simplement d’exécuter les instructions en vigueur relatives aux déplacements officiels ou privés des membres du gouvernement peu importe qu’ils soient issus du FCC ou de CACH», a-t-il ajouté.
Quoiqu’il en soit, la succession et le cumul des incidents du genre alimentent la chronique sur le désamour qui existerait entre les deux camps qui composent à ce jour la majorité parlementaire d’où est issu le gouvernement en place.
Auparavant, une instruction de la ministre d’Etat CACH des Affaires étrangères interdisant l’accès au salon diplomatique de l’aéroport international de N’djili à certains porteurs des passeports diplomatiques comme les députés nationaux et les sénateurs, avait suscité une poussée d’adrénaline entre les deux composantes de la majorité au pouvoir.
Il en est de même du refus de certains agents commis à la sécurité dudit salon diplomatique à Mme Olive Lembe Kabila, épouse du président de la République honoraire lors de sa récente mission humanitaire vers le Kivu. Une bourde qui ne se justifie pas dans la mesure où l’ancienne first lady mérite tout de même le respect et la considération du fait des hautes charges exercées par son mari. C’est une question autant d’élégance que de courtoisie élémentaire de la part des agents commis dans les différents services de l’Etat qui doivent cesser de se comporter comme des rustres militant au sein de diverses formations politiques.
A.M