Nul n’est en mesure de prévoir quand les consultations du palais de la nation débutées tambour battant la semaine passée prendront fin. Le chassé-croisé des forces vives à la présidence de la République tient en haleine l’opinion suspendue aux lèvres des consultés. Après les audiences leur accordées par le chef de l’État, les uns et les autres rivalisent d’éloquence face à la presse pour rendre compte du contenu des entretiens. Paradoxalement, seuls Jean Pierre Bemba et Moïse Katumbi, dont le poids politique à la chambre basse du parlement est relativement important, se sont pratiquement abstenus de longs commentaires à la sortie de leurs longues audiences.
Dans un entretien téléphonique qui a fuité jusque dans nos rédactions, un conseiller du chef de l’État s’exprimant en langue nationale a laissé poindre la méfiance de la «cour» vis-à-vis du «mungala» (Bemba) et du «katangais» (Katumbi) qui auraient tous deux selon ses dires monnayé leur participation aux consultations nationales en raison de 250.000 USD chacun en plus des frais de transport par jet privé. C’est dire à quel point les enchères ont été montées en échange de la main tendue de Félix Tshisekedi à ses ‘‘amis’’ de Genève qui n’ont pas gardé un bon souvenir de leurs alliances passées avec l’actuel locataire du Palais de la nation.
Des sources affirment que Katumbi et Bemba auraient en sus exigé la nomination des leurs à la cour constitutionnelle le 21 avril prochain en lieu et place des deux juges dont la procédure de nomination a déclenché la crise entre le FCC et le CACH. On parle à ce sujet de deux juristes députés nationaux de leur état.
Nostalgique d’un passé récent quand il battait encore le pavé avec ses copains du RASSOP, Fatshi n’a pas fait mystère de son rêve de sauver son mandat en demi-teinte grâce à une agglutination autour de sa personne de toutes les forces vives de la nation sur fond d’un anti-kabilisme anachronique. C’est le sens de la «recomposition de la majorité parlementaire pour recadrer l’action gouvernementale» dans laquelle la fin justifie tous les moyens, y compris ceux consistant en la violation de la constitution et des lois de la République. A la trappe la moralisation de l’action publique et les valeurs dont le président s’est fait le héraut depuis son avènement.
Ainsi, pour essayer de récupérer le perchoir de l’Assemblée nationale d’où il avait été déchu à cause de ses indélicatesses, le président a.i. de l’UDPS Jean Marc Kabund a été vu distribuant à quelques dizaines de parlementaires une rondelette somme oscillant entre 7.000 et 14.000 USD par personne en échange de leurs signatures pour déchoir Jeanine Mabunda. Pendant ce temps, une tentative du député Albert Puela auprès du Conseil d’État qui prend de plus en plus les allures de bras armé du parti présidentiel a d’ores et déjà été dénoncée par la plénière de la chambre basse du parlement mardi 10 novembre passé, ce qui n’a pas empêché cette haute juridiction administrative de continuer à se vautrer dans le déni du droit positif congolais en convoquant la présidente de l’Assemblée nationale à comparaître le 18 novembre prochain alors que cette juridiction administrative n’a aucune compétence sur les actes des chambres parlementaires.
L’enjeu de toute cette agitation est de faire tomber coûte que coûte le bureau de l’Assemblée nationale avant la fin de la session budgétaire pour permettre au chef de l’Etat de réussir son «recadrage de l’action gouvernementale».
La majorité parlementaire largement acquise à Joseph Kabila a été mobilisée par son autorité morale pour faire face à cette OPA. Depuis l’annonce des envies de divorce du camp présidentiel, Kabila a rencontré deux fois en une semaine les têtes couronnées et les élus du FCC pour les sensibiliser sur ces enjeux avant de les réunir en une retraite politique. À demi mot, JKK s’est lui-même excusé du retard pris dans la structuration du FCC, promettant de rendre officielle la coordination de sa famille politique revendiquée ardemment par la majorité de ses sociétaires.
Retard, procrastination, pourrissement étaient jusque-là déplorés dans les rangs du FCC où l’on estime que la méthode du taciturne du 4ème président rd congolais consistant à «dilater le temps comme si un humain pourrait se targuer d’avoir la pleine certitude de tout ce qui advient semble avoir montré ses limites, car en réalité le temps que l’on perd ne se rattrape jamais» n’est plus de mise dans la situation actuelle où le majorité fait l’objet d’attaques croisées aussi bien de la part de son partenaire de l’UDPS que de l’opposition Lamuka.
Ainsi qu’aime à répéter Fridolin cardinal Ambongo, «le service du peuple ne peut pas attendre ». La vie politique en démocratie est séquencée par des mandats rigoureusement délimités dans le temps qui exigent des acteurs politiques non pas tant de la célérité ou de la précipitation, mais à tout le moins de la souplesse.
Des «deus ex machina» y sont souvent accusés de s’accorder les pleins pouvoirs de distribution des rôles sans tenir compte du poids politique ou de l’apport en industrie des uns et des autres. «Tout se passe comme si ceux qui prennent le plus de coups dans la défense de notre chef de fil sont condamnés d’avance à être payés en monnaie de singe. Quelques électrons libres ont toujours été mieux positionnés que les généraux bardés de victoires et de cicatrices», confie un jeune du PPRD dernièrement élevé en dignité dans la territoriale. «Il est tout à fait normal que des caciques désabusés puissent trouver l’occasion de se demander s’ils ne méritent pas mieux par rapport aux loyaux services rendus à la nation», riposte un autre jeune du Palu justifiant la réponse favorable d’une partie de sa formation politique aux consultations nationales.
Au PALU du regretté Antoine Gizenga, le FCC est accusé d’avoir pris fait et cause pour le camp des «putschistes qui ont créé un autre siège du parti à la quatrième rue Limete», selon ce jeune cadre qui confirme, la mort dans l’âme, que «le FCC est seul responsable de la première scission en téléchargement après 56 ans d’existence causée par ceux qui ont officiellement invité les dissidents à la retraite de Safari Beach au dépens des légalistes».
Les jours d’après les consultations s’annoncent déjà comme un océan de désillusions si l’on en juge par le manque de linéarité téléologique dans l’exercice qui se déroule au palais de la nation. L’obsession à vouloir créer coûte que coûte un monstre à mille têtes sans Kabila que l’on observe chez certains sherpas de Fatshi provoque un appel d’air à plusieurs prévaricateurs sans bases digne de ce nom. Un ancien diplomate congolais à la retraite, convaincu qu’aucun gouvernement d’union nationale qui ne serait pas en symbiose avec la majorité parlementaire, ne peut réussir à rencontrer les aspirations du peuple. Il en conclut que «l’Union Sacrée pour la Nation dont rêve Félix Tshisekedi pourrait à terme bénéficier à Joseph Kabila dans la mesure où elle ne sera rien d’autre qu’un repère de politicailleurs dépourvus de tout devoir de rédevabilité car seule la commodité du chef de l’Etat et la leur propre seront à la base de leur engagement. À tout prendre, Tshisekedi est en train de troquer son costume de chef de l’État plénipotentiaire à une couronne d’un monarque assis sur un trône aux pieds d’argile avec une hypothétique majorité illusoire. Il est peut être préférable pour Kabila de rester isolé pendant un moment pour que les Congolais se rendent finalement compte de la chance qu’ils ont eu de l’avoir au sommet de l’État pendant des moments les plus critiques pour notre existence en tant que nation».
A lui de prendre la juste mesure des choses pour consolider la plateforme FCC dont il devient de plus en plus évident que le pays ne peut plus se passer dans les circonstances actuelles.
JBD