Le défunt Dr. Etienne Tshisekedi wa Mulumba a lancé lors de la conférence nationale souveraine des années 90 l’expression ‘‘bal des chauves’’ pour illustrer l’attitude inconséquente des membres de sa famille politique qui, pour quelques prébendes offertes par le dictateur Mobutu, quittaient les rangs de son Union sacrée de l’opposition radicale et alliés.
Amorcées avec une semaine de retard, les consultations annoncées le 23 octobre par son fils le chef de l’Etat Félix Tshisekedi ressemblent à une véritable ironie de l’histoire. C’est ce que doit penser Joseph Kabila en voyant les efforts des faucons du CACH pour débaucher quelques parlementaires de la majorité FCC en vue de créer artificiellement une nouvelle majorité en pleine législature, a contrario aussi bien des normes légales en vigueur que de la moralité. Les 338 députés nationaux et 80 sénateurs du FCC réunis autour de Kabila disent avoir compris que la démocratie doit être représentative et fondée sur le principe selon lequel la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants dont il faut respecter l’intégrité. Issus comme le chef de l’État actuel de la «démocratie électorale», seul moyen d’accès au pouvoir, les élus FCC ne se sont pas encore prononcés sur les consultations présidentielles dans le cadre desquelles ils voient défiler non sans étonnement des non-élus ou leurs collègues de la minorité.
Ces bisbilles dans la la coalition FCC-CACH entre le président et son prédécesseur pour le contrôle de la majorité parlementaire acquise à ce dernier, renvoient à la fable du singe et du chat de Jean de La Fontaine. Dans cette fable, Bertrand le singe persuade Raton le chat d’arracher les châtaignes des braises incandescentes parmi lesquelles elles rôtissent, lui promettant une part. Alors que le chat les ramasse du feu un à un, se brûlant les pattes, le singe les engloutit aussitôt. Les deux compères sont soudain dérangés par une femme de chambre qui entre sans que le chat n’ait rien obtenu de ses efforts. C’est de ce conte qu’aurait été tiré l’idiome «tirer les marrons du feu», c’est-à-dire agir comme dupe de quelqu’un. Beaucoup à Kinshasa appliquent cette fable à la politique actuelle où l’on voit un prince se mouiller pour un autre sans se faire payer en retour.
Le FCC qui, à lui seul, a raflé près de 340 sièges à l’Assemblée nationale, semble contrarier de ce fait le calcul de son partenaire élu le même jour au fauteuil présidentiel.
Il est question désormais soit de cohabiter, soit de continuer à coaliser. C’est la seule issue possible à la querelle qui défraie actuellement la chronique.
Les cerveaux du FCC, de CACH, voire quelques cadres de Lamuka doivent savoir que c’est à tout prendre, le nouveau bal des chauves qui est déjà en cours.
L’évidence est telle que seuls les vrais chauves s’en sortiront moralement et politiquement sains et saufs. Les uns et les autres n’ont ni droit à l’erreur, ni la possibilité de renvoyer à qui que ce soit la facture salée de l’actuelle crise sociopolitique et économique.
L’enjeu consiste à saisir la main tendue de Fatshi, pour se ranger derrière sa « vision » ou respecter les engagements pris devant l’électorat ainsi que la Constitution qui reste la loi suprême de la nation pour tous.
Pour préserver les acquis politiques, malgré les différends liés aux tendances et aux styles, il faut accepter soit les cahots de la coalition soit les avatars d’une cohabitation politique jamais expérimentée ici. L’ancienne opposition radicale et la majorité d’hier aujourdhui coalisées n’ont point à se régler des comptes. Telle est la volonté du souverain primaire pour mettre fin au cycle infernal de la misère congolaise.
On peut se demander à cet égard en quoi les consultations qui se poursuivent au Palais de la Nation concernent notamment les journalistes, les médecins, comédiens et autres avocats qui ne font partie ni de l’une, ni de l’autre.
Il reste à espérer que grâce à leurs conseils de tempérance, les uns et les autres contribueront de manière active à amener le chef de l’Etat et ses partenaires à raison garder. Les associations de la société civile qui ont adopté une posture politicienne ont à cet égard tout faux et courent le risque d’être considérées comme des usurpatrices intéressées. Mention spéciale à ceux qui comme la CENI, le CNSA, le Conseil économique et social, la FEC, la CIME, la CNDH, le CSAC, le représentant légal de l’église kimbanguiste ainsi que le cardinal Laurent Monsengwo qui se sont limités à prodiguer des conseils d’apaisement aux deux antagonistes.
Contrairement à l’ambiance du premier jour où les contacts du chef de l’Etat avec ses invités ont été retransmis en direct à la RTNC, les échanges qui ont suivi ont été menés à huis-clos comme si les ’’consulteurs’’ en avaient marre de se faire remonter les bretelles par leurs interlocuteurs.
A quoi les Congolais devront-ils s’attendre à l’issue de cette initiative ?
Une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale n’est pas envisageable en cours de législature si l’on s’en tient au prescrit du règlement intérieur de la chambre basse du parlement (article 54) que ceux qui ont amené le chef de l’Etat au schéma des consultations semblent n’avoir jamais lu.
La sélection des invités et le modus operandi en disent aussi long qu’une déclaration officielle.
Question essentielle: comment le président peut-il respecter la constitution et l’ordre institutionnel comme il en a pris l’engagement en violant l’une et l’autre en n’excluant aucun cas de figure?
En définitive, au-delà de l’effervescence, mieux de l’agitation politicienne observée autour de ces consultations, force est de constater que la voie royale de sortie de crise ne peut être opérationnelle que dans le strict cadre des dispositions de la loi fondamentale qui délimite expressis verbis le champ des compétences respectives des institutions électives que sont le président de la République et le parlement.
Au demeurant, lorsqu’il se pose un problème dans les institutions, la consultation la plus utile n’est pas celle qui fait défiler dans un grand ballet quelques opportunistes chasseurs d’emplois rémunérateurs dont certains n’hésitent pas à inciter le président de la République à comettre la forfaiture consistant à désarticuler le cadre institutionnel mis en place par la constitution. Qu’on se le dise!
Le maximum