Pour maintenant plus d’un demi-siècle déjà, le monde entier a acquis l’habitude de voir la RDC, comme une véritable tragédie en matière de bonne gouvernance. On le comprend au regard du potentiel incroyable dont dispose le pays pour résoudre aussi bien ses problèmes que ceux de l’Afrique et du reste du monde. Malgré tout, la RDC continue à naviguer obstinément à vue avec une vieille boussole vers la mauvaise direction. Pour l’illustrer, alors que des gouvernements comme ceux du Brésil, de France, des États-Unis, de l’Union européenne et d’ailleurs utilisent la crise de la Covid-19 pour larguer des milliards USD sur leurs citoyens au titre des secours d’urgence, le gouvernement congolais se sert de la pandémie de la Covid-19 comme prétexte pour harceler ses nationaux et les étrangers qui ont choisi ce pays comme leur seconde patrie en leur extorquant littéralement une partie de leurs revenus.
Le gouvernement de la RDC a ainsi annoncé la semaine dernière qu’il venait d’adopter un budget de 6,8 milliards USD pour l’année prochaine. Pour certains, c’est un acte supplémentaire de trahison. Pour d’autres, cette inclinaison à maintenir le budget national dans la médiocrité est due au fait que l’économie congolaise est fortement dépendante de l’industrie minière contrôlée par des entités étrangères ou des acteurs politiques opaques qui, à leur tour, limitent les principales sources de revenus en des envois de fonds des sociétés minières internationales et nationales ainsi que des emprunts et l’aide étrangère.
Ce budget n’est que le reflet de la longue tradition des budgets confectionnés pour toute la nation mais qui ne semblent destinés qu’à préserver le train de vie dispendieux de l’Etat et de ses animateurs par un souci de stabilité politique qui n’a rien à voir avec l’envol social, économique et l’émergence d’une nation puissante au coeur de l’Afrique.
Déjà pour 2020, il y a plus de fonds alloués au Comité national de suivi de l’Accord de la St Sylvestre «CNSA »(10.500.000.000 FC, soit 0,06% du budget national) qu’à la rubrique de la lutte contre le chômage (690.719.673 FC, soit 0,00%) ou les services de médecine générale (313.584.755 FC, soit 0,00% du budget national) voire la recherche-développement concernant la défense 486.522.912 FC, soit encore 0,00% du budget national).
Comment justifier les 290.868.635.353 FC (1,69% du budget national) affectés aux services généraux de planification et statistique pendant que personne ne peut dire à combien s’élève la population congolaise tout comme le taux de chômage réel dans le pays.
Aucune ligne n’est prévue dans le budget pour introduire la technologie dans les salles de classe. Le budget de l’année dernière n’aura été qu’une farce couverte par ce bouc émissaire commode qu’est devenu la Covid-19.
Pour peindre un tableau et en tirer quelques données d’analyse, on peut signaler qu’en 2017, la RDC avait un revenu de 3,238 milliards USD, soit moins qu’un pays déchiré par la guerre comme le Yémen (3,467 milliards USD), 30 fois moins que l’Afrique du Sud (92,380 milliards USD), et 100 fois moins que le Royaume de Belgique (249,700 milliards USD). La comparaison est plus écœurante quand on se rend compte de la juxtaposition du revenu national annuel sur le nombre d’habitants. Le montant en 2017 pour la RDC était de 39 USD contre 182 USD pour le Yémen, 1.865 USD pour l’Afrique du Sud et 22.470 USD pour la Belgique.
La conclusion coule de source. La RDC a un retard énorme à rattraper comparativement aux chiffres de la dette extérieure par habitant : 88 USD contre 813 USD pour le Yémen, 3.343 USD pour l’Afrique du Sud et 44.119 USD pour la Belgique. Ayant le moins de dette par habitant par an, on pourrait penser que notre pays devrait pouvoir facilement s’endetter. Il est dès lors surprenant que S&P Global Ratings (anciennement Standard & Poor’s), considérée comme la plus grande des agences de notation, classe la RDC comme moins digne de confiance (CCC+) que l’Afrique du Sud (BB-) et surtout la Belgique (AA). Racisme ? que non!
En fait, alors qu’en RDC, le salaire minimum est de 0,13 USD de l’heure ou environ 60 USD par mois, il est 1,5 USD de l’heure en en Afrique du Sud et de 11,48 USD de l’heure en Belgique.
Pour ceux qui ne le voient pas, plus les revenus des citoyens sont élevés, plus le budget de l’État l’est également. Il en va de même pour la confiance des créanciers dans les obligations nationales qui indiquent à quel point les pays à hauts revenus trichent et gonflent leur dette nationale afin de fournir d’incroyables surplus sociaux à leurs citoyens et maintenir à flot leur croissance économique.
Il faut préciser que le budget d’une nation telle que le Brésil ou l’Allemagne est affectée par la Covid-19 parce que la crise entrave les voies par lesquels leurs citoyens de la classe moyenne gagnent leur vie, ralentissant ainsi leurs interactions financières, ce qui nuit aux entreprises, en particulier dans le secteur des services. Pour ces pays, l’État s’appuie sur les revenus de leurs citoyens pour alimenter le mécanisme qui génère des surplus sociaux pour tous tels que les systèmes éducatifs, de santé et des infrastructures. Il s’agit de la sorte de paraître attractif pour accumuler plus de dette nationale.
Une nation comme la RDC dont les citoyens sont passifs et oisifs sur la scène économique mondiale et dont le gouvernement mise davantage sur les ‘‘dons’’ et autres caprices des pays riches pour son budget ne devrait pas à juste titre blâmer la Covid-19 pour ses nouveaux étranglements.
Le budget national est minable pour une nation comme la RDC non pas parce que c’est un soi-disant scandale géologique, mais du fait que plus de 80 millions d’âmes y végètent sans perspectives. La pauvreté implique d’abord et avant tout un manque de revenus et de ressources contemporains pour assurer des moyens de subsistance durables. Ses manifestations comprennent la faim, le banditisme politique, la criminalité, l’accès limité à l’éducation et à d’autres services de base. En plus s’ajoutent pour la RDC, les groupes armés fruits de la mauvaise gouvernance et du tribalisme. Par conséquent, l’éradication de la pauvreté sur toute l’étendue du pays qui devrait être la mission principale de l’Etat y signifie encore en ce 21ème siècle l’amélioration de la qualité individuelle des moyens de participation à l’économie mondiale.
Pour être franc avec nous-mêmes, le budget national congolais reflète le niveau primitif de nos aspirations nationales de même que l’état d’esprit de ceux qui sont appelés à les combler.
Ainsi, pour avoir un jour un budget national qui puisse fournir un surplus social pour l’amélioration de la qualité de vie, la RDC doit avant tout moderniser les rêves et les efforts des ses citoyens.
A.M et Jo M. Sekimonyo