Pour le cardinal Fridolin Ambongo, vice-président de la CENCO et archevêque métropolitain de Kinshasa, à partir de la rentrée scolaire prochaine, les enseignants du primaire dans les écoles conventionnées catholiques devront être des fidèles catholiques. Il l’a annoncé dimanche 4 octobre à l’occasion de la double cérémonie d’inauguration et d’installation du nouveau doyenné Saint Eugène à Maluku.
Pour sa toute première visite pastorale dans cette banlieue de la capitale, le cardinal a rappelé l’observance des valeurs de l’Eglise catholique par tous les prêtres et fidèles. «Désormais, tout enseignant de l’école primaire dans les écoles conventionnées catholiques sera obligatoirement un fidèle catholique, et ce, à partir de l’année scolaire 2020 – 2021. A l’école primaire, tout enseignant doit être un catholique pratiquant, car la catéchèse figure dans le programme scolaire de toutes nos écoles. On ne peut pas accepter qu’un enseignant non-catholique vienne dispenser la catéchèse aux élèves, d’autant plus qu’il n’a aucune notion sur les valeurs de l’Eglise», a-t-il expliqué.
Aux curés et coordonnateurs qui n’appliqueront pas ces nouvelles dispositions, Fridolin Ambongo a promis de sévères sanctions. «Si je rencontre un tel cas, c’est le curé et le coordonnateur à qui je demanderai des comptes. Je ne m’en prendrai pas à l’enseignant. On ne badine pas avec les valeurs catholiques », a-t-il martelé.
Cette décision suscite un tollé parmi divers syndicats et ONG du secteur de l’éducation. Déjà à la coalition nationale de l’éducation, on se pose la question de savoir si le cardinal Ambongo prépare une épuration religieuse dans les écoles catholiques. Jacques Tshimbalanga, coordonnateur de la coalition, se demande si «ces écoles ne seront donc plus des écoles publiques étant donné que l’Etat congolais est laïc». Question pertinente.
La décision annoncée par le cardinal Ambongo relance ainsi le débat sur l’école publique, la laïcité de l’État et le principe constitutionnel de la non-discrimination en matière d’accès aux fonctions publiques en RDC. A ses yeux, «c’est une forme de discrimination religieuse qui peut être considéré non seulement comme une violation de la constitution mais aussi comme une violence basée sur la foi religieuse».
En effet, l’article 36 alinéa 3 de la constitution de la RDC dispose que «nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses croyances ou de ses conditions socio-économiques». Et l’article 62 alinéa 2 de la loi n°015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du Travail telle que modifiée par la loi n°16/010 du 15 juillet2016 précise que «ne constituent pas des motifs valables de licenciement notamment : la race, la couleur, le sexe, l’état matrimonial, les responsabilités familiales, la grossesse, accouchement et ses suites, la religion, l’opinion politique… ».
En d’autres mots, les enseignants non catholiques (travailleurs), qui donnent cours dans les écoles conventionnées catholiques ne doivent pas être lésés ou licenciés en raison de leurs croyances religieuses au risque d’exposer l’Eglise catholique à des poursuites pénales pour violation de la constitution. Aussi, le recrutement des nouveaux enseignants n’a à se baser sur des critères discriminatoires comme la religion. Cela violerait les instruments juridiques nationaux et internationaux en matière de travail.
Pour préserver la foi catholique dans les écoles conventionnées catholiques, le cardinal serait mieux inspiré de mener une politique silencieuse dans la sélection et/ou la promotion des enseignants. Car tenir publiquement de tels propos revient à défier la loi fondamentale et les institutions qui sont chargées de l’appliquer.
L’expérience des discriminations procède d’un double déni. D’un côté, les discriminations sont un déni de l’égalité et du mérite dus à tous les individus. La constitution congolaise a été élaborée sur une double exigence : la liberté et la reconnaissance par les sociétés démocratiques du droit de chaque individu à s’épanouir selon ses propres convictions. L’expérience en RDC des discriminations n’est pas seulement une injustice, elle est aussi une humiliation qui menace la valeur, l’identité et la personnalité même des individus. En effet, les individus sont discriminés parce qu’on leur attribue une identité négative, péjorative, parfois une identité considérée comme une insulte et un stigmate.
A.M