Les jours se succèdent et se ressemblent dans la province natale de Patrice Emery Lumumba, faisant remonter à la surface la suffocation d’un pouvoir exécutif provincial illusoire incarné par le gouverneur Joseph-Stéphane Mukumadi, fruit d’un complot ourdi par une une partie de la classe politique de cette entité contre la population. Selon l’analyste politique de la diaspora européenne Alengo Yoka, le député Jean Charles Okoto est le principal acteur de cette ignominie. Il l’a dit sans ambages dans une vidéo publiée la semaine dernière sur les réseaux sociaux dans une déclaration invitant cet élu de Lodja à se dédouaner de sa responsabilité dans l’agonie et la descente aux enfers d’un Sankuru malade d’une mauvaise gouvernance fatale.
Comme dans «les animaux malades de la peste», Okoto a, selon cette source, mutualisé les mauvaises pratiques de la défunte deuxième République qui risquent de précipiter l’asphyxie de la province. Les morts sont crus car Alengo a tenu à peindre au vitriol une situation que personne ne devrait ignorer. Un peu comme Jean de la Fontaine invoquant «un mal qui répand la terreur », allusion à Œdipe de Sophocle dénonçant le mauvais comportement des hommes qui entraîne des châtiments avec la nécessité d’une victime expiatoire. Dans le contexte du Sankuru qui agonise et ne finit pas de rater son décollage 15 mois après l’avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir et 10 mois après les élections gouvernorales controversées de juillet 2019 ayant porté à la tête du Sankuru une escouade d’affairistes jouisseurs en conflit ouvert aussi bien avec la loi qu’avec la plus grande partie de la population et même l’Assemblée provinciale. Une situation ubuesque qui a contraint Mukumadi à l’exil en France, pays dont il n’a jamais renoncé à la nationalité malgré les dispositions légales d’éligibilité aux fonctions de gouverneur de province.
Après avoir rencontré l’ancien ambassadeur Jean Charles Okoto, parrain de Joseph Stéphane Mukumadi dans son aventure à la course du gouvernorat du Sankuru, Alengo Yoka se dit choqué de voir le même Okoto se laisser aller à faire semblant de s’offusquer de l’incompétene crasse de son protégé dont il a eu le cynisme de questionner toute honte bue le cursus académique plus d’un an après avoir fait feu de tout bois pour l’imposer à la tête de la province du Sankuru. Tous ceux avec qui il avait fait bloc à cette fin n’ont pas tardé à retirer leur soutien à cet imposteur que l’Assemblée provinciale a déféré quasi-unanimement devant la Cour de cassation pour outrage et détournement de deniers publics. Tous sauf Okoto qui a préféré persévérer dans cette incurie car pour lui l’argent n’a pas d’odeur. Une attitude impardonnable aux yeux d’Alengo pour qui «errare humanum est, sed persevare in errore, diabolicum» (l’erreur est humaine mais la persévérance dans l’erreur est diabolique). Tout à sa hargne de barrer la route au meilleur élu de la province et un des cinq meilleurs élus de la République aux élections législatives, le député national Lambert Mende Omalanga, Okoto a, à en croire Alengo, «misé, à l’instar de ce qu’il a toujours fait tout au long de sa carrière politique sur le ‘‘coop’’ et le mensonge. Je regrette de constater qu’il cherche encore à sceller ci et là de nouvelles alliances pour rendre notre province davantage ingouvernable. Il divise la population et n’hésite pas à faire tuer dans son secteur de Nambelo-Lohembe natal quiconque lui rappelle que c’est là une attitude négative qui ne favorise guère le développement. Ce fut le cas du pauvre chef de groupement Moïse Wamu de Leemba, assassiné par un certain Omera, homme de main notoirement au service d’Okoto qui sera lynché à mort 10 jours plus tard par une population excédée». Et de rappeler que depuis son passage à la tête de la société minière de Bakwanga (MIBA), au ministère des affaires étrangères et à la tête de l’ex-province du Kasaï-Oriental pendant la courte mandature de Mzee Laurent-Désiré Kabila, Okoto n’a donné à ses concitoyens du Sankuru que l’image d’un affairiste fantasque plus intéressé au bling-bling qu’au développement et au bien-être général. «Rares sont les gens chez nous qui gardent un quelconque souvenir positif des nombreuses responsabilités d’Etat qu’il a littéralement escroquées de Mzee Kabila en abusant de l’entregent de proches de ce dernier comme Mwenze Kongolo», s’indigne Alengo qui invite le député Okoto à «cesser de faire le malin».
Ces critiques d’un membre apolitique de la diaspora font foi et sont largement partagées dans l’opinion publique.Les autorités coutumières, locales ainsi que la société civile du Sankuru n’ont cessé ces derniers mois d’interpeller les autorités nationales sur ‘‘les auteurs intellectuels’’ de l’insécurité et des foyers des tensions communautaires dans le territoire de Lodja.Une des victimes de cette situation, Gustave Wamu, jeune frère dont le grand frère Moïse Wamu a décidé d’aller en procès contre l’élu de Lodja pour avoir commandité l’assassinat de son aîné. Depuis lors, le jeune Wamu se plaint de subir quotidiennement des menaces de mort de la part d’Okoto qui utilise son siège d’élu censé veiller au bien être de sa base pour le terroriser et le museler. Recherché par des hommes armés non autrement identifiés la nuit du 12 au 13 mai 2020, Gustave Wamu a échappé de justesse à ce commando de malfrats commis par celui qui, selon les mots d’Alengo, n’a plus aucune dignité et dont le Sankuru doit se méfier.
Mukumadi, incarnation du clientélisme au Sankuru
Le clientélisme caractérise tous les aspects de la vie politique et économique de la province du Sankuru depuis l’avènement de Mukumadi. La criminalisation de la gestion de cette malheureuse province tire ses origines d’une compétitivité amorale entre partis et réseaux clientélistes qui cherchent à se reproduire à qui mieux mieux et à tout prix. L’incompétence et l’inexpérience du tandem Mukumadi (gouverneur) – Tchyabilo (vice-gouverneur) a fait le reste. Conséquence: l’Etat est en train de perdre toute sa substance dans cette entité, une des 26 que compte la RDC et où personne parmi les partenaires n’ose se déployer ‘‘faute d’interlocuteur valable’’. C’est le cas notamment du programme sanitaire intégré (PROSANI) de l’Unicef ou de l’Union européenne dont les représentants se disent scandalisés par tant de prévarications quasi-institutionalisées. «Cette modification des relations clientélaires qui a rendu illégal et punissable ce qui jusqu’à présent n’était qu’éthiquement reprochable, ne fait autre chose qu’écarter les pratiques politiques de la lumière et la transparence qui devraient présider au système démocratique dans la province de Lumumba et enfonce celle-ci dans les abîmes des incertitudes et du sous-développement», estime Alengo. Qui ajoute que « le clientélisme n’est qu’une forme de corruption-échange social parmi d’autres, comme le népotisme et le tribalisme qui se combinent d’ailleurs à la gouvernance maffieuse imposée au Sankuru tel que dénoncés par d’anciens collaborateurs de Mukumadi comme Me Armand Lokeka et Patrick Lokala ». La distinction entre clientélisme et corruption est des plus ténues car ces deux concepts correspondent à des pratiques d’échange monnayé ou conditionné de biens ou de services dus par la puissance publique à la population.
Il implique une confusion illégitime et illicite entre la sphère publique et le monde privé, alors même qu’une distinction objective doit impérativement être établie entre les deux. On doit la combattre énergiquement parce qu’il s’agit d’une patrimonialisation criminelle de l’Etat et des services qu’il est appelé à rendre à une communauté donnée. Alengo parle à cet effet du potentiel destructif de ces pratiques que des acteurs politiques comme Mukumadi et ses sponsors comme Okoto s’évertuent à inoculer à la province du Sankuru qui pourrait ne pas s’en remettre de sitôt.
Alfred Mote