Le chef de l’État Félix Tshisekedi s’est entretenu Lundi avec son prédécesseur, le sénateur à vie Joseph Kabila Kabange au domaine présidentiel de la N’Sele. Ils ont notamment échangé sur l’actualité politique de l’heure, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, la situation sécuritaire dans le Grand Katanga et les inondations dans le Sud Kivu renseigne un communiqué de presse de la présidence de la République consulté par nos rédactions.
Au sujet de la pandémie du Covid-19 qui ravage le monde et qui a déjà fait quelques 25 victimes dans le pays depuis le 10 mars, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ont exprimé leur compassion aux familles des victimes et souhaité prompt rétablissement aux patients atteints.
Préoccupés par les dégâts désastreux de la maladie à la fois pour les personnes contaminées et sur le plan économique, Félix Tshisekedi et son visiteur ont pris l’engagement de se concerter régulièrement pour évaluer l’évaluation de la riposte.
En outre, les deux personnalités ont promis de se mobiliser davantage et d’unir leurs forces pour endiguer les risques d’expansion de l’épidémie qui depuis le 10 mars, a atteint plus de 350 congolais recensés dans cinq provinces. Bonne nouvelle : une quarantaine de patients a été certifiée guérie et près de 200 malades répondent favorablement au traitement, a indiqué l’équipe de riposte dans son dernier bulletin.
De l’avis de plusieurs analystes, les deux chefs de file de la coalition majoritaire CACH-FCC se sont entretenus au sujet de la demande de prorogation de l’État d’urgence adressée par le chef de l’Etat aux deux chambres du parlement, une demande assortie d’une restriction des points à inscrire à l’ordre du jour pour les deux chambres du parlement. Le sujet a fait polémique dans l’opinion, plusieurs législateurs y voyant une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance du pouvoir législatif. Le député national et professeur de droit Jacques Djoli estimait dans un entretien avec la presse locale lundi que « le président de la République ne peut pas ordonner au parlement de se réunir uniquement pour proroger l’État d’urgence. C’est un abus » tandis que son collègue Tshilumbu de l’UDPS/Tshisekedi estimait que le président pouvait enjoindre au parlement de restreindre son ordre du jour «compte tenu de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le pays».
Du côté se la chambre haute, la sénatrice Francine Muyumba était pour sa part d’avis que « l’état d’urgence n’entraînait pas la suspension de la constitution qui doit seule encadrer l’organisation des mesures relatives à cette situation exceptionnelle ».
Le président de la République Félix Antoine Tshisekedi avait en effet signé une ordonnance depuis le 19 avril, modifiant celle du 24 mars 2020. Dans cette nouvelle ordonnance, il « autorisait » le parlement a se réunir séparément à plus de 20 personnes «uniquement pour examiner et adopter l’autorisation de la prorogation de l’État d’urgence», ce qui fait bondir ce spécialiste de droit public de l’Université protestante du Congo pour qui « les institutions doivent fonctionner normalement. C’est à tort que le chef de l’Etat s’est arrogé le droit de limiter les compétences de l’institution parlementaire alors qu’il ne l’a pas fait avec les cours et tribunaux qui ont bien interpellé son propre directeur de cabinet Vital Kamerhe en pleine crise de Covid-19 avant que le 1er président de la Cour de cassation n’y instaure, d’initiative une sorte de service minimum jusqu’à nouvel ordre ». Et de marteler que « l’État d’urgence n’anéantit pas l’État de droit, au contraire. Tout le monde, du chef de l’Etat au plus humble des citoyens, doit être soumis à la constitution et aux lois de la République ».
S’agissant du législatif, la constitution est plus explicite : en cas de proclamation de l’état d’urgence, l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent, « de plein droit ». L’Etat de droit c’est un État où on est tous esclave de la constitution et de toutes les lois de la république. «L’Etat de droit ne saurait produire un monstre ou un dictateur qui avalerait toutes les règles du pays», a-t-il ajouté.
Le président de la République a saisi l’Assemblée nationale et le Sénat pour la prorogation de l’état d’urgence, mais rien ne permet à une instance autre que leurs propres plénières de fixer leur ordre du jour, sans préjudice des dispositions de sécurité sanitaire dictées par les circonstances. « Après tout les prérogatives législatives et de contrôle des deux chambres et leur droit de se réunir de plein droit en cas de proclamation de l’état d’urgence sont régies par la constitution et ne peuvent en aucune manière être remise en cause par une ordonnance présidentielle qui est un acte réglementaire, n’en déplaise au député Tshilumbu qui réagit plus en militant fanatique », estime notre source. Qui estime qu’en état d’urgence, le parlement peut convoquer les ministres pour les contrôler sur la conduite des affaires de l’État pendant cette période, notamment sur l’efficience de la riposte contre le Covid-19.
Pour François Nzekuye, un député FCC du Nord-Kivu, plusieurs autres dossiers nécessitent que les députés et sénateurs ne se limitent pas au seul examen de la demande de prorogation de l’état d’urgence. « Les nombreux apports extérieurs de nos partenaires pour lutter contre la pandémie ne peuvent devenir effectifs qu’après une autorisation de ratification du parlement. Va-t-on attendre la fin de la pandémie pour ce faire ? Ce serait insensé », dit-il avant de conclure que «l’ordre constitutionnel doit plus être protégé au lieu d’être anéanti. Nous nous réunissons de plein droit, on n’a pas à nous dire de se réunir uniquement, ce serait un abus d’autorité, on ne peut pas comprendre cela».
Pour Jentiny Losukela, « la prorogation de l’état d’urgence ne peut, aux termes de l’article 144 al 4 de la constitution excéder 15 jours renouvelables et non 4 semaines comme l’a annoncé le chef de l’Etat qui n’a pas à imposer des restrictions aux points à inscrire à l’ordre du jour du parlement même s’il lui revient d’en inscrire un. De plus l’article 144 alinéa 2 de la constitution stipule que les deux chambres se réunissent de plein droit dès la proclamation de l’état d’urgence. L’autorisation donnée par le chef de L’État à cet égard apparaît donc comme surérogatoire. La constitution reconnaît au Sénat et à l’Assemblée nationale les prérogatives de mettre fin à tout moment à l’État d’urgence par une loi ». A son avis, «à l’expiration du délai prévu (30 jours et probablement 15 jours successifs), les ordonnances proclamant l’état d’urgence ainsi que les modalités d’application de celui-ci cessent de plein droit voire automatiquement à produire leurs effets sur toute l’étendue du territoire national ». Pas de quoi fouetter un chat.
AM