Habitué à entendre le pire à la suite de la myriade des rapports accablants sur le respect des droits de l’homme, la démocratie, la bonne gouvernance… concoctés par des experts autoproclamés à des milliers de kilomètres sans parfois l’associer, le continent africain n’a pas été épargné par les prévisions alarmistes depuis la détection du premier cas positif au covid-19 en Egypte. « Le virus pourrait faire des millions de morts en Afrique », prophétisaient des experts des Nations unies suivis par d’autres prédictions tout aussi anxiogènes des stratèges notamment du Quai d’Orsay d’autres «spécialistes» patentés de l’Afrique. Jusqu’à ce jour, le ciel ne s’est pas encore écroulé sur le continent noir. «L’effet pangolin » tant attendu consistant à prendre pour acquis le fait que la pandémie se répande en Afrique comme une traînée de poudre ne s’est pas produit. Les auteurs promettaient une « onde de choc à venir très bientôt » et pariaient sur « un nombre très élevé de décès ».
Alors que la RDC comptabilisait au 14 avril seulement 20 décès et 17 guéris du covid-19 sur près de 243 cas confirmés depuis le début de la pandémie le 10 mars 2020, des patients parmi lesquels la coordination chargée de la riposte se réjouissait d’une part de l’évolution positive de plus de 134 d’entre eux et d’autre part d’avoir enchaîné plus d’une semaine sans enregistrer un nouveau décès. Dans la même période, les États-Unis étaient passés de 567 décès à plus de 25.000 selon les chiffres de l’OMS du 14 avril 2020 tandis que la France franchissait la barre de 15.000 décès, un peu moins que l’Italie (21.000 décès) et l’Espagne (plus de 18.000).
L’on se souviendra que dès le 18 mars, alors que l’Afrique tout entière ne comptait pas encore 500 cas, l’OMS appelait le continent « à se préparer au pire ». Dix jours plus tard, alors que la propagation du virus ne grimpait toujours pas en flèche, comme les « experts » l’annonçaient fébrilement, attribuant la faiblesse des chiffres à des dysfonctionnements des services chargés des statistiques médicales. Le secrétaire général de l’ONU déclarait que « la maladie est en train de se développer rapidement aussi en Afrique, il faut une mobilisation gigantesque » annonçant même «des millions de morts » dans le continent.
Le 3 avril, alors que compteur des cas en Afrique affichait 7.177 morts, un épidémiologiste en annonçait sur RFI qu’il y en avait plus de 10.000 et déclarait : « Le coronavirus est en train de se diffuser de façon massive en Afrique », sans appuyer ses propos par la moindre donnée chiffrée précise.
L’évolution de la pandémie indiquait qu’au 13 mars, le continent comptait 200 cas; au 6 avril, ils étaient 9.310 pour une population de plus de 1,3 milliard d’habitants. Compte tenu du manque de structures sanitaires, de la promiscuité, des comorbidités existantes et fréquentes sida, hypertension, diabète, ebola etc. la vitesse de propagation aurait dû être pourtant plus fulgurante que celle constatée aux États-Unis.
Par ailleurs, toutes ces institutions et « experts » commettent la même erreur en citant toujours l’Afrique comme une entité alors que le continent compte quelques 55 États avec de très fortes différences d’imprégnation du virus entre les pays. Dans ces conditions, évoquer une ‘‘hécatombe africaine’’, c’est faire preuve, au mieux, d’une grande maladresse.
A ce jour, les cinq pays les plus touchés : Afrique du Sud, Algérie, Maroc, Égypte et Cameroun comptent, à eux seuls, 5.912 cas, soit 70% des infections déclarées. Bien sûr, il est toujours possible d’arguer que les États ne réalisent pas ou peu de tests et donc que les chiffres ne sont pas conformes à la réalité. Cependant, les Etats africains ne sont pas les seuls à manquer de tests et à considérer certaines cachoteries en Europe autour de la situation des personnes de troisième âge, plus exposées au virus mais souvent absentes des statistiques, aucun pays ne peut se targuer de la plus grande transparence à cet égard. Par ailleurs, les États africains n’ont aucun intérêt à minorer le nombre de malades car ils comptent sur l’aide internationale qui est proportionnelle à celui-ci. Enfin, si la maladie se propageait massivement, cela ne pourrait être caché, les familles ne pouvant en aucune manière être contraintes de dissimuler leurs deuils. Comme dans les pays les plus touchés (France, Espagne Italie), toutes les familles ayant un parent affecté ne seraient pas privées de le manifester bruyamment.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que le coronavirus ne circule pas sur le continent, qu’il ne faut pas s’en protéger ou qu’il ne faut pas s’y préparer. Cela signifie seulement que la majorité des pays africains résiste mieux à l’épidémie. Les raisons en sont encore mal connues, plusieurs hypothèses sont avancées : immunité grâce aux anticorps acquis pour se protéger des nombreuses bactéries en circulation, jeunesse des populations, prise de chloroquine pendant de nombreuses années (même si cet antipaludéen n’est plus utilisé aujourd’hui), vaccin contre la tuberculose toujours obligatoire dans nombre de pays et qui pourrait, selon des études menées actuellement, protéger du Covid-19.
Enfin, toujours dans le registre des nouvelles rassurantes, il ne faut pas oublier qu’Ebola est passé par là. Gouvernements et populations connaissent les épidémies et ne sont donc pas totalement démunis. En outre, nombre d’États comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et la RDC ont adopté le protocole du professeur marseillais Didier Raoult, associant chloroquine et azithromycine. Dans ces deux derniers pays, des unités de fabrication de chloroquine sont en train d’être lancées.(Cfr la relance annoncée de la production de la chloroquine par la Pharmakina dans le Kivu). C’est fort de ce traitement que l’ancienne première dame de la RDC Olive Lembe Kabila a fait don de 400 doses de la chloroquine il y a quelques jours au secrétariat exécutif chargé de la riposte contre le Covid-19 en RDC.
Malgré tous ces faits incontestables, c’est pourtant sur les prévisions les plus alarmistes que se basent les stratèges du Quai d’Orsay pour bâtir leurs prospectives. À la crise sanitaire s’ajouterait « une crise de trop qui déstabilise durablement, voire qui mette à bas des régimes fragiles (Sahel) ou en bout de course (Afrique Centrale) ». Comme si le coronavirus allait soulever des tempêtes populaires qui ouvriraient (enfin ?) la voie aux alternances en Afrique centrale et balayeraient les pouvoirs illégitimes et honnis.
Ce n’est pourtant pas ce qui se profile. Nombre de « régimes», indiquent plusieurs observateurs, en profitent pour renforcer leur pouvoir en durcissant leurs prérogatives sécuritaires. Le premier danger qui s’annonce est bien celui d’une consolidation des pouvoirs autocratiques plutôt que l’avènement d’un «printemps corona». Les Nostradamus occidentaux ignorent manifestement la résilience des populations africaines, leur solidarité familiale et leur capacité d’adaptation devant les difficultés.
AM