Entre confinement, quarantaine, distanciation sociale et État d’urgence, le Congolais lambda se perd en conjectures. Depuis la détection le 10 mars 2020 du premier cas testé positif au Coronavirus à Kinshasa les errements des acteurs politiques impliqués dans l’encadrement de l’équipe de la riposte ajoutent à la psychose ambiante. Il s’ensuit que les sentiments de négligence, de suspicion et de complotisme sont devenus des raccourcis pour la majorité des Congolais face aux contradictions et à l’inconséquence dans la communication sur la pandémie.
Alors que cette dernière poursuit son ascension exponentielle, les kinois s’abîment dans la recherche de raccourcis et le charlatanisme contribue à aggraver la propagation du virus. Bien qu’invisible, cet ennemi coriace peut être vaincu pourvu que chacun se fasse lui-même soldat dans sa propre tranchée (sa maison). C’est la recette utilisée par la Chine à Wuhan dont le succès a mondialement fait école. La recette est simple : l’État fixe les normes, les scientifiques et les professionnels cherchent des solutions de terrain.
On se souvient que présenté par le ministre de la Santé, le Dr. Eteni Longondo comme un sujet belge parti de Bruxelles pour un bref séjour à Kinshasa devenu quelques heures plus tard un citoyen congolais en provenance de France, le premier cas confirmé de Coronavirus a fait polémique. Un jour après son internement à l’hôpital de l’amitié sino-congolaise de Ndjili, ledit malade a fait sensation dans la presse locale et les réseaux sociaux en se présentant comme « non malade ». L’affaire a pris des proportions tellement drôles que le député national Léon Nembalemba, promoteur de Molière TV et le chroniqueur Zacharie Bababaswe de Direk TV ont pu poser la question de savoir si le Coronavirus à Kinshasa n’était pas une astuce pour faire gagner de l’argent facile à l’État. Cette question entraînera une certaine indolence dans certaines couches de la population vis-à-vis des règles d’hygiène. D’aucuns se sont adonnés à cœur joie à des supputations irresponsables selon lesquelles l’homme noir serait résistant au virus et ne pouvait en mourir, que les plantes médicinales traditionnelles (Kongo Bololo etc.) ou l’alcool étaient susceptibles de protéger ceux qui les prennent…
Pendant ce temps, les statistiques macabres de la pandémie se sont égrainés à longueur de journées : 27.000 morts à travers le monde, pour plus de 590.000 cas confirmés recensés. Mais à partir de vendredi 27 mars, les États-Unis sont devenus le pays le plus touché par le Coronavirus, avec 104.837 cas confirmés, de loin plus que la Chine dont le président Trump se moquait quelques jours auparavant en évoquant « the chinese virus » pour parler du Covid-19 devant un parterre de journalistes éberlués. Avec ses plus de 80 cas confirmés et 8 décès fin mars, la RDC n’a pour autant pas de quoi se réjouir car d’une part les dysfonctionnements des services sanitaires ne facilitent guère l’identification et la détection de tous les cas qui existent dans le pays et, d’autre part, la corruption endémique rend les frontières et les limites entre les provinces et la capitale, épicentre de la contagion, tellement poreuses.
Les pouvoirs publics semblent ébranlés et désemparés devant la menace incarnée par le Covid-19. Tout se passe comme si nos dirigeants n’ont pas encore appréhendé les possibilités qu’offre la solidarité de partenaires comme la Chine, Cuba ou la Russie et l’indispensable nécessité de prendre en compte les réalités locales qui rendent inopérantes certains types d’initiatives improvisées dans une mégapole de plus de 10 millions d’hommes et de femmes dont la grande majorité, incapable d’une autonomie alimentaire quotidienne en vase clos est loin de pouvoir y survivre sans dommages graves pour la sécurité et l’ordre public. Le mimétisme a ses limites. Le gouvernement ferait mieux d’appliquer effectivement les bonnes mesures prises jusque-là, d’investir dans la multiplication des tests à l’instar des Sud-Coréens, d’acquérir des matériels de protection du personnel sanitaire et sécuritaire déployé à cette fin à pré-positionner à travers ses centrales de distribution de médicaments dans les 26 provinces et des molécules (chloroquine) ainsi que des respirateurs pouvant remédier aux cas les plus graves en subventionnant notamment l’industrie nationale (Pharmakina). L’État ne doit ni paniquer, ni déprimer. Il lui revient de prendre les décisions qu’il faut et qui consiste, dans le désarroi des citoyens, de rester droit dans ses bottes pour réguler et contrôler notamment les prix des denrées d’usage courant pour la survie de la population, veiller à éradiquer les pratiques dangereuses dans les secteurs de l’alimentation, de la sécurité et des transports en commun, en équipant les distributeurs de produits d’alimentation, les agents de la police nationale, les chauffeurs, receveurs, convoyeurs et taxis-motos d’équipements appropriés (masques et gants lavables). A ces mesures du premier cercle devraient s’ajouter d’autres consistant à faciliter l’approvisionnement des magasins d’alimentations et marchés, à réprimer sans faiblesse toute contrefaçon de produits pharmaceutiques et hygiéniques.
Ce sont de telles initiatives qui donnent toute sa substance à l’état d’urgence que le président de la République a eu raison de décréter.
AM AVEC Le Maximum