Avocat passionné de l’atomisation de la RDC, le Dr. Peter Pham, ex-envoyé spécial des USA dans la région des Grands Lacs a été rappelé le 8 mars par son gouvernement qui l’a chargé d’assurer désormais la même mission auprès des pays du Sahel. Plusieurs intellectuels et analystes politiques congolais ont salué la décision de l’administration Trump qui, comme l’a rappelé à bon escient le politologue Hubert Kabasubabo Katulondi, est un bon débarras. Connu pour son style peu diplomatique plus proche d’une barbouze en mission en république bananière, Pham en a choqué plus d’un lors de son dernier passage à Kinshasa en février en embouchant avec un sans-gêne incroyable les trompettes d’un ‘’civilisateur-censeur-donneur de leçons de moralité et de bonne gouvernance’’. Son interventionnisme récurrent dans les affaires relevant de la souveraineté de la RDC avait valu pas mal de critiques au nouveau président Félix-Antoine Tshisekedi et à son gouvernement qui donnaient l’impression de lui dérouler le tapis rouge malgré toutes les couleuvres qu’il leur faisait ingurgiter au nom d’une prétendue lutte contre la corruption. « On a l’impression d’entendre les premiers agents du sinistre Léopold II lorsqu’ils brandissaient leur fameuse mission civilisatrice devant nos aïeux au 19ème siècle », s’étrangle encore d’indignation un historien kinois. La mutation de Peter Pham des Grands Lacs d’Afrique vers les Etats sahéliens n’est pas une simple coïncidence. Plusieurs autorités congolaises et chroniqueurs de médias avaient dénoncé d’une part l’ambivalence de ce drôle d’envoyé spécial théoricien connu et reconnu de la très controversée balkanisation du Congo-Kinshasa, qui est aux sources de toutes les manœuvres de balkanisation et de déstabilisation de ce pays-phare de la région des Grands Lacs et qui avait accepté sans ciller une mission dont l’objectif avoué était de prêter main forte aux efforts de … stabilisation des pays de cette région. On s’inquiétait aussi de l’affairisme peu vertueux de ce champion auto-proclamé de la lutte contre la corruption.
Un pays de cocagne
Pour le Dr. Peter Pham, la RDC n’était en définitive qu’un pays fictif et purement artificiel; un conglomérat de tribus sauvages en proie à des poussées centrifuges naturelles et irrépressibles dont les frontières héritées de la colonisation consacrées par toutes les constitutions qui l’ont régi et par les résolutions pertinentes des Nations-Unies et de l’Union Africaine devaient impérativement être balayées comme fétus de paille. Il l’avait écrit noir sur blanc dans une de ses tribunes publiées en 2012 dans Le New-York Times (« To save Congo, let it fall apart »). Pour lui, la RDC est un pays trop vaste qu’il faut partitionner. Alors que les Congolais de toutes les tendances s’accordent à sauvegarder l’intégrité territoriale de leur pays, M. Pham a toujours été d’avis que la balkanisation de cet immense territoire était une solution idéale pour son peuple parce qu’« elle permettrait à la communauté internationale d’affecter ses ressources au développement et à l’aide humanitaire à des petits ensembles viables et non au maintien de la sécurité ». A aucun moment on a appris que ce défenseur acharné de la balkanisation avait changé de position à ce propos, de sorte qu’on ne s’explique pas ce qui a pu pousser les nouvelles autorités congolaises à donner leur agrément à sa désignation comme envoyé spécial des USA pour la région des Grands Lacs chargé d’y mener à bien une mission de pacification de la RDC et de la région. Du reste tout dans son comportement et dans ses prestations au cours de son éphémère mandat en Afrique centrale indique qu’il s’était évertué au contraire à y promouvoir une conflictualité permanente par la multiplication de foyers de tension. Au moment où l’ambassadeur Mike Hammer se félicitait de la mise en œuvre d’un accord stratégique entre son pays et la RDC laissant entrevoir une assistance économique accrue en échange du rétrécissement du portefeuille des investissements chinois, Pham coachait des investissements privés avec à la clé de substantiels dividendes personnels. Concomitamment, la menace du démembrement du pays de Lumumba, longtemps dénoncée par Joseph Kabila dont Peter Pham était un héraut sans complexe se précisait.
Coaching d’investissements privés et balkanisation
Les Forces armées de la RDC (FARDC) sont parvenues grâce à leur vélocité à reculer de manière significative les limites de l’insécurité, prélude à la balkanisation. Mais en même temps, des extrémistes de la droite américaine comme Peter Pham, jouaient une autre partition dans le but inavoué de tirer profit d’une certaine mise au pas des dirigeants du pays de Lumumba pour se repositionner dans l’économie congolaise. Il revient alors aux Congolais de savoir situer leurs vrais intérêts et capitaliser dans un sens favorables à leurs propres Intérêts Nationaux les relations internationales sans se laisser aller à l’angélisme des ouvertures diplomatiques dont le pays ne tire pas toujours de dividendes.
La mutation de Peter Pham au Sahel ressemble plus à un réajustement du département d’Etat américain. Ironie du sort, cet architecte de la balkanisation aura pour nouvelle mission de veiller précisément à ce que les Etats sahéliens menacés par le terrorisme conservent leur intégrité. Il lui faudra sans doute manœuvrer autrement dans un contexte sécuritaire particulièrement volatile où les donneurs de leçons peuvent être vite rattrapés par la réalité dramatique du terrain. Le séparatiste Dr. Peter Pham va devoir vite se réinventer dans cette zone sensible sous forte influence française où le terrorisme international cherche très activement à implanter son épicentre.
Au cours des trois dernières décennies, les Congolais ont été victimes d’actes cyniques de destruction méchante de vies et de l’environnement, de spoliation des ressources et de viols de femmes et d’enfants ainsi que de violences massives et globales que d’aucuns qualifient comme l’une des tragédies humaines les plus révoltantes et les plus scandaleuses depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La répétition de telles tragédies doit interpeller les élites et tous les hommes de bonne volonté au Congo-Kinshasa. En effet, la mission première des élites intellectuelles dignes de ce nom est de penser leur société et de proposer les voies et moyens d’assurer le bien-être collectif du peuple. Les violences récurrentes qui sont le lot quotidien des Congolaises et des Congolais depuis l’aube de l’indépendance ont généralement eu pour maîtres d’œuvre des officines conservatrices extrémistes basées en Europe et aux Etats–Unis d’Amérique et pour relais quelques pays satellites de ces puissances dans la région. Ces souffrances souvent indicibles imposées à d’innocentes populations visent deux buts organiquement et dialectiquement liés : d’une part, les terroriser et les pousser à décamper de certains espaces sélectionnés comme remparts idéaux pour une exploitation aisée et sans contrepartie des ressources minières qui s’y trouvent et, d’autre part, diluer dans la conscience collective des autochtones toute distinction entre le bien et le mal par une déstructuration culturelle provoquée par l’amplitude du désastre humain et humanitaire qui aboutit à faire intérioriser aux victimes l’idée qu’elles appartiennent en fin de compte à la lie de l’humanité, une catégorie de sous-hommes sans droits naturels. Ainsi s’explique le paradoxe de ces intellectuels congolais qui s’époumonent dans certaines structures de la société civile à promouvoir et défendre les plans de balkanisation, d’affaiblissement et de paupérisation de leur propre pays en échange de viles prébendes que leur offrent ceux qui ont décidé d’émietter ce coffre-fort naturel au cœur du continent africain sur lequel se concentrent les convoitises des ‘‘maîtres du monde’’. Dans un avenir plus ou moins proche, le Congo-Kinshasa, géant de l’Afrique, est ainsi destiné par ces lugubres personnages à devenir un confettis de petits États malléables et corvéables à volonté dont la survie dépendrait de l’aide occidentale et de quelques multinationales. La déstabilisation programmée de la RDC portera un coup fatal à toute possibilité de renaissance africaine dont l’articulation majeure tourne autour de la constitution à terme d’une grande entité étatique fédérale continentale pouvant s’appuyer sur les immenses potentialités naturelles (minières, énergétiques et environnementales) de la RDC. En effet, déjà démembrée en 1885 à Berlin, les actuels Etats d’Afrique Noire, comme tous les pays des Balkans, sont restés relativement stables et ont pu ainsi vivre chacun de son côté avec l’idée de posséder chacun une souveraineté nationale et internationale purement illusoire. A l’échelle continentale, le processus mis en œuvre par des activistes comme Peter Pham, leurs mentors et leurs affidés est moins la balkanisation déjà effective que la « sud-américanisation » ou la « bananiérisation » de l’Afrique Noire. Le grand visionnaire sénégalais Cheikh Anta Diop avait déjà mis en garde contre cette tendance il y a près de cinquante ans : « On verrait une prolifération de petits Etats dictatoriaux sans liens organiques, éphémères, affligés d’une faiblesse chronique, gouvernés par la terreur à l’aide d’une police hypertrophiée, mais sous la domination économique de l’étranger, qui tirerait ainsi les ficelles à partir d’une simple ambassade, comme ce fut le cas au Guatemala, où l’on a assisté à cette situation extraordinaire d’une simple compagnie étrangère, l’United Fruit renversant le gouvernement local pour lui substituer un autre à sa convenance, en liaison avec l’ambassade américaine, prouvant ainsi la vanité de la prétendue indépendance d’un tel État ». Après la balkanisation initiale de l’Afrique Noire à Berlin en 1885, le morcellement en cours que l’on veut imposer à certains Etats, dont le Soudan a été un des premiers exemples, c’est à cette « sud-américanisation » dont les maîtres d’œuvre sont quelques nostalgiques ayant pignon sur rue aux USA que la RDC a affaire aujourd’hui. On peut prédire que la prochaine victime sera le Nigeria…
C’est la pire colonisation qui va anéantir l’Afrique Noire comme espace vital pour les Africains et Afro descendants. L’histoire nous fournit quelques indications sur la nuisance de ces négriers des temps modernes que la plupart de nos dirigeants ont le grand tort de banaliser. Pour les hégémonistes, la puissance des Etats de l’hémisphère Nord est assise sur l’affaiblissement des autres continents, soit par la balkanisation, soit par la sud-américanisation soit par l’annexion ou d’autres stratagèmes. En l’espèce, on ne peut pas dire que les Américains soient dépourvus d’expérience, eux qui ont déjà eu à faire aboutir des projets de balkanisation et/ou de sud-américanisation en Amérique du Sud, en ex-URSS, en Corée. L’histoire nous apprend que c’est en nationalistes chauvins que les dirigeants des Etats-Unis de tous bords, fidèles aux préceptes d’Alexander Hamilton, ont d’abord étendu leur territoire national aux dépens de la France, de l’Espagne, du Mexique, du Canada et de la Russie, avant de proclamer la doctrine de Monroe faisant de l’Amérique Latine leur sphère d’influence exclusive, en torpillant l’idée d’unification de l’Amérique du Sud défendue héroïquement par Simon Bolivar.
A.M. avec
Le Maximum