Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’État rwandais aux Affaires étrangères, s’insurge contre l’idée que son pays planifierait la déstabilisation et la balkanisation de la RDC à partie de sa partie orientale, voisine du pays des Mille Collines « fait partie des théories du complot aussi vieilles que ridicules ». C’est un tweet de l’ambassadeur Christian Ileka Atoki, secrétaire général au ministère des Affaires étrangères, que Nduhungirehe a bien connu du temps où les deux diplomates représentaient leurs pays respectifs au siège des Nations-Unies à New York qui a fait bondir son homologue rwandais. Selon Ileka, « pour balkaniser, nul besoin de complicités internes. Il suffit seulement la volonté de celui qui le souhaite. Il faut que la RDC se réveille pour que cette opprobre nous soit épargnée ». Réagissant à ce posting qui ne mentionnait pourtant pas son pays, l’officiel rwandais s’est immédiatement fendu d’un commentaire agacé : « surtout, que des officiels et des diplomates congolais en exercice s’abstiennent d’endosser et de répandre au sein de la population, des théories du complot aussi vieilles que ridicules. L’histoire nous enseigne que souffler sur les braises de la peur populaire est dangereux ». Ce qui a fait dire à un spécialiste de la région des Grands Lacs que « pareille réaction au niveau le plus élevé de la diplomatie rwandaise est une indication de la nature des rapports entre les deux Etats qui restent toujours entachés de soupçons ». Ce n’est pas la première fois que Nduhungirehe, s’exprime sur le Congo et les Congolais. Le 6 janvier, il avait déjà réagi à une interview de l’artiste-musicien Koffi Olomide au cours de laquelle ce dernier avait posé la question de savoir s’il était vrai qu’il y avait « un accord mystique entre la RDC et le Rwanda pour s’en prendre à Beni et balkaniser le Congo » en écrivant sur son compte twitter que « entre deux séances de violence faite aux femmes, notre bon vieux Koffi débloque manifestement », allusion aux ennuis judiciaires de la star de la musique congolaise à Paris pour présomption de viol. Auparavant, après que le cardinal Fridolin Ambongo Bensungu, archevêque de Kinshasa, se soit inquiété de mouvements incontrôlés de groupes de populations en provenance du Rwanda et d’Ouganda vers le Grand Nord congolais, le numéro 2 du ministère rwandais des Affaires étrangères avait rétorqué : « Que le bon Cardinal se tranquillise. Non seulement le Rwanda, un pays ayant une gouvernance, une économie et un réseau d’infrastructures bien solides, ne peut «déverser» ses citoyens en RDC, mais surtout, les FARDC sont entrain de faire un excellent travail en les rapatriant ». Mais c’est à l’ancien premier ministre et actuel coordonnateur de la coalition Lamuka de l’opposition Adolphe Muzito que le diplomate rwandais a réservé sa flèche la plus acérée. Muzito ayant affirmé, à la surprise générale, que pour mettre fin aux épreuves des populations martyres de Beni, le Congo-Kinshasa devait déclarer la guerre au Rwanda et occuper ce pays voisin, s’attirant les critiques les plus sévères de ses amis de Lamuka et de la majorité au pouvoir, Nduhungirehe en rajouta une couche en écrivant que « le jour où Adolphe Muzito rétablira la paix avec une entité nommée «RAISON» et le jour où il occupera un territoire nommé «CERVEAU», ce serait déjà un bel exploit! ». Comme en épilogue à ses multiples saillies congolaises, Nduhungirehe a lancé, toujours sur son compte twitter : « Evidemment, il ne manquait plus que les génocidaires FDLR, qui terrorisent les Congolais à l’Est de la RDC depuis 1994, de profiter de la brèche qui leur a été ouverte par des politiciens et hommes d’église irresponsables ! Mais grâce aux FARDC, les jours des FDLR sont comptés ». Tous les Congolais n’accusent pas le Rwanda d’agresser la RDC mais la plupart d’entre eux sont fermement convaincus que leur pays est menacé de balkanisation depuis fort longtemps. Ainsi, dans une interview à Liberté Plus, Daniel Mwana-Nteba y est revenu en déclarant que la balkanisation a toujours été d’actualité depuis que le Congo est Congo et que le risque de balkanisation de la RDC date d’avant l’indépendance. «Après la conférence de Berlin (1884-1885), lorsque les puissances mondiales se sont partagées l’Afrique, et que la RDC a été octroyée à la Belgique sous la dénomination de Congo-belge, la Belgique en tant que métropole de la RDC, fut confrontée à d’autres puissances qui militèrent pour lui arracher une partie des territoires de ce pays. La Belgique s’est battue seule face aux autres puissances mondiales réunies. Et elle a réussi à maintenir les frontières de la RDC intactes au prix de nombreux sacrifices ». Il signale qu’après l’indépendance, lorsque le pays a été remis aux mains de ses propres ressortissants, on a assisté à la survivance des relents de colonialisme et de la balkanisation qui revenaient à maintes reprises. « Le problème n’est pas de chercher à savoir si oui ou non la balkanisation est d’actualité. Elle est et a toujours été d’actualité! Et, même si nous parvenions à faire de ce pays un paradis terrestre, la balkanisation sera toujours d’actualité. Le vrai problème est notre prise de conscience non pas du fait que la balkanisation est à l’ordre du jour, mais de ce que que nous ne faisons pas tout ce qu’il faut pour éviter la balkanisation ». Et de préciser que le remède le plus efficace à cet égard est le patriotisme. « Nous devons former notre jeunesse en lui inculquant des valeurs autres que la musique, la danse ou la quête des gains faciles. Nous devons reformater l’élite congolaise qui est sensée former la jeunesse mais qui présentement ne donne qu’un mauvais exemple à la jeunesse; faire la même chose pour l’élite politique qui donne aux jeunes gens l’impression que la politique est le meilleur moyen de s’enrichir rapidement et sans effort. Il y a aussi la nécessité d’une cohésion nationale grâce à laquelle chacun, tout en gardant sa position politique et sa façon de voir les choses, devra taire les frustrations et les ambitions pour se rassembler pour empêcher l’occupation et la balkanisation». Dont acte.
O.H