En RDC, le principal socle de la décentralisation fait défaut : les moyens financiers. Azarias Ruberwa, ministre en charge de la Décentralisation, l’a fait savoir dans son speech d’ouverture du forum sur la décentralisation.
De 2020 à 2022, les experts du Budget ont estimé que les dépenses des provinces se situeraient autour de 8 947,9 milliards de FC et, pour les entités territoriales décentralisées (ETD), 351,5 milliards de FC en raison de 108,9 milliards de FC en 2020, 116,7 milliards de FC en 2021 et 125,9 milliards de FC en 2022, soit une moyenne annuelle de 117,2 milliards sur la période. Quant aux prévisions des recettes, les ETD pourraient mobiliser 351,5 milliards de FC. Avis d’experts, elles peuvent mobiliser au-delà des projections du ministère du Budget, mais le non-respect de la loi sur la décentralisation annihile tous les efforts des petites administrations locales. « Pour comprendre l’énorme difficulté à laquelle se trouve aujourd’hui confrontée l’expérience de la décentralisation en RD Congo, il suffit d’apprécier le temps que le gouvernement central a pris pour réaliser les maigres résultats en terme d’opérationnalisation des dispositions constitutionnelles et légales relatives au transfert des ressources financières vers les provinces et les ETD », soutient Simon Kanduki, expert en finances publiques, renforcement des capacités en décentralisation territoriale et passation des marchés publics. Et de poursuivre, «Au vue des maigres résultats jusque-là réalisés par rapport aux attentes qu’avait suscité l’option de la population congolaise, il y a lieu de considérer que l’approche de décentralisation mise en place est incohérente et ainsi vouée à l’échec, faute de volonté politique réelle de la part des gouvernants de mettre en application les outils juridiques qui la sous-tendent du point de vue financier. L’impression qui s’en dégage est que le pays court le risque de rater son trajectoire vers l’objectif de l’émergence du Congo d’ici 2030». Pour l’expert, les mécanismes de la décentralisation sont en panne. Ils le sont puisque les finances des entités politiques (provinces) et territoriales décentralisées manquent de vitalité à la suite de la non mise en branle par le gouvernement central des dispositions constitutionnelle et légales y afférentes. « Ils le sont aussi puisque la fiscalité de ces entités est débridée, déplore Simon Kanduki. La situation réelle sur terrain est que les ressources financières dont devraient disposer constitutionnellement les provinces et les ETD sont restées limitées du fait de la non rétrocession des recettes à caractère national allouées aux provinces, mais aussi de la faiblesse des recettes propres mobilisées localement du fait de la pauvreté de l’assiette fiscale leur assignée (octroie des ressources d’assiette étroite et difficilement mobilisables) et du faible rendement de la fiscalité locale. Cette situation plonge la plupart de ces entités dans une inertie totale compte tenu du faible prélèvement fiscal qui ne les permet pas de s’autonomiser ».
Jamais depuis que la loi sur les finances publiques (LOFIP) a été mise en vigueur, voilà 9 ans, cette procédure a été respectée autant pour la date butoir du 15 septembre pour le dépôt de la loi des finances au Parlement que dans la conception même du budget.
Normalement le budget doit comporter le budget (décisions) des ETD, entités territoriales décentralisées, celui de différentes provinces, des édits des finances, et le budget du gouvernement central.
Le gouvernement central s’applique plutôt à une consolidation du budget, bien après sa promulgation par le Chef de l’Etat, en y incorporant les budgets provinciaux. Cette coutume condamnée devrait être hélas appliquée pour l’exercice 2020. Pourtant, les experts du Budget font chaque année des projections sur les budgets des ETD et des provinces et les proposent au gouvernement. La libre administration d’une ETD dans la mesure où elle décide librement dans la sphère des compétences qui lui sont conférées sans immixtion de l’autorité provinciale, et même du gouvernement central, reste un défi permanent en RDC. Plus d’une fois, les responsables des ETD ont été défenestrés de leurs postes à travers un coup de téléphone, a-t-on appris au ministère de la Décentralisation. Le principe même de la représentation en même temps de l’État et de la province par les autorités exécutives des ETD est loin d’être respecté par Kinshasa. L’autonomie financière qui permet à une ETD de disposer d’un budget propre, distinct de ceux du pouvoir central et de la province est remise en cause par des gouverneurs de provinces qui se comportent en véritables potentats. Si Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le chef de l’État, s’est engagé, devant les Gouv’ de provinces, à veiller personnellement au respect de la rétrocession, ces derniers devraient faire autant pour les entités déconcentrés et les ETD. Pas si sûr. Le droit des ETD à 40 % des recettes à caractère national allouées à la province n’a jamais été respecté dans une seule des 26 provinces depuis que la constitution de 2006 est en vigueur, notent des experts. Afin de garantir le libre exercice des compétences que leur reconnaissent la constitution et les lois, des experts de la décentralisation ont même offert à l’État de conférer aux membres des organes délibérants d’une ETD des immunités de poursuites dans les limites des dispositions de la constitution.
PLM