L’Etat congolais veut repenser son secteur de pêche et élevage. Pour ce faire, un forum national sous l’égide du chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi est programmé à partir du 11 décembre. De l’avis des experts, les recommandations de ces assises ces assises pourraient rester lettres mortes aussi longtemps que le budget consacré à ce secteur demeure en-deçà des engagements auxquels la RDC a souverainement souscrit. Le Projet de loi de Finances en cours d’exécution prévoit un budget des dépenses de 346.556.735.080 FC contre 1.486.312.692 FC en 2018 pour l’Agriculture, pêche et élevage, soit 3,35% en 2019 contre 1,37% en 2018. L’augmentation en valeur courante est de 133,17%. Le niveau du budget 2019 de l’Agriculture, Pêche et Elevage (3,35%) reste toutefois largement inférieur à celui exigé dans le Protocole de Maputo (2003) qui demande aux Etats signataires d’allouer une part d’au moins 10% du budget national au Secteur de l’Agriculture. En effet, en 2017 la quote-part du secteur de l’Agriculture était de 8,1%. Ce taux a brutalement décru en 2018 à 1,37%. A l’heure actuelle, il remonte à 3,35% pour l’exercice 2019. La Société civile constate que ce ballottage injustifié empêche un développement cohérent de ce secteur. Courant 2019, le pays aurait dû organiser des campagnes de vaccination des bovins, ovins et caprins ou se doter des vedettes équipées de radars GPS pour la surveillance de la pêche dans 8 provinces et construire de nouveaux abattoirs. A quelques jours de la fin de l’année, aucun de ces projets n’a été réalisé. Par ailleurs, la production se heurte à des écueils de tout genre. Il n’est plus facile de se livrer à la pêche ces jours-ci du côté congolais des lacs Albert et Edouard. Des bandits ‘‘Maï-Maï’’ occupent pratiquement tous les ports de pêche de la région, dont Vitshumbi. Ils prélèvent des taxes jusqu’à 150 USD par pirogue. Des sources sécuritaires, il nous revient que la force navale dans ce secteur qui a connu un changement à sa tête, s’apprêterait à rétablir l’autorité de l’État dans les zones lacustres. La Banque africaine de développement (BAD) a décidé d’appuyer la RDC et l’Ouganda dans la gestion intégrée de la pêcherie en ressources en eaux lacustres. À court terme, il s’agit d’entreprendre le balisage, la sécurisation des deux lacs avec leur zone de frayère ainsi que leur délimitation.
Contrat norvégien
Toutefois, selon la BAD, il va falloir au préalable déterminer, singulièrement pour le lac Albert, les types de poissons qui seront concernés par le projet. Une somme de 700.000 USD sera consacrée à l’étude des poissons en vue de prévenir toute extinction d’une espèce ou d’une autre parmi les ressources halieutiques du lac Albert qui fut aussi appelé «Mobutu ». La RDC s’est dotée d’un ministère de la Pêche à part entière. Mais des experts mettent en garde : ce portefeuille ne doit pas répondre à des intérêts exclusivement politiques. Il faut une réelle volonté de se doter d’une politique ambitieuse dans le domaine de la pêche. Du temps où il était ministre de l’Économie, Jean-Marie Bulambo Kilosho, l’actuel ministre de la Pêche et de l’Élevage, avait mûri un projet en partenariat avec des investisseurs norvégiens grâce auquel une dizaine d’unités de bateaux de pêche devaient opérer sur le fleuve Congo. Le montage financier de ce projet était évalué à 32 millions USD mais on n’en parle plus.
Les Chinois de Bosa
En dehors des zones lacustres de l’Est, partant du Grand Katanga à l’ex-Province Orientale où s’opère une intense activité de pêche, il n’existe pratiquement plus de grande entreprise de pêche en RDC. Sur la côte atlantique, c’est une entreprise chinoise de droit congolais, Bosa, qui a repris le terrain abandonné par les Pêcheries maritimes du Zaïre (PEMARZA). Les chalutiers de Bosa, fabriqués avec du bois de Mayumbe, sont souvent arraisonnés par la marine angolaise. Bosa déplore le mutisme du gouvernement congolais face à ce problème récurrent. Les dirigeants déclarent que leur entreprise paye régulièrement ses taxes mais n’est pas protégée par les autorités congolaises face à la marine angolaise qui dicte sa loi sur les eaux congolaises. L’Angola a toujours affirmé que ces navires sont araisonnés au motif qu’ils pêchent dans les eaux territoriales angolaises. Une accusation rejetée par Bosa, qui affirme détenir toutes les coordonnées techniques prouvant le contraire. De guerre lasse, l’unique entreprise de pêche industrielle sur la côte de Muanda envisagerait même d’aller opérer ailleurs. Une décision que redoute la société civile locale. Elle demande au gouvernement congolais de s’impliquer pour sauver cette société. La société civile de Muanda déclare que c’est la seule entreprise qui approvisionne le Kongo-Central et Kinshasa en poissons. Or ces deux provinces constituent le principal marché d’écoulement des surgelés, dont les chinchards ou « Mpiodi ». Les Libanais, dont Congo Futur, détiennent pratiquement le monopole du marché d’importation des surgelés. Ils ont tenu la dragée haute aux Damseaux au point de les pousser à fermer leur entreprise Orgaman. À Muanda, l’on ne s’explique pas pourquoi l’ex-PEMARZA devenue Société congolaise de pêche (SOCOPE) a cessé toute activité. Le silence de Kinshasa face à la confiscation des navires de Bosa, abandonnés, depuis, au large de la ville angolaise de Soyo, a fini par convaincre plus d’un Muandais que des importateurs de surgelés exercent un lobbying sur Kinshasa. En tout état de cause, il sied de mettre en exergue les velléités de l’Angola de phagocyter le plateau continental de la RDC. L’Angola, ce n’est un secret pour personne, a rejeté la carte du plateau continental de la RDC présentée par le gouvernement congolais à l’ONU en 2012. Depuis, plus rien. Elle est restée maîtresse du territoire maritime congolais, plus de 400 km partant de la côte à la haute-mer. La RDC n’a à peine que 37 km de côte sur l’Atlantique. Depuis des lustres, l’Angola se comporte en conquérante dans les eaux territoriales de la RDC. Personne ne s’en émeut… à Kinshasa. Déjà, à l’époque où Chevron – qui a cédé ses actifs à Muanda International Oil Company (MIOC) – opérait en offshore dans le littoral congolais, un navire angolais avait sectionné ses pipelines. La catastrophe aurait été irrémédiable si un tanker n’avait pas vidé ces pipelines quelques heures plutôt. Mais les incursions de la flotte angolaise, notamment des gros chalutiers de fabrication soviétique, ont repris de plus belle. Les navires angolais se paient même la liberté de zigzaguer entre les bouées d’exportation du brut, les plates-formes de forage et le terminal de stockage des produits pétroliers. Sans suciter ni protestations, ni réactions officielles du côté congolais.
PLM