Encore un drame dans le ciel r-dcongolais. Un petit aéronef d‘une compagnie nommée Busy Bee a manqué son envol avant de s’écraser sur deux habitations à Birere, un quartier populaire de la ville de Goma. Ce drame se produit 40 jours après le crash à Kole (Sankuru) de l’Antonov AN72 affecté à la logistique de la Présidence de la République. Dans les toutes mouvances spirituelles, 40 jours représentent un certain symbolique mortuaire. D’ailleurs, à Kinshasa, certaines églises dites de réveil n’ont pas hésité d’alerter leurs ouailles sur des sacrifices humains que le monde s’apprêterait à opérer vers la fin de l’année. Côté scientifique, des experts rappellent que c’est en novembre 2010, il y a donc 9 ans jour pour jour, que l’Union européenne avait résolu de blacklister toutes les compagnies de transport aérien de la RDC. Au cours du même mois, un colloque gouvernemental avait réuni décideurs et experts du secteur de l’aviation sur le thème : «L’avenir de l’aéronautique civile en RDC ». Il s’en est suivi un chapelet des recommandations notamment en termes des décrets et des arrêtés. Survoler le palais de Marbre, par exemple, est strictement interdit depuis octobre 2012 sur décret du premier ministre. Mais pour l’essentiel, 9 ans après, le secteur demeure une pétaudière : tout le monde commande, personne n’obéit comme à la cour du roi Petaud. Des opérateurs qui s’estiment intouchables narguent l’Etat. D’autres ignorent la réglementation sur le tonnage par rapport à telle ou telle piste : Congo Airways s’en est plaint. Des aéronefs loués dans des conditions ténébreuses et qui échappent à tout contrôle. Des personnels d’équipage venus pour la plupart des anciennes Républiques soviétiques se permettent de voler en état d’ivresse. Des écoles de pilotage qui champignonnent de manière incontrolée. Et des missions d’enquête sur des crashes qui n’ont jamais abouti! Comme celui de l’unique avion de la MIBA, entreprise opérant au Kasaï oriental, qui s’est abîmé dans l’île d’Idjwi, dans le lac Albert ou encore celui de l’avion de Moïse Katumbi qui a fauché la vie à Katumba Mwanke, après avoir manqué son atterrissage à Bukavu. Plus étonnant encore, depuis l’annonce de l’évacuation vers Kinshasa de quatre corps retrouvés sur le lieu du crash de Kole, plus aucune nouvelle.
Recherche et sauvetage des aéronefs
Et pourtant la RDC s’est dotée de services censés intervenir en cas de crash ou lorsque un aéronef est en situation de détresse…retrouver la précieuse boite noire, etc.,
Le Centre de coordination des opérations de recherche et de sauvetage des aéronefs en détresse et/ou accidentés, (CORSADA) est opérationnel, sur décret du premier ministre, depuis octobre 2012. Pour l’exercice 2019, il a été doté d’un budget de plus de 100.000 USD. Mais le CORSADA est resté aphone au lendemain de l’accident de l’Antonov AN72. C’est plutôt une commission dirigée par le ministre de la Défense nationale, Aimé Ngoy Mukena et comprenant des experts de la présidence de la République, des FARDC, de la Police nationale et des délégués du ministère des Transports et des voies de communication. La Monusco y a aussi apporté un précieux appui logistique. Il convient de rappeler que les corps retrouvés sur le lieu du crash et ramenés à Kinshasa ne sont jusque-là pas encore identifiés. Pourtant, la direction du CORSADA est confiée, selon le décret signé par l’ancien premier ministre Matata Ponyo, à un bureau dont le ministère de la Défense nationale ne fait pas partie. Ce bureau compte des délégués des ministères des Transports, de l’Intérieur et Sécurité, le fournisseur des services de la navigation aérienne; le gestionnaire des services aéroportuaires ainsi que le Bureau Permanent d’Enquêtes d’accidents et incidents. Le Centre doit également compter près d’une vingtaine des membres, lesquels sont nommés par le ministre des Transports et des voies de communication. Il s’agit notamment de 2 représentants du ministère des Transports, 2 représentants du ministère de l’Intérieur et Sécurité, 2 des Affaires étrangères, 2 de la Défense Nationale, 2 de la Santé publique, 2 gestionnaires des services aéroportuaires, 1 de l’Autorité de l’Aviation Civile, 1 représentant du fournisseur des services de la navigation aérienne, 1 de l’exploitant concerné et 1 envoyé du pays de l’exploitant et/ou de l’immatriculation de l’aéronef. Selon les médias officiels, le ministre de la Défense a déjà bouclé, mi-octobre 2019, sa mission d’enquête sur les circonstances du crash de l’Antonov AN72, après que les corps de quatre de huit victimes officielles de l’accident eurent été acheminés à Kinshasa. Le mécanisme de déclenchement et d’arrêt des opérations de recherche et de sauvetage relève, en effet, du CORSADA. Et le décret du premier ministre poursuit que les représentants locaux de l’Etat, à tous les niveaux de responsabilité, ont l’obligation de participer aux opérations de secours. Les opérations de recherche et sauvetage sont financées par une allocation budgétaire ou encore par une quotité de la redevance dans l’aviation civile, déterminée par les ministres des Finances, du Budget et des Transports. L‘assistance de la Monusco a plutôt été sollicitée par le chef de l’Etat en personne, apprend-on des sources autorisées. Les procédures d’alerte sur un aéronef en difficulté, les programmes d’entraînement des équipes de secours, l’examen de toute situation de crise liée à la survenance des accidents ou incidents d’avions sur le territoire r-dcongolais sont de l’apanage du CORSADA. Hélas!
Bureau Permanent d’Enquêtes, d’Accidents et Incidents d’Aviation
Le CORSADA aurait dû être épaulé par un autre service relevant aussi du ministère des Transports et Voies de communication, le Bureau Permanent d’Enquêtes et d’Accidents et Incidents d’Aviation (BPEA). Ce service totalisait 7 ans et 7 jours quand le crash de l’appareil «présidentiel» s’est produit au Sankuru. C’est à cet organisme dont le budget 2019 est d’un peu plus de 170.000 USD que revient officiellement la mission de mener des enquêtes sur tout accident ou incident d’aviation survenu sur le territoire national ou dans l’espace aérien r-dcongolais. Le BPEA est constitué de 15 experts de l’aviation au maximum, formés et spécialisés en enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation. Le décret n° 12/035 du 02 octobre 2012 du premier ministre donne comme autres missions au BPEA, « d’exécuter la politique du gouvernement en matière d’enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation, de présenter un programme d’analyses des enquêtes sur les accidents et incidents d’aviation, de tirer tous les enseignements qui résultent de l’enquête et formuler des recommandations pertinentes, afin de prévenir la survenance des accidents et/ou incidents d’aviation». Selon les informations en notre possession, la Monusco était au four et au moulin à Kole, au Sankuru. «Il y a des services budgétivores dans le secteur de l’aviation qui opèrent plutôt dans des bureaux huppés et climatisés que sur terrain», s’est livré au Maximum un agent des Lignes aériennes congolaises (LAC).
Même la disposition de la loi relative à l’aviation civile (article 157) qui oblige pourtant les compagnies d’aviation congolaises de s’assurer au pays est outrancièrement bafouée. Et quand l’assureur public, en l’occurrence la SONAS, ne reconnait pas que qu’un transporteur s’est fait assurer auprès d’elle, et que ce dernier à son tour soutient le contraire, la désinvolture a alors atteint son paroxysme. Pis, des transporteurs aériens dont les responsabilités ont été établies après les catastrophes ne se gênent pas de tourner en bourrique les victimes sinon leurs familles dans leurs démarches d’indemnisation. L’ONG Justice et libération pour la défense et la promotion des droits de l’homme en porte un témoignage. Pourtant, le secteur des assurances, qui est aujourd’hui libéralisé et coiffé par l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (ARCA) devrait faire partie du Cadre consultatif de concertation de l’aviation civile (CCAC). Ce mégastructure composée de 18 services publics dont des ministères de souveraineté (Intérieur, Affaires étrangères, Economie, Défense et Plan) a notamment pour mission d’émettre des avis consultatifs sur la politique de l’Etat congolais en matière d’aviation civile. Quelle politique ? De toute manière, comme organe consultatif, les avis du CCAC ne sont pas contraignants.
POLD LEVI