Le représentant spécial des États-Unis d’Amérique dans la région des Grands lacs, Peter Pham a jeté un pavé dans la marre après avoir été reçu en audience par le président Félix A. Tshisekedi à Kinshasa. Dans un entretien avec la presse, il a réitéré la volonté de son gouvernement de soutenir la RDC dans ses efforts de sécurité, de développement, de lutte contre la corruption et l’impunité, ainsi que la lutte contre le virus à Ebola dans le pays avant de revenir lourdement sur les mesures restrictives individuelles unilatérales adoptées par le département du Trésor US (OFAC) contre certains officiers généraux des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et de la Police nationale congolaise (PNC) soupçonnés de corruption ou de violation des droits de l’homme pendant la période précédant les élections générales de 2018. Dans un style de proconsul, Pham a déclaré que son gouvernement « n’entendait pas reprendre une coopération militaire avec le Congo-Kinshasa tant que les généraux comme Amisi Kumba (chef d’état major général adjoint des FARDC), Numbi (inspecteur général des FARDC), Kanyama (responsable de la formation de la PNC) demeureraient dans la chaîne de commandement». Une façon comme une autre pour le diplomate américain d’enjoindre le président de la RDC et son gouvernement de remanier le haut commandement militaire et la répartition des responsabilités au sein de la haute hiérarchie des forces armées et de la police en écartant, sans aucune forme de procédure ces officiers généraux au motif qu’ils sont mal vus par la diplomatie de l’Oncle Sam…
« Pareille attitude est difficilement acceptable pour les autorités congolaises qui, en dépit de l’aide attendue de la première puissance mondiale pour aider l’armée à en finir avec le terrorisme qui sévit dans certaines régions de l’Est du pays, ne peut aller jusqu’à se plier à de tels oukases qui reviennent en fait, d’une part à infliger des sanctions à des citoyens congolais hors de toute procédure légale devant impliquer notamment les principes élémentaires du contradictoire, la présomption d’innocence et le respect des droits de la défense qui font partie intégrante des Droits de tous les Congolais, qu’ils soient civils ou militaires », fait observer un expert en géopolitique de Kinshasa qui voit dans cette façon de procéder une tentative de ce diplomate et de certains milieux américains de prendre en otage le commandement de l’armée d’un pays indépendant. « L’observance par le président Tshisekedi d’une telle conditionnalité l’exposerait, non seulement à la réprobation d’une partie de l’opinion publique nationale mais aussi au risque de devoir dorénavant soumettre toutes les décisions de nominations aux hautes charges publiques à l’imprimatur d’un groupe de diplomates peu scrupuleux dans les relations entre leurs pays et la RDC», ajoute-t-il avant de rappeler que les Etats n’ont que des intérêts, pas des amis. En outre, certains généraux ainsi mis à l’index par Pham se distinguent au front en cette période où les FARDC viennent de lancer une offensive d’envergure contre les groupes armés qui écument et déstabilisent l’Est du pays. C’est le cas du lieutenant-général Gabriel Amisi dont le retrait pourrait désorienter l’offensive en cours à un moment où la plupart des habitants des régions concernées se réjouissent de la pugnacité des FARDC et montent au créneau pour exiger le départ de la MONUSCO accusée de ne jamais intervenir ou d’intervenir chaque fois en retard. Par ailleurs, les raisons à la base de l’injonction de Peter Pham ne sont à ce jour pas légalement élucidées : aucune résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, seul habilité à prendre des sanctions internationales légitimes, aucun procès en RDC ou aux USA n’a mis en cause l’un ou l’autre de ces hauts gradés.
HO