Impossible de savoir si les deux principaux animateurs de la Cour de cassation, le 1er président Jérôme Kitoko Kimpele et le procureur général près cette Cour, Flory Kabange Numbi, se sont concertés pour éclairer la classe politique et l’opinion sur les problèmes politico-juridiques qui ont gangrené le processus électoral en RDC. A la rentrée de cette haute instance judiciaire issue de l’éclatement de l’ancienne Cour suprême de justice en Cour constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’Etat, les deux hauts magistrats ont planché sur deux des problèmes qui malmènent les esprits depuis plusieurs mois : le faux en écriture et l’usage du faux ainsi que la corruption.
La question du faux en général s’est invitée dans les débats politiques et juridiques rd congolais à la faveur de l’invalidation de la candidature du MLC Jean-Pierre Bemba Gombo à la présidentielle 2018, au motif, notamment, que l’ancien pensionnaire des geôles de la CPI à la Haye encourait depuis 2017 une condamnation pour subornation de témoins et présentation de fausses preuves et sollicitation de faux témoignages qui a été confirmée en septembre 2018, trois mois avant la présidentielle en RDC. L’affaire avait, ainsi qu’on l’a vu, déchaîné les passions.
Valeurs sociales fondamentales
Mardi 15 octobre 2019 à l’occasion de la rentrée judiciaire de la Cour de cassation, Jérôme Kitoko Kimpele a donc apporté un éclairage scientifique sur un aspect de la question en consacrant son discours à l’«Analyse doctrinale et jurisprudentielle des infractions de faux en écritures et usage de faux ». Devant le 1er ministre, Ilunga Ilunkamba qui représentait le président de la République, le 1er président de la Cour de cassation a d’abord situé la place et le rôle du droit pénal : « il est la protection des valeurs fondamentales partagées par le plus grand nombre dans la société considérée et impose les sanctions à ceux qui, par leur faute, viendraient à les violer ou y porter atteinte ». Et « il est considéré comme un instrument immédiat au service de l’ordre public et de la tranquillité publique, conditions préalables et essentielles à toute activité socialement utile et à toute jouissance des droits individuels ».
S’agissant particulièrement des infractions de faux et usage de faux, le droit congolais distingue entre les infractions prévues et punies par le Code pénal congolais et celles qui sont réprimées sur pied des lois de droit pénal particulier. Parce qu’au-delà du Code pénal, le législateur congolais a défini ces infractions dans plusieurs autres lois, a expliqué Jérôme Kitoko, tout en précisant que son exposé se limitait aux seuls faux commis en écritures et l’usage de faux tels que prévus et punis par le Code pénal congolais.
Une étude à froid
De cette étude, à froid et sans les passions qui emportent généralement les acteurs politiques concernés par les arrêts rendus, on notera que les infractions de faux et usage de faux sont considérées par le Code pénal congolais comme des infractions contre « la foi publique ». Leur répression protège aussi bien les Etats, les personnes morales de droit public et de droit privé que les personnes physiques qui en tombent victimes.
La notion de foi publique, sur laquelle l’orateur s’est étendu mardi dernier, revêt une importance particulière qui échappe généralement au Congolais lambda. Il s’agit de « la confiance que le public accorde à certains signes, marques et formes extérieures auxquels le pouvoir et les particuliers ont recours pour garantir la loyauté et la probité dans les rapports sociaux … La foi publique constitue un bien juridique collectif qu’il est nécessaire de protéger de la manière la plus énergique, notamment par la loi pénale », a-t-il expliqué.
Les infractions contre la foi publique protègent, en effet, la nécessaire sincérité et probité que doivent manifester ceux qui prennent un engagement solennel portant sur un point d’intérêt général.De même que la nécessaire créance et confiance que le public doit avoir à l’égard des documents et actes pris dans le cadre dudit intérêt général.
Protéger la vérité
La conclusion, pour le 1er président de la Cour de cassation, coule comme de source : «Dès lors que la vérité apparaît comme un intérêt protégé majeur, tant pour la société en général que pour la justice en particulier, le législateur a le devoir d’incriminer le mensonge, et les juges de le réprimer avec la plus grande sévérité. Cependant, comme il n’est pas concevable d’emprisonner tous les menteurs, le législateur doit limiter la répression, soit à des domaines particulièrement sensibles, soit lorsque le mensonge est assorti d’actes de nature à le rendre crédible ».
Jérôme Kitoko Kimpele est demeuré objectif et scientifique, et n’a donc pas abordé de cas particulier, ainsi qu’il se doit en pareille circonstance. Mais il est aisé, aujourd’hui que les passions autour des candidatures à la présidentielle de 2018 s’estompent peu à peu, de s’aviser que les infractions de subornation de témoins et de présentation de fausses preuves pour lesquelles la candidature d’un important challenger a été retoquée par la Cour constitutionnelle sont très proches de ces « actes de nature à rendre crédible un mensonge ». Qu’il convenait de réprimer avec toute la rigueur requise.
Le 1er président de la Cour de cassation a prononcé un discours axé sur le champ axiologique des infractions de faux et usage de faux ; l’économie générale de ces incriminations ; l’analyse des infractions de faux commis en écritures ; l’usage de faux ; et, les faux certificats délivrés par le fonctionnaire.
J.N.