La SNEL se fonde sur la nouvelle loi sur l’énergie électrique pour imposer des compteurs prépayés à tous ses abonnés moyenne tension. Mais à Kinshasa, l’opération se heurte à une certaine résistance des abonnés qui déplorent la piètre qualité du service rendu. A Matete, à la Cité verte où la SNEL a expérimenté ces compteurs, la clientèle réclame le retour au système de facturation d’antan. Ici, le commerce de braises se porte à merveille, car le courant n’est guère permanent. Le prépaiement ne garantit nullement contre le délestage ou les coupures d’électricité qui s’allongent sur plusieurs jours. De l’aveu des ingénieurs de la SNEL, quand une machine s’arrête à la centrale d’Inga II, le réseau de Kinshasa perd quelque 150 MW. Cette perte plonge dans le noir le 1/3 de la capitale et si deux groupes sont arrêtés (300MW), les 2/3 de Kinshasa en font les frais.
Fin juin 2019, le directeur en chef des centrales d’Inga, Henri Makap, a admis à demi-mots que sans l’intervention répétée de la BAD, le black-out serait inévitable non seulement à Kinshasa mais également dans les provinces minières de l’ex-Katanga. La BAD soutient la distribution de l’électricité dans la capitale qui demeure toutefois problématique. Elle finance aussi la réhabilitation de quelques machines d’Inga I (351 mégawatts). Le financement de la BAD a notamment permis la modernisation et l’acquisition de pièces de rechange du groupe 4 de la centrale d’Inga I (G14). L’institution bancaire africaine s’est engagée à moderniser le groupe 6 de la même centrale.
La SNEL est donc une entreprise en difficulté autant financière que technique. Selon un audit initié par le BCECO, tout ou presque pose problème, particulièrement le réseau de distribution avec des câbles dénudés, d’un autre âge, qui provoquent une importante déperdition d’énergie.
Fuite en avant ?
Pour la Fédération des entreprises du Congo (FEC), la SNEL se livrerait à une sorte de fuite en avant. La loi nouvelle proclame en effet la libéralisation du secteur de l’énergie électrique. Le patronat s’inscrit donc en faux contre les allégations selon lesquelles partout en Afrique, la libéralisation du secteur de l’électricité a été un fiasco. Pour la FEC, il faut concrétiser la libéralisation hic et nunc. Son président, Albert Yuma Mulimbi, déplore en effet, que sur 25 projets de textes d’application adoptés au terme d’une série de rencontres tenues entre le 1er mars et le 21 juillet 2017, deux textes seulement ont été publiés à ce jour. « Outre les 23 projets de textes d’application, organigrammes, projets de décrets et d’arrêtés, projets de contrats types encore à publier, il restera, pour donner toute force à la loi sur la libéralisation du secteur de l’électricité et surtout au cadre qu’elle institue, à valider 10 textes supplémentaires, à mettre en place les conseils d’Administration de l’ARE, Autorité de régulation de l’électricité et de l’ANSER, à recruter leur personnel et à leur affecter le budget sans lequel elles ne pourront fonctionner», a fait comprendre le patron des patrons congolais.
L’Agence nationale de service d’électrification rurale (ANSER) est une structure censée suppléer la SNEL dans l’arrière-pays. L’Etat compte améliorer l’accès à l’électricité en faveur des groupes sociaux ainsi que celui des populations urbaines et rurales à l’eau potable à travers le développement des unités de production de l’énergie électrique, grâce au lancement des projets de construction ou de modernisation des mini-barrages hydro-électriques.
L’électrification de la ville de Mbandaka compte parmi les premiers projets d’ANSER. Mais si elle a suscité une lueur d’espoir il y a 5 ans, la loi du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité reste à ce jour encore très largement théorique et non effective. Les deux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l’Energie, l’ARE créée en 2016 et l’ANSER créée en 2014 ont été dotés, par arrêté ministériel, d’une commission interdisciplinaire d’appui à leur mise en place opérationnelle à travers le Comité préparatoire de l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (CPARE) et le Comité Préparatoire de l’Agence Nationale de l’Electrification et des Services Energétiques en Milieu Rural et Périurbain (CPANSER). « Ces deux comités provisoires étaient supposés apprêter l’ensemble des instruments de gestion nécessaires au fonctionnement harmonieux des deux établissements publics pendant une durée de 12 mois, prolongée d’une période additionnelle de 7 mois, au bout de laquelle leurs organes de gestion seraient désignés et installés à titre définitif», a précisé Albert Yuma. Plus de trois ans après, on attend toujours.
POLD LEVI