C’est un déluge de dénonciations de la gestion d’un des principaux diocèses de la province du Sankuru qui s’abat sur les fidèles depuis le 3 juillet 2019. L’affaire paraît proprement apocalyptique. Pourtant, en cette date anniversaire de sa venue au monde 75 ans auparavant, Mgr Nicolas Djomo Lola n’entrevoyait sûrement pas ainsi la fin de son ministère sur ces terres confiées à sa gestion par Rome voici plus de 20 ans.
Au cours d’une célébration eucharistique empreinte de solennité en la cathédrale Ste Marie de Tshumbe, siège du diocèse éponyme, prêtres et fidèles étaient venus nombreux remercier Dieu pour ses bienfaits. Dimanche 3 juillet, c’était, en effet, le jour consacré par l’église catholique universelle à la solennité de l’Apôtre Thomas. « Une façon de montrer qu’en tant qu’évêque, Mgr Djomo n’a cessé de marcher sur les sillages des apôtres. Qu’il n’a cessé de prêcher et de vivre inlassablement l’Evangile de la charité. Qu’il n’a cessé de se montrer, conformément à sa devise épiscopale, l’Apôtre par excellence de l’unité du peuple de Dieu qui est à Tshumbe », proclamait, devant les fidèles prosternés, l’abbé Marcel Kilombo, un prêtre du diocèse. Un point de vue guère partagé par tous.
Les fonds de Sioux Falls
Au diocèse de Tshumbe, de plus en plus de prêtres et de fidèles catholiques trouvent excessif ce discours élogieux du 03 juillet motivé par la présence du concerné dans l’église. Dans un courrier, un de plus en fait, daté du 25 juillet 2019, un prêtre du même diocèse, vivant en exil en Europe, pose et se pose des questions qui n’arrêtent pas d’interpeller et d’interloquer. Jean-De-Dieu Ndjadi Djowa ajoute à de précédentes dénonciations, de nouvelles relatives aux versements financiers du diocèse de Sioux Falls (Etats-Unis) au diocèse de Tshumbe. De 2009 à ce jour, ces Américains auraient versé la bagatelle somme de 2.164.744 USD, dont on ne trouverait nulle trace dans les caisses du diocèse sans qu’aucune comptabilisation ne s’en suive.
L’abbé Ndjadi et ses sources ne sont pas avares de détails et de précisions sur ces versements : 55.360 $ (2009); 82.615 $ (2010) ; 112.048 $ (2011) ; 117.217 $ (2012) ; 249.236 $ (2013) ; 130.368 $ (2014); 179.900 $ (2015); 156.650$ (2016) ; 541.650 $ (2017); et 539.700 $ (2018). Les chiffres sont époustouflants. Selon les révélations de ce prêtre, le diocèse de Sioux Falls a également financé la création à Tshumbe d’un centre baptisé «Centre Marie-Cathérine», dont l’existence ne serait connue que de Mgr Djomo lui-même ainsi que de l’abbé Albert Shuyaka et d’une religieuse, la révérende Cathérine Takotshe Wandjowo que l’on dit très proche du prélat. «Pourquoi avez-vous cautionné une telle escroquerie ? Veuillez nous fournir des explications convaincantes sur l’usage que vous avez fait de toutes ces sommes d’argent. Sinon, nous allons non seulement informer son Excellence Mgr Paul Joseph Swain et les fidèles de son diocèse, mais encore contacter le Federal Bureau of Investigation pour qu’il nous éclaire sur la destination de ces fonds envoyés aux pauvres de Tshumbe et sur les quêtes que font nos confrères aux Etats-Unis », écrit l’abbé Ndjadi décidément très en verve à l’égard de l’évêque sortant du diocèse de Tshumbe. On le comprend au regard des montants faramineux alignés ci-dessus juxtaposés sur la misère de la vingtaine de paroisses du diocèse de Tshumbe.
Les projets d’Okidi wa Lomami
5 jours plus tôt, le 20 juillet 2019, Jean-De-Dieu Ndjadi s’adressait à son évêque au sujet des projets d’Okidi wa Lomami, financés en particulier par Mgr Christopher James Coyne de Burlington et concernant la construction d’une chapelle à Londeke, une paroisse, une ferme et une pisciculture à Lushimapende. Rien n’aurait été réalisé, alors que «nous apprenons que votre neveu, l’abbé Lokanga Olongo Daniel, vient de construire une école et une ferme à Kinshasa. S’agit-il d’un autre projet ou du même projet que vous avez délocalisé?», s’interroge l’auteur de ce nouveau courrier.
Au-delà de ces dénonciations de détournements de fonds destinés à un diocèse catholique apparaissent les subterfuges dignes du commun des païens les plus véreux, qui incitent divers donateurs à délier les cordons de leurs bourses. Au nom de la charité chrétienne
Prêtre du diocèse de Tshumbe et neveu de l’évêque, l’Abbé Albert Shuyaka se présente comme un héros, figure de proue de la foi catholique dans son village natal confronté à la barbarie de soldats fuyant la guerre. « Alors qu’il était jeune, tuant son peuple, violant des femmes et des filles et l’obligeant à transporter de lourdes charges de munitions sur de nombreux kilomètres », le saint-prêtre aurait « assisté au meurtre de ses amis, il s’est échappé et s’est caché. Il a découvert sa vocation sacerdotale au cours de sa lutte fructueuse pour pardonner les coupables. Il a contracté un désir profond d’aider d’autres jeunes hommes à pardonner et à éviter davantage d’effusion de sang», lit-on dans la sorte de lettre de motivation à l’intention de donateurs yankees. Et le tour est joué. Des centaines de milliers de dollars sont consentis en faveur des malheureux fidèles demeurés au diocèse. Qui ont pris une destination non traçable.
H.0.