La fièvre hémorragique à virus Ebola déclarée dans le Grand Nord Kivu (Beni-Butembo) et dans une partie de l’Ituri le 1er août 2018 a été déclarée urgence médicale de portée internationale par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le 17 juillet courant. Un peu dans la « précipitation » après la confirmation d’un cas de maladie à Goma, un patient déjà identifié à Butembo qui avait réussi à gagner le chef-lieu du Nord-Kivu, et dont tous les contacts dans la capitale volcanique avaient été dûment identifiés et soumis aux procédures de riposte. Pour Oly Ilunga, l’alors patron de la riposte à l’épidémie, le cas de Goma était à ranger parmi les «groupes de personnes dans la communauté (qui) continuent à adopter un comportement irresponsable qui cause la prolongation géographique du virus». Mais aussi que des mesures gouvernementales suffisaient « pour éviter que ces groupes à haut risque continuent à propager l’épidémie dans la région ». Le praticien rd congolais formé à l’Université catholique de Louvain (Belgique) et la Harvard University (Etats-Unis) n’a pas été suivi par l’OMS qui semble avoir prêté le flanc à une arnaque urgentiste. Une de plus dont la RD Congo est le théâtre involontaire.
Arnaque de santé publique
L’urgence sanitaire de portée internationale, que l’OMS refusait de décréter depuis plusieurs mois, n’était donc pas fondée sur la soudaineté, la gravité et la surprise de la 10ème épidémie d’Ebola en RD Congo. Ni encore moins, par ses conséquences sanitaires en dehors du pays, selon les conditions requises pour qu’une épidémie soit ainsi déclarée. Une dépêche de l’organisation sanitaire mondiale du 24 juillet 2019, une semaine après l’apparition du cas de Goma dont le malade retourné à Butembo est décédé du reste, qu’aucun nouveau cas n’a été signalé à Goma. Ni, non plus, en dehors de la RD Congo: « le suivi intensif des contacts du cas confirmé arrivé à Goma le 14 juillet se poursuit. Dix-neuf agents de santé ont été déployés depuis d’autres postes à Goma pour apporter un soutien dans la réponse à cette affaire. Les rumeurs selon lesquelles des contacts se seraient rendus à Bukavu et au Sud-Kivu ont été examinées et écartées par les équipes d’intervention. Aussi l’OMS précise qu’il n’y a actuellement aucun cas confirmé de maladie à virus Ebola à l’extérieur de la République Démocratique du Congo », rapporte Onu Info, le bulletin quotidien publié par les Nations-Unies.
De même que le taux d’incidence de la maladie demeurent inchangés depuis plusieurs semaines, selon l’OMS, avec 65 aires de santé dans 18 zones sanitaires qui ont signalé de nouveaux cas, représentant 16% des 664 aires de santé des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri ; un total de 254 cas confirmés dont la majorité provenait des zones sanitaires de Beni (52 %), Mabalako (11 %), Mandina (9 %) et Katwa (7 %) qui sont les principales zones actives dans le foyer ces 21 derniers jours. Même si le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a assuré le 17 juillet dernier que « le risque de dissémination d’Ebola dans la région est élevé, mais il reste faible en dehors », l’arnaque urgentiste des humanitaires à laquelle le ministre démissionnaire de la santé a tenté de s’opposer aura réussi. Une nouvelle équipe chargée de la riposte a été mise sur pieds en RD Congo, chapeautée par le Pr Muymembe Tanfum, un microbiologiste rd congolais dont le nom est associé à la découverte du virus d’Ebola. Pourtant, l’OMS le réaffirme, une semaine après avoir décrété Ebola urgence de santé publique de portée internationale : « la déclaration du PHEIC n’est pas une réflexion sur la performance de l’équipe d’intervention, mais plutôt une mesure qui reconnaît les risques nationaux et régionaux accrus possibles et la nécessité d’une action intensifiée et coordonnée pour les gérer », selon une déclaration citée par Onu Info. Mais les vannes de l’interventionnisme humanitariste sont bel et bien ouvertes.
300 millions USD de la BM
La Banque Mondiale annonce un fond de soutien de 300 millions UDS ainsi que des crédits pour soutenir la lutte contre l’épidémie d’Ebola en RD Congo. Un financement qui répondra à la moitié des besoins d’un nouveau plan d’intervention à approuver par le gouvernement et … un consortium international dès la semaine prochaine. En même temps que des informations faisant état de l’utilisation d’un nouveau vaccin, produit de l’entreprise belgo-américaine Janssens Pharmaceutica, se font plus précises : 1 demi-million de doses de ce vaccin déjà refusé par l’Ouganda, le Congo-Brazzaville et l’Angola, notamment parce qu’il s’administre à deux reprises avec un délai de 56 jours entre les prises (et impose l’immobilisation du vacciné) sont disponibles. Le nouveau produit n’a jamais été testé sur des êtres humains, mais compte tenu de « l’urgence », l’OMS a donné son feu vert pour la RD Congo. Malgré l’hostilité et l’opposition du ministre de la santé démissionnaire. « La crise d’Ebola en cours n’est pas une crise humanitaire. C’est une crise de santé publique qui intervient dans un environnement caractérisé par des problèmes de sécurité», estimait pourtant le Dr Oly Ilunga, qui a dénoncé « des pressions de toutes parts qui tendent à en faire une crise humanitaires dont les logiques d’intervention consacrent la mise en place d’un système parallèle qui ne renforce jamais le système de santé existant ». Mais rien n’y a fait. Jeudi dernier, Leila Zerrougui, la représentante du secrétaire général de l’ONU et patronne des «humanitaires » en RD Congo s’est rendu à la présidence de la République. Pour annoncer au président de la République les nouveaux soutiens des humanitaires dans la lutte contre Ebola. Du rififi en l’air, particulièrement dans la province du Nord-Kivu, qui redevient ainsi la capitale de l’humanitaire qu’elle s’efforçait de ne plus être.
J.N.