Le virus se retourne contre ceux qui ont tenté de s’en servir.
Les premières bonnes nouvelles depuis un an sur l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola qui sévit dans une partie de la province du Nord-Kivu et de l’Ituri semblaient se confirmer au début de la semaine qui tire à sa fin. En ce que les nouveaux cas d’infection se raréfiaient dans certaines zones de santé de la région. Ce qui recentre le foyer de l’épidémie dans la région de Butembo, et de Beni Territoire. Mardi 18 juin 2019, 13 nouveaux cas confirmés ont été annoncés par le ministère de la santé, dont 4 à Mangina, 3 à Mabalako, 2 à Butembo, 1 à Katwa, 1 à Kyondo, 1 à Beni et 1 autre à Kalunguta. 10 nouveaux décès de malades atteints du virus étaient enregistrés respectivement à Mabalako (5), à Mandina (1), à Butembo (2), 2 à Katwa. Mais aussi 6 nouvelles guérisons de malades libérés des centres de traitement de Katwa (5) et de Butembo (1). La courbe du nombre de personnes infectées par le virus ainsi que celle des décès ne baisse reste donc encore stable et n’affiche pas de sérieuse tendance à la baisse : 2.181 cas étaient notifiés au 18 juin (dont 2087 cas confirmés), pour 1.4.59 décès, qui rapprochent dramatiquement de la barre de 1.500. En séjour à Butembo la semaine dernière, le directeur général de l’OMS a encore relevé la part de la résistance et l’hostilité des populations locales contre les équipes de riposte à l’épidémie, qui ont fait le lit de sa résistance particulière dans la région de Beni-Butembo.
Le 19 avril 2019 dernier, l’escalade d’agressions contre les centres de traitements et le personnel médical en charge de la riposte à Ebola a atteint son point culminant. Des hommes armés ont pris d’assaut la clinique de l’Université catholique du Graben à Butembo, parce qu’elle abritait un centre de triage des cas de maladie à virus Ebola parmi ses services. Au cours de l’assaut qui a duré une demi-heure selon les témoins, un médecin de nationalité camerounaise employé par Médecins Sans Frontières a été abattu d’une rafale tirée à bout portant alors qu’il présidait une réunion de service. Richard Mouzoko Kiboug, responsable de la coordination de la riposte dans l’aire de santé de Vutsundo était en conciliabule avec ses collaborateurs, dont deux autres médecins de nationalité rd congolaise, lorsque trois assaillants ont ouvert le feu sur le groupe. Avant d’incendier des véhicules et des installations du centre de triage à l’entrée de la clinique.
Le même jour, cette fois-ci à Katwa dans la même région de Butembo, une attaque similaire avait été déjouée par l’armée qui a tué un milicien et capturé deux autres. Le 29 avril 2019, des suspects parmi lesquels figurait une femme, épouse du ‘‘général’’ maï-maï autoproclamé Saperita, ont été interpellés par la justice militaire. Le chef du groupe et assassin présumé du médecin camerounais, un certain «Dan-Pablo» Muhindo Pilipili, connu pour être un frère du fameux Saperita, a également été mis aux arrêts. L’homme a été formellement reconnu par les rescapés de l’attaque de la clinique de l’Université du Graben, et les enquêtes entreprises jusque-là révèlent qu’il s’agit d’un prestataire de la sous-coordination de la riposte à Ebola de Butembo, selon la presse locale.
Lundi dernier, le Maire de la ville de Beni a annoncé, sans vraiment surprendre, que le virus d’Ebola s’était déclaré depuis quelques jours dans les maquis mai-mai qui pullulent dans la région. M. Bwanakawa a fait état de 12 cas avérés de contagion au virus d’Ebola parmi les miliciens, admis au CTE (Centre de Traitement d’Ebola) de la ville, ainsi que de deux cas qui ont préféré se volatiliser dans la nature. La majorité de ces nouveaux malades atteints de fièvre hémorragique à virus Ebola provenait de la ville voisine de Butembo, et l’autre partie de Mabalako. Il s’agirait, selon les premiers recoupements, des mai-mai qui avaient pris part aux attaques contre les CTE de Katwa et l’UCG de Butembo, emportant des effets pillés ayant appartenus aux malades internés. Le virus d’Ebola rattrape ainsi ceux qui se sont acharnés contre les équipes chargées d’enrayer l’épidémie comme par un effet boomerang, et menace encore plus les populations de la région.
J.N.