Impossible de se voiler la face plus longtemps. Les dernières ordonnances présidentielles portant nominations dans deux des plus grandes entreprises publiques, la Gécamines et la SNCC, semblent de nature à porter un coup dur à la coalition, encore en gestation pourtant, entre le Cap pour le Changement (CACH) du duo Tshisekedi-Kamerhe et le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila.
Lundi 3 juin 2019, la présidence de la République a promulgué deux ordonnances signées le 29 mai, portant nomination des membres des conseils d’administration et des directions générales de la Gécamines SA et de la SNCC SA. Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza est ainsi nommé président du conseil d’administration de la SNCC ; Mutomb-A-Mutomb Fabien, directeur général, et Kamenga Tshimuanga, directeur général adjoint. Tandis qu’à la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, Michel Sama Lukonde Kyenge et Bester-HilaireNtamwe Ngoy Kabongo sont nommés président du conseil d’administration, directeur général et directeur général adjoint, respectivement.
Ces nominations ont aussitôt provoqué une levée de boucliers sans pareil, et suscitent moult débats aussi bien dans l’opinion publique (réseaux sociaux), qu’au sein du Front Commun pour le Congo où d’aucuns dénoncent la violation et de l’accord CACH-FCC et de la constitution de République.
A l’instar du NOGEC/FCC Constant Mutamba, qui reproche aux ordonnances du 29 mai la violation de l’article 81 de la constitution qui conditionne la validité des actes de nomination par le président par le contreseing du 1er ministre en fonction. Or, dans le cas querellé, c’est Bruno Tshibala, le 1er ministre déjà démissionnaire qui a contresigné les nominations Fatshi rendues publiques le 3 juin sur les antennes de la télévision nationale, et ce, alors que son successeur, Ilunga Ilunkamba était déjà bel et bien nommé par une ordonnance abrogeant « toutes les dispositions antérieures contraires », et que des nominations de cette importance ne rentrent en aucune manière dans la catégorie des affaires courantes à expédier par un intérimaire.
Le jeune juriste, qui a reçu l’appui de sa famille politique, a promis de saisir le conseil d’Etat en contestation de ces ordonnances. Il explique dans un communiqué que l’article 81 al 1 de la constitution conditionne les mises en place au sein des services publics, des établissements publics, voire des entreprises publiques par une proposition préalable du Gouvernement délibérée en conseil des ministres. Ajoutant que la compétence du président de la République en la matière est liée et non discrétionnaire.
Le député Henri-Thomas Lokondo, déjà connu pour sa liberté de pensée et qui a récemment quasiment claqué la porte du FCC, trouve également à redire au sujet de ces ordonnances promulguées sans que le gouvernement eut été préalablement consulté. Sur la radio onusienne Okapi, le 4 juin dernier, cet élu de Mbandaka note que « pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle de notre pays, des ordonnances présidentielles n’ont fait aucune allusion à la constitution. La constitution qui est le fondement de tous les actes juridiques signés par le chef de l’Etat. Le chef de l’Etat qui en est, d’ailleurs, le garant ».
Le clash est donc consommé et des sources renseignent que plusieurs députés nationaux se feront l’écho dans les prochaines séances de l’hémicycle sur ce qui leur apparaît comme une violation délibérée de la constitution par le président de la République qui en est pourtant le garant.
Affaire à suivre.
J.N.