Décrispation. Un concept à la mode à l’aube du quinquennat de Félix Tshisekedi, l’ex – opposant radical qui préside aux destinées de la RDC depuis le 24 janvier 2019. Cinq mois après l’accession du président de l’UDPS/T au pouvoir suprême, la liste des exilés politiques, ou autres, ne fait que s’allonger. Il faut encore y ajouter celle des détenus dits politiques, dont beaucoup ont été libérés à la faveur de la présence de Fatshi à la tête du pays.
Parmi ces acteurs politiques, c’est sans nul doute Moïse Katumbi, l’ex – candidat non partant à la présidentielle de 2018, qui a ouvert le bal en regagnant le pays via Lubumbashi le 20 mai 2019. Le dernier gouverneur de l’ex -Katanga, toujours prétendant au top job au Congo, assure qu’il « …ne rentre pas au pays pour régler des comptes (…) mais en homme de paix pour la réconciliation nationale ». Même s’il glisse au passage qu’il se battra pour qu’il n’y ait pas de révision constitutionnelle. L’homme a bel et bien gagné Lubumbashi, et entrepris de parcourir certaines villes du pays parmi les plus acquises à l’opposition.
Mbusa après Katumbi
L’opinion en était encore à des conjectures sur les intentions politiques à venir du coordonnateur de la plateforme Lamuka, qu’un autre acteur politique, Antipas Mbusa Nyamwisi, frappait au portillon. Plusieurs années d’un exil qui n’a vraiment jamais dit son nom, puisque l’ancien chef rebelle avant de quitter le gouvernement n’était pas interdit de séjour dans son pays, le président fondateur du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Kisangani-Mouvement de Libération (RCD-K-ML) revenait chez lui, lui aussi. Vendredi 31 mai 2019, l’ancien roitelet de Beni-Butembo, sur qui pèsent pourtant de graves accusations de complicité dans les atrocités qui endeuillent son Grand Nord Kivu, est arrivé à Kinshasa. Il n’avait plus mis le pied en RDC depuis 7 ans. Il assure aussi rentrer pour participer à la reconstruction du pays aux côtés des nouvelles autorités, notamment, en contribuant à la lutte contre le virus Ebola qui a déjà tué plus de 1200 personnes chez lui.
Jean-Pierre Bemba, le président du Mouvement de Libération du Congo (MLC), annonce pour sa part rerevenir au pays en juin. Egalement ex – chef rebelle, puis vice-président de la République sous le régime du 1 + 4, le chairman du MLC a subi un emprisonnement de 10 ans décrété par la Cour Pénale Internationale, avant d’être acquitté à la surprise générale le 8 juin 2018. Deux mois plus tard, le 1er août 2018, Jean-Pierre Bemba regagnait le pays via Kinshasa où il a reçu un accueil chaleureux de la part de ses militants. Le patron du MLC essayera même de postuler à la présidentielle en déposant formellement sa candidature le 2 août à la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) mais sera retoqué par la cour constitutionnelle le 3 septembre 2018.
Bemba, le 23 juin
L’ancien vice-président et sénateur est ainsi retourné en Europe, libre de tout mouvement, y compris de revenir en RD Congo. Même si ses fanatiques ont tenté de dramatiser un contentieux familial relatif à la résidence paternelle sise sur avenue Pumbu au quartier chic de la Gombe à Kinshasa. Durant son séjour kinois, Bemba avait souhaité résider dans la résidence paternelle occupée par la dernière des épouses de feu Jeannot Bemba, son père. Mais n’y a pas eu accès. L’affaire a été présentée comme une « décision politique » de l’alors chef de l’Etat, Joseph Kabila, qui se serait opposé à une cohabitation aussi proche avec son ancien challenger en 2006. Depuis lors, le camp bembiste présente ce litige manifestement successoral comme une affaire politique. L’opinion attend de voir où résidera JPB le 23 juin prochain pour en savoir plus.
Comme Katumbi et Mbusa Nyamwisi, l’ancien pensionnaire de la prison de Scheveningen aux Pays-Bas re-regagne Kinshasa paré des meilleures intentions politiques du monde : « C’est avec joie et enthousiasme que je vous annonce mon retour à Kinshasa le dimanche 23 juin 2019 à 10h00. J’ai hâte de vous retrouver pour que nous puissions ensemble renforcer l’unité de vue et d’action pour un Congo prospère », assure un tweet signé du chairman du MLC lundi dernier.
Le corps de Mobutu
La décrispation politique tshisekediste n’est nullement exclusive. Après le rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi deux ans après sa mort en février 2017 en Belgique, c’est la dépouille du défunt Maréchal Mobutu Sese Seko qui est annoncée, pour « … apporter l’apaisement. L’apaisement passe par la réconciliation. Et la réconciliation nous conduit à la normalisation », a annoncé sur une radio de la place, Tryphon Kin Kiey Mulumba. L’ancien créateur de « Kabila Désir », passé depuis peu au CACH (Cap sur la Changement) de Félix Tshisekedi affirme être au cœur de cette démarche. Qui renseigne que « le président a reçu la famille du Maréchal Mobutu (et que) le rapatriement du corps du dictateur défunt fut au cœur de l’entretien entre les deux parties ».
La décrispation politique de Fatshi, ce furent aussi ces relaxations de Diomi Ndongala Nzomambu, emprisonné dans une affaire d’abus sexuels sur mineures, de Frank Diongo, condamné pour coups et blessures contre des éléments de la garde républicaine au nom de la liberté démocratique. Et de Ne Mwanda Nsemi accusé de meurtres à Kinshasa et dans le Kongo-Central.
A Kinshasa, l’atmosphère générale se ressent quelque peu de ces nouvelles libertés … «démocratiques ». Comme à l’aéroport international de Ndjili où la présence des éléments de la Garde Républicaine se fait plus discrète. Suffisamment discrète pour que changeurs de monnaie à la criée et vendeurs de ci et de ça réinvestissent, petit à petit, les lieux qui leur étaient naguère interdits, comme les abords de l’aéroport modulaire et les salles d’attente pour passagers.
Pourvu que cette décrispation tous azimuts ne dégénèrent pas en anarchie.
J.N.