Selon le régulateur des marchés publics, une vingtaine de contrats ont été attribués de gré à gré dans le domaine des infrastructures routières. Ces contrats ont été rendus publics juste 48 heures avant les élections sous le couvert du concept d’«entente directe ».
Ces marchés représentent des centaines de milliers de dollars que la Banque Mondiale a prêtés à la RDC dans le cadre du projet Pro-routes. Tel est le cas de ce marché de 141.972,16 USD attribué à l’ONG Action pour le développement des milieux ruraux (ADMIR). Il porte sur la mise en œuvre des activités de lutte contre la violence sexuelle et basée sur le genre (VSBG), le chantier des travaux de réhabilitation de la Route Nationale n° 2 (RN2), dans la province du Sud-Kivu sur le tronçon Bukavu-Goma (146 km), dans le cadre du projet Pro-routes. Et pour le même projet, l’ONG Service d’accompagnement et de renforcement des capacités d’autopromotion de la femme au Sud-Kivu, devrait toucher la somme de 167.583,85 USD.
Outre ces 21 projets, le régulateur des marchés publics a notamment rendu publique l’attribution des marchés des services dans le cadre du Projet de facilitation du commerce dans la région de Grands lacs, mais le mode de passation de ces marchés n’a pas été déterminé. Et selon nos sources, des ONG ont été créées de bric et de broc pour les besoins de la cause.
Pour certains analystes, le fait que les contrats en question aient été publiés dans l’ambiance on ne peut plus agitée des élections, donne à penser à une intrigue sur fonds d’« opération-retour ». En clair, l’adjudicateur du marché est soupçonné d’avoir touché des dessous de table.
Pourtant, aussi bien la Cellule Infrastructures que le ministre des ITPR, Thomas Luhaka se veulent plus rigoureux dans la gestion du projet Pro-routes. Le secteur des ITPR a, en effet, été sous les feux de critiques lors des conférences budgétaires où institutions politiques, ministères, services, établissements, entreprises d’Etat ainsi que les régies financières s’accordent sur les recettes et les dépenses du budget général de la République.
La Direction générale des douanes et accises (DGDA) a, par exemple, déploré la défectuosité avancée des routes de l’Est du pays, ce qui entraîne la réduction du volume d’importation des marchandises.
Autres griefs, selon un rapport du Bureau d’expertises comptables et de commissariat aux comptes (BEC Sarl) sur « l’audit définitif de conformité des marchés publics » : l’Office des routes et l’OVD ont abusé du gré à gré. Les conditions essentielles pour obtenir un marché de gré à gré portent sur la détention d’un brevet d’invention, d’une licence ou d’un droit exclusif, les raisons techniques ou artistiques détenues par un seul prestataire, l’extrême urgence et le caractère spécial du marché.
Mais il semble que ces conditions ne sont pas toujours respectées. REGED, une mouvance de la société civile rd congolaise a qualifié de complaisant un rapport de la Banque Mondiale sur l’exécution des projets routiers en RDC.
Routes, la déroute des investissements publics
Dans son rapport sur le budget 2019, le REGED a déploré l’absence d’un document de stratégie sectorielle des ITPR en RDC. Par ailleurs, le budget 2019 des ITPR, 317.606.282.188 FC, soit 181.717.749,27 USD, est tributaire pour 52 % des ressources extérieures. Cela constitue, pour la société civile, un risque de non-exécution au cas où les partenaires ne libèrent pas les fonds prévus. Aussi faut-il renseigner que le taux d’exécution de la rubrique «Investissement sur Ressources Extérieures » est resté faible, soit 2,6 % en 2017. Dans la rubrique «Subvention aux Organismes Auxiliaires », force est de constater qu’une très faible allocation, de l’ordre de 1.497.725.889 FC, soit 0,3% du budget sectoriel, est accordée aux services techniques tels que le Bureau d’études d’aménagement urbain (BEAU), l’Office des Routes (OR), l’Office des Voiries et Drainage (OVD), le Bureau technique de contrôle (BTC) etc. Et contrairement au Cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) 2019- 2021, dans lequel le gouvernement prévoit la poursuite de la construction des logements sociaux, aucune ligne budgétaire n’est prévue en 2019 pour financer ces différents projets.
Le budget accordé aux ITPR, soit 402.045.884.276 FC, ne représente que 42 % des besoins réels sollicités par le ministère qui sont de l’ordre de 951.948.440.499 FC. Les crédits prévus au titre de « Construction des routes et pistes, aéroports, ports et rails », 475.000.000 FC, soit 245.000 USD sont nettement insuffisants selon la société civile. Qui note qu’aucune province n’est prise en compte dans la rubrique « Investissement sur Transfert aux Provinces et ETD», en dehors de celle du Haut-Katanga.
Pourtant, le gouvernement sortant avait annoncé la construction sinon la réhabilitation des routes d’intérêt général dans les villes de Matadi, Kindu, Bukavu, Mbandaka, Kikwit et Kalemie. Par ailleurs, l’OVD envisageait de réhabiliter 5 Km de voirie dans chaque province et 10 Km à Kinshasa. Toujours à Kinshasa, l’OVD comptait procéder au curage de 18 rivières. Ces travaux tels que planifiés devaient coûter 2 millions USD par Km, soit 270.000.000 USD.
Or, poursuit le rapport, en traduisant les crédits prévus dans la rubrique investissements sur transfert aux provinces (1 0 6.5 5 4. 0 5 6.2 8 8 F C), il se dégage un coût de 58.772.231,81 USD. Ce qui est quatre fois inférieur au coût prévu par l’OVD et ne permettra pas d’améliorer les voiries urbaines, qui pourtant font face à de nombreux problèmes d’inondations et de circulation.
En 2017, le taux d’exécution du budget des ITPR est resté très faible (5,4%), soit 79.544.718.057 FC contre une prévision de 1.480.362.390.125 FC. Alors que le document additif n°6 du Projet de loi de finances 2019 (Développement par titre de crédit de l’exercice 2018) reprend deux ponts à réhabiliter, notamment le pont Mbongo Nzaliboka et Iyanza Basimba au coût respectif de 350.000.000 FC chacun, tandis le document N° 5 du Projet de loi de finances (Analyse explicative d’analyse des prévisions des dépenses de l’exercice 2018) ne reprend qu’un seul pont, celui de Iyanza Basimba, au coût de 700.000.000 FC.
Cependant, pour la société civile, l’aspect construction, réhabilitation et rentabilisation des routes d’intérêt général montre un alignement du budget des ITPR aux ODD, précisément l’ODD9 au dernier point d’analyse ci-dessus qui vise « la mise en place d’ une infrastructure de qualité, fiable, durable et résiliente, y compris une infrastructure régionale et transfrontalière, pour favoriser le développement économique et le bien-être de l’être humain, en mettant l’accent sur un accès universel, à un coût abordable et dans des conditions d’équité ».
PLM