En RD Congo, il est difficile d’obtenir des chiffres officiels sur le marché d’importation d’autos. Même le gouvernement fait un «secret d’Etat » de ce qui n’a pas lieu d’être et constitue, par ricochet, l’un des postes de dépenses des plus budgétivores.
La Direction générale des douanes et accises, DGDA, publie les recettes qu’elle réalise sur l’importation des véhicules et non le nombre de ces véhicules. Pour l’exercice 2019, la douane rd congolaise compte réaliser au moins 20.175.463.218,11 FC soit 11.543.350 USD sur Les importations des véhicules neufs et d’occases.
La direction générale des impôts, DGI, qui délivre des plaques d’immatriculation reprend depuis quelques années le nombre de 500 véhicules seulement dans son répertoire. Les statistiques du fisc ont été rejetées par d’autres partenaires sociaux lors du séminaire d’orientation budgétaire prélude à l’élaboration du budget d’Etat exercice 2019. Mais aucune évolution perceptible n’a été remarquée côté recettes, comme en 2017 et 2018, la DGI escompte quelque 3 milliards de FC et des miettes de la vente des plaques.
Toutefois, il demeure que l’Etat, – particulièrement les ministères -, est le plus grand acheteur de véhicules terrestres…pimpant neufs. Elle s’est, cependant, atténué depuis le début de l’année 2019, cette tendance du gouvernement à acquérir des 4×4 pour diverses raisons.
La dernière commande officielle des véhicules a été effectuée par le ministre du Budget, Pierre Kangudia, courant décembre 2018. Huit véhicules 4×4 commandés à la société Central Motors pour 395.996, 5 USD, soit 645.711.078 FC. Et Pierre Kangudia de préciser que le marché a été conclu sur base « taux officiel de USD 1 = CDF 1630,60 ».
Et pourtant, ce n’est un secret pour personne, à fin décembre 2018, le taux de change était de 1620 FC le dollar et celui appliqué pour la paie de l’administration est resté cristallisé à 920 FC le dollar. Autre commande effectuée aux avant-veilles des élections, le 24 décembre 2018, porte plutôt sur des pneus. Le ministre de la Santé, Oly Ilunga en a commandé cinquante-six à CFAO Motors pour une valeur 17.605,08 USD. «Un marché qu’on aurait dû accorder à une PME congolaise », regrette José Ebondja, activiste de la société civile. Et foi de ce vendeur, Place Kimpwanza, le ministère de la Santé pouvait obtenir ce lot de pneus à un prix deux à trois fois moins élevés.
Il sied cependant de noter que l’Etat, en clair, les ministères, les régies financières et autres établissements publics juteux ont ralenti sinon cessé la course aux 4×4 ainsi qu’on peut le constater sur les registres du régulateur des marchés publics, ARMP, au second semestre 2018.
Tenez, le 20 juillet, la DGI reçoit de la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP), relevant du ministère du Budget, le quitus pour lancer des appels d’offres nationales restreints pour l’achat des véhicules et boucler le marché en 15 jours avec les sociétés Central Motors, Sokin et Zahira Sarl. Déjà, dix jours auparavant, Maguy Sambi Kikutwe, directrice générale de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), décidait d’attribuer un marché de 22 jeeps aux concessionnaires auto Central Motors et CFAO Motors. Dans la foulée, Patrice Kitebi Kibol M’vul, directeur général du Fonds de promotion de l’industrie (FPI), veut, lui aussi, acquérir, 6 véhicules dont 4 pick-up et 2 jeeps. Le 12 juillet, Thomas Luhaka Losenjola, ministre des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction, passe commande de 8 véhicules, dont 5 jeeps 4×4. Le 13 juillet, Justin Bitakwira Bihona-Hayi, le ministre du Développement rural, a écrit une lettre dans laquelle on peut lire : « le ministère du Développement rural a sollicité et obtenu du budget 2018 du Gouvernement central le fonds afin de financer certaines acquisitions. » Et parmi ces acquisitions, il s’agit de 2 jeeps 4×4 de 5 places et une autre jeep full options de 5 places. Le 18 juillet, José Makila Sumanda, alors Vice-1er Ministre, ministre des Transports et des Voies de communication, lance un appel d’offre pour l’achat des 30 véhicules pour le compte du Secrétariat général et des services provinciaux des Transports. Mais sur les 30 véhicules, il n’y a que deux minibus de 60 places et deux autres de 15 places. Tout le reste de la commande porte sur des véhicules 4×4. Le 27 juillet, Pierre Kangudia Mbayi, le ministre d’État, ministre du Budget, a acheté auprès du concessionnaire Central Motors 3 voitures pour 92.220 USD et 7 minibus pour 280.456 USD. Le 24 août, il a lancé un appel d’offre pour l’achat en lot unique de 8 véhicules 4×4 station wagon. Et dire que le 6 juin, Pierre Kangudia avait déjà conclu un marché de 12 véhicules 4×4 avec un autre concessionnaire, Congo Motors, pour un montant de 593.994 USD, au taux officiel de 1 dollar pour 1 651,14 FC. Alors que le gouvernement applique le taux de 1 dollar pour 920 FC pour la paie des salaires, des primes et des frais de mission, ainsi que pour le payement des fournisseurs locaux (dette intérieure). Le 8 août, Modeste Bahati Lukwebo, ministre d’État, ministre du Plan, a actionné un décaissement de 195.000 USD pour l’achat d’un lot de véhicules, les types et le nombre n’ont pas été révélés, auprès de la société Kinshasa Automobile SA.
Naturellement, la liste n’est pas exhaustive. Et Le Maximum ne fait nullement de procès d’intention à quiconque. Il relaie cependant un credo de la mouvance des organisations de la société civile: Autant l’Etat s’est montré intraitable et a récupéré manu militari des véhicules officiels à l’ex-président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, Roger Nsingi, autant il doit être regardant pour les membres du gouvernement et des institutions financières publiques.
POLD LEVI MAWEJA K.