En RD Congo, toute entente entre regroupements et plateformes politiques est acceptable pour les occidentaux et leurs relais locaux, sauf lorsqu’elle inclut le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila Kabange. La coalition en gestation après le premier passage de flambeau pacifique et civilisé au sommet de l’Etat concrétisé avec la prestation de serment du président Félix Tshisekedi Tshilombo le 24 janvier dernier semble donc sérieusement menacée. Elle est en effet la cible aussi bien d’opposants locaux que de chefs d’Etats de la région instrumentalisés par certains pays de l’Union Européenne, voire, les Etats-Unis d’Amérique.
Dans la foulée de ces coups de boutoir sous la forme de diverses pressions, notamment économiques (les sanctions ciblées, par exemple), c’est l’idée même qu’il faut se faire de la démocratie qui en prend un sérieux coup. Tout en reconnaissant le nouveau pouvoir rd congolais le 22 janvier dernier, le Département d’Etat américain invitait Félix Tshisekedi à mettre en place « … une large représentation des acteurs politiques congolais », entre autres. La recommandation américaine, assortie d’appel à vérifier les allégations de tricherie aux élections du 30 décembre 2018, furent perçus par certains en RD Congo comme une sorte « réductionnisme démocratique ». « La victoire de l’opposition tshisekediste à l’élection présidentielle est une victoire d’une large représentation de l’opinion dans notre pays. On comprend mal ce que les Américains entendent par cette notion. Voudraient-ils qu’il n’existe plus d’opposition dans notre pays après l’élection de Fatshi ? », s’interrogeait un étudiant en droit de l’université de Kinshasa à l’occasion de la prestation de serment du nouveau chef de l’Etat, le 24 janvier à Kinshasa.
Recommandations françaises
Plus près de nous, le 13 mars dernier à Nairobi au Kenya, c’était au tour d’Emmanuel Macron, le chef de l’Etat français, de conseiller fermement à son homologue rd congolais la constitution d’une équipe gouvernementale « … d’ouverture donnant de la place à l’opposition et aux camps de Martin Fayulu et Moïse Katumbi notamment » mais aussi de « prendre des distances de son prédécesseur Joseph Kabila (chef de la majorité parlementaire, ndlr) ».
Restait aux relais locaux de ces puissances occidentale et américaine de parachever l’ouvrage.
Dans une interview largement relayée dans les réseaux sociaux, c’est la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), qui donne de la voix sur le sujet. En séjour en France le 26 mars 2019, Mgr Fridolin Ambongo, l’archevêque de Kinshasa a déclaré au journal catholique La Croix qu’ «il ne faut pas qu’il (Félix Tshisekedi) se sépare de ceux avec qui il a toujours milité : Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba (cousin germain de Ambongo ndlr), et bien sûr, Martin Fayulu. Ils sont des opposants historiques et des personnages clé de la vie politique au Congo. S’il trouve les mécanismes pour les associer à son exercice du pouvoir, il gagnera en crédibilité ». En RD Congo, les princes de l’église catholique n’en sont pas à leur première altération de la réalité, et la sortie du successeur de l’irascible cardinal Laurent Monsengwo en est truffée : s’il est vrai que Félix Tshisekedi a milité avec Moïse Katumbi dans un passé récent, l’insinuation selon laquelle il l’aurait également fait avec Jean-Pierre Bemba, mobutiste devant l’Eternel jusqu’à la chute du régime dictatorial qui enserra le Congo-Zaïre dans ses griffes tentaculaires 32 ans durant, paraît très éloignée de la vérité. De même que s’agissant de Martin Fayulu, affirmer qu’il milita certes avec les Tshisekedi sans relever la félonie qui marqua sa désignation en qualité de candidat unique de l’opposition au détriment de Félix Tshisekedi en novembre 2018 à Genève en Suisse.
Les relais locaux
Un jour avant l’archevêque kinois, un autre relais des intérêts occidentaux en RDC (ils l’ont gratifié du prix Nobel de la paix 2018), le chirurgien Denis Mukwege, distillait la même recommandation de ses mentors en appelant Félix Tshisekedi à ne pas prêter allégeance au camp de l’ex président de la RD Congo, Joseph Kabila, sans lequel on ne voit pourtant pas comment le vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018 pourrait gouverner sereinement la RD Congo.
Manifestement, associer Katumbi, Bemba et autres Fayulu à l’exercice du pouvoir et en exclure Joseph Kabila revient à la même chose, à en juger par les déclarations de Mgr Fridolin Ambongo à La Croix. « Le peuple a longtemps attendu l’alternance politique et s’est battu pour cela. L’accord de la Saint-Sylvestre a été signé entre l’opposition et Joseph Kabila le 31 décembre 2016, sous l’égide de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Ce texte prévoyait la mise en place d’une transition politique jusqu’à la tenue des prochaines élections … » affirme le prélat, insinuant ainsi l’existence d’une unanimité populaire anti-Kabila qui reste à prouver après la victoire de la plateforme FCC de l’ancien président aux élections législatives nationales et provinciales. « Finalement, en décembre, le peuple a voté en faveur d’une rupture avec le régime Kabila. Hélas, le scrutin a été entaché par la tricherie … c’est Félix Tshisekedi qui a été déclaré officiellement vainqueur, car Kabila a œuvré en ce sens. L’issue finale de l’élection demeure une grande frustration pour le peuple », soutient encore l’évêque kinois, plus menteur qu’un arracheur de dents au regard des résultats de ces élections législatives.
Mgr Fridolin Ambongo, à la suite de Monsengwo
Comme son prédécesseur à la tête de l’archidiocèse de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, en Europe, Fridolin Ambongo est allé convaincre les occidentaux du fait que la vérité électorale en RD Congo doit être celle des princes de l’Eglise catholique. « Nous sommes convaincus que l’on ne peut fonder l’avenir d’une nation sur le mensonge. C’est d’ailleurs le message que je viens porter au département d’Etat à Washington, et que je vais répéter au Quai d’Orsay, où je dois être reçu cette semaine », a-t-il annoncé à La Croix.
Pour les occidentaux et leurs relais locaux, c’est tout sauf l’indocile Joseph Kabila dont le péché est d’avoir imposé contre vents et marrées le nouveau code minier qui augmente la part due à ce pauvre peuple congolais que des prélats stipendiés et leurs affidés font semblant de porter les intérêts. La guerre contre la coalition Fatshi-Kabila ne fait peut-être que commencer.
J.N.