En sept jours de campagne électorale, du 5 au 12 décembre 2018, Martin Fayulu Madidi, le « candidat unique » des invalidés de Genève sorti des manches de l’ancien chef de la Monusco Alan Doss et de sa fondation Koffi Anan en novembre dernier a provoqué plus d’incidents et de remous que n’importe lequel des 20 autres prétendants au remplacement de Joseph Kabila à la tête de la RD Congo. Face au restaurateur kinois, porté à bout de bras par Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito qui tablent avec acharnement pour l’instauration d’une période inconstitutionnelle de « transition sans Kabila » qui leur permettrait de mettre le grappin sur le plus grand réservoir mondial du cobalt, l’autre tandem d’opposants radicalisés réunis sous le label du CACH (Cap pour le Changement) apparaît comme composé d’enfants de chœur.
Chahutés par des hordes de voyous à la solde de la coalition Lamuka des candidats invalidés, à Kinshasa et à Goma, bousculés à Bunia en Ituri, Félix Tshilombo Tshisekedi et Vital Kamerhe Lwa Kaningini, pourtant membres aussi d’une aile de l’opposition radicalisée, ont failli se faire étriper vifs, mercredi 12 décembre à Beni au Nord-Kivu. Par des bandes de jeunes circonvenus par Lamuka dans cet ancien antre de rébellions (MLC, RCD, RCD-K-ML) particulièrement coutumières de l’art de faire passer de vie à trépas ceux de leurs semblables qui ne partagent pas leurs vues.
Pas intrépides pour un sou, « le ticket gagnant », ainsi que se surnomment cet autre « candidat unique » de l’opposition radicale et son directeur de campagne, a préféré battre en retraite pour la suite de son parcours de campagne dans le Grand Nord. Plus question de se rendre à Butembo (plus de 330.000 électeurs enrôlés), à une cinquantaine de kilomètres seulement de Beni : « Nos amis qui sont supposés être de l’opposition ont posté des maï-maï le long de la route pour abattre Félix Tshisekedi et moi puisqu’ils sont à la recherche d’un incident. Ils ne veulent pas qu’on arrive aux élections », s’est plaint à ce sujet Vital Kamerhe. « Si Tshisekedi et Kamerhe arrivent à mourir ici, les gens vont se soulever à Kinshasa, au Kasaï, dans le grand Kivu, et ça va être la fin de l’histoire », a ajouté l’autoproclamé futur premier ministre de l’héritier Etienne Tshisekedi au cas où…
« La fin de l’histoire » en cours, et le début d’une nouvelle « histoire », c’est le plan mis en œuvre par le candidat des invalidés, Martin Fayulu Madidi. De plus en plus d’observateurs parmi ceux qui en doutaient encore en sont dorénavant persuadés. Ce n’est pas un fait du hasard si l’itinéraire de campagne du candidat de Lamuka a pris son départ dans les régions toujours instables mais néanmoins extrêmement riches en minerais « à la mode » de l’Est rd congolais que sont Beni, Butembo et Bunia.
Rébellions et offensives terroristes étrangères et locales ainsi que forces d’auto-défense de type maï-maï qui y sévissent et s’y côtoient font de cette partie de la RD Congo un véritable chaudron qui n’attend que la mèche qui va déclencher l’éruption susceptible de contrarier ou interrompre le processus électoral en cours. A Beni, Fayulu a publiquement appelé les populations à « s’opposer à la présence des machines à voter le 23 décembre prochain ». Dans les minutes qui suivaient sa diatribe, des affiches électorales de ses adversaires étaient incendiés, et les premiers parmi ces adversaires qui ont mis les pieds à Beni ont failli se faire lyncher par des bandes de casseurs.
Incitations à l’insurrection populaire
Point de programme de gouvernance à l’intention des sympathisants de la coalition Lamuka qui ont pris part à ses meetings aussi bien à Bunia, à Isiro qu’à Kisangani. Martin Fayulu n’en a pas parlé, préférant semer haine et discorde dans ces régions si riches et si fertiles de l’Est rd congolais. Sauf à Bukavu, le chef-lieu de la province du Sud-Kivu, de moins en moins encline aux violences rebelles et maï-maï. Dans ce fief électoral de Kamehre et de nombreux autres poids lourds du FCC (Front Commun pour le Congo), la méga plateforme politique de Joseph Kabila, comme Modeste Bahati Lukwebo ou Néhémie Mwilanya, le « candidat unique » de Genève a reçu un accueil plutôt froid, au propre comme au figuré. Suffisamment pour que Fayulu dédaigne les quelques 2.554.513 électeurs enrôlés dans la province : le candidat de Lamuka a ainsi préféré abandonner à d’autres près de 2 millions d’électeurs dûment enrôlés au Sud-Kivu, dont ceux de Walungu, Uvira, Kalehe et Kabare, des agglomérations qui comptent plus de 300.000 électeurs chacune. Preuve, s’il en fallait, que le vote du 23 décembre 2018, ce n’est pas sa tasse de thé, comme on dit.
Lubumbashi après Beni : les foyers incandescents du pays
Le candidat de Genève mettra le cap sur Lubumbashi et le Grand Katanga, l’autre terreau d’une rébellion-sécession de couleur. L’ex province du Katanga, connue depuis des lustres pour l’extrême richesse de son sous-sol, fait l’objet de la convoitise des puissances économiques mondiales qui se livrent une guerre sans merci pour en prendre le contrôle, à défaut de contrôler la RD Congo elle-même. Moïse Katumbi Chapwe, son dernier gouverneur, s’est outrageusement enrichi en quelques années de règne sans partage (tout au moins avec ses présumés compatriotes), et ne rêve que de poursuivre l’exploitation de ces terres qui l’ont propulsé au sommet des fortunes mondiales.
Exclu de la prochaine présidentielle, le dernier gouverneur de l’ex Katanga a littéralement « miné » la région, y entretenant des milices, des rébellions en gestation et des hordes sauvages prêtes à en découdre avec quiconque ne pense pas comme lui, selon le gouvernement. « Dans certains quartiers reculés de Lubumbashi, quiconque arbore des insignes de la majorité présidentielle au pouvoir est aussitôt lynché par des voyous à la solde des hommes de Katumbi », rapportait, lundi dernier de Lubumbashi un témoin interrogé par Le Maximum au téléphone. Fort de la popularité du TP Mazembe dont il est le président et qui compte des millions de supporters dans l’ex Katanga, Katumbi est capable de mobiliser plus que quiconque ici.
En l’absence de l’ancien gouverneur qui se bat comme un diable dans un bénitier pour imposer une nouvelle période de transition politique en RD Congo, c’est son alter ego, Kyungu wa Kumwanza, qui s’occupe de maintenir les troupes au chaud. L’ancien président de l’assemblée provinciale du Katanga n’est un apprenti en la matière. L’homme est une inoubliable célébrité depuis qu’il avait réussi le pogrom des populations d’origine kasaienne du Katanga sous la dictature mobutiste. Des informations en provenance de la capitale du cuivre, où Kyungu a conservé de solides appuis populaires, assurent que les feux sont de nouveau attisés pour opposer katangais et kasaiens, encore une fois. Depuis notamment que Félix Tshilombo Tshisekedi (candidat président d’origine kasaienne) a décidé de faire cavalier seul dans la course à la présidentielle de décembre 2018, contre l’avis de Moïse Katumbi et de Lamuka qui plaident pour le boycott électoral.
Les germes du pogrom kasaien réactivés
C’est dans cette région, prête plus que toutes les autres pour une révolution de couleur, c’est-à-dire, des affrontements inter-ethniques commanditées par des puissances étrangères avides des richesses locales, que Fayulu a choisi de se rendre après avoir tenté de mettre le feu aux poudres au Nord-Kivu et évité une escale à Kindu, le fief de Joseph Kabila et du candidat FCC Emmanuel Ramazani Shadary, où un fiasco identique à celui de Bukavu l’attendait.
Pour l’arrivée du candidat Lamuka à Lubumbashi, mardi 11 décembre 2018, ses partisans assiègent plusieurs points névralgiques de la ville, rendant l’encadrement de la manifestation particulièrement laborieux pour les forces de police. A l’aéroport, ils sont plusieurs centaines qui affluent pour accueillir Martin Fayulu, mais on les retrouve également au centre-ville de Lubumbashi, à la Place de la Poste, sur boulevard M’Siri et au lieu prévu pour le meeting populaire, à la Cité des Jeunes. L’atmosphère est plutôt tendue et les militants Lamuka cassent tout sur leurs passages : affiches électorales, véhicules de privés et même de la police, édifices scolaires. La police décide de reprendre la situation en mains en dispersant tout ce beau monde à l’aide de gaz lacrymogènes et de jets d’eau chaude.
Accueilli à l’aéroport international de la Luano où le jet emmenant la délégation comprenant également Eve Bazaiba (MLC) et Adolphe Muzito, Martin Fayulu a juste le temps de se réjouir de fouler « les terres de Moïse Katumbi » qu’il est pris dans nuage de gaz lacrymogène. Dans le véhicule escorté par les forces de police qui l’emmène droit vers la résidence de Kyungu wa Kumwanza au quartier Hewa Bora plutôt que vers les points névralgiques de la ville envahis par ses partisans, Fayulu et sa suite se livrent à ce qui ressemble à une comédie. « La Garde Républicaine tire sur nous », s’écrie Eve Bazaïba, le secrétaire générale du MLC qui fait office de porte-parole du candidat Lamuka. Qui n’en demeure pas moins en vie et n’accuse aucune blessure. Bazaiba insiste, faisant appel à la communauté internationale et aux pères des indépendances africaines. Dans une vidéo manifestement filmée en selfie dans le véhicule qui emmène la délégation à la résidence de Gabriel Kyungu à Lubumbashi, on aperçoit Eve Bazaïba, la mine défaite ; mais aussi et surtout Martin Fayulu étendu et soutenu par Adolphe Muzito, qui fait le mort, sauf pour demander à ses amis d’appeler Leila Zerrougui, la représentante du secrétaire général des Nations-Unies en RD Congo. « Elle ne décroche pas », lui répond, la mine déçue, Adolphe Muzito. Tandis qu’on aperçoit en arrière-plan dans le même véhicule, Kyungu wa Kumwanza, le représentant Lamuka au Katanga qui rit sous cape, et Mme Fayulu, tout au fond, qui semble accaparée par le spectacle qui défile au dehors.
Lubumbashi au bord de l’insurrection
Les fumées causées par les grenades lacrymogènes tirées par la police et les incendies provoquées par les manifestants ne s’étaient pas encore estompées, mardi dernier, que les bilans des incidents affluaient sur internet dans certains médias dits mondiaux. Ils font état de morts, entre 2 et 5 selon des sources, ainsi que de nombreux blessés par balles. Qu’aucune source officielle ne confirme. « Il faut attendre les enquêtes avant de se prononcer », explique aux médias Lambert Mende Omalanga, le ministre porte-parole du gouvernement le 13 décembre 2018, 48 heures plus tard. Parce que dans cette région où des tentatives rebelles se sont déjà signalées à maintes reprises, il est franchement malaisé de déterminer l’origine des tirs à balles réelles, s’ils ont eu lieu. « Dans la confusion généralisée, n’importe qui peut avoir tiré sur les manifestants pour faire porter le chapeau aux forces de police. C’est pour cela que nous avons décidé de disperser tout le monde, c’est ce qui a limité les dégâts. Ça pouvait dégénérer dangereusement », expliquait en effet, mardi soir, une source sécuritaire à Lubumbashi, jointe au téléphone par les rédactions du Maximum.
Kalemie : parties prêtes à l’affrontement
On en était encore à ces conjectures confuses que Martin Fayulu s’envolait, en toute liberté, vers Kalemie le chef-lieu de la province du Tanganyika (1.174.710 électeurs enrôlés), qui est loin d’être un havre de paix depuis qu’y sévissent des milices pygmées qui affrontent des autochtones. Ici aussi, c’est un volcan social qui ne demande qu’à être rallumé. De passage dans l’agglomération où il a achevé ses études secondaires le 30 novembre 2018, Emmanuel Ramazani Shadary y a parlé développement et appelé les populations à voter pour lui et pour les candidats du FCC. Mais Kalemie, est aussi hanté par les Mwando, dont Moba (270.000 électeurs) le fief électoral quasi coutumier n’est pas bien loin. Christian Mwando, (après le père décédé il y a peu), un ancien argentier du gouvernement Moïse Katumbi, est le représentant Lamuka dans la région et cela suffit pour en faire un cocktail détonnant. Aussitôt le candidat FCC retourné à Kinshasa, fin novembre 2018, il a rappliqué à Kalemie réchauffer l’ardeur contestatrice : « les affiches électorales du FCC ont disparu des murs et autres endroits où elles étaient placardées », ont rapporté des sources locales.
A Kalemie, mercredi 12 décembre, les militants Lamuka avaient investi le boulevard Kisebwe pour accueillir Martin Fayulu, tandis qu’un autre groupe se rendait à l’aéroport local. Au même moment où « Les amis de Shadary », également très nombreux à Kalemie, organisaient une marche de soutien à ponctuer par un meeting en bonne et due forme à la tribune officielle locale. Ce qui devait arriver arriva : des affrontements entre les deux camps ont éclaté, qui auraient provoqué morts d’hommes selon des sources Lamuka qui font état de 5 décès par balles. Même si le « candidat unique » de Genève a bel et bien animé le meeting prévu au chef-lieu de la province du Tanganyika. Avant de se retrouver, quelques heures plus tard à Goma, de nouveau.
Le tour de Kinshasa et des provinces de l’Ouest
Martin Fayulu accuse le pouvoir d’avoir interdit l’atterrissage de son jet à Kolwezi, le chef-lieu de la province du Lualaba (plus ou moins 1 million d’électeurs). Une information qui ne s’est vérifiée ni à Lubumbashi, ni à Goma car selon ses propres aveux dans un posting sur son compte twitter, « je viens d’atterrir à Goma avec le président Kyungu, Adolphe Muzito, Eve Bazaiba, Vano Kiboko et les journalistes qui m’accompagnent. On nous a dérouté pendant que les congolais de Lualaba nous attendaient à Kolwezi ». Des observateurs locaux assurent plutôt qu’il en est de Kolwezi comme de Kindu au Maniema ou de Bukavu au Sud-Kivu : ce sont des fiefs entièrement acquis à Joseph Kabila et au candidat à son remplacement à la tête de la RD Congo, Emmanuel Ramazani Shadary. « Le Lualaba et Kolwezi, dirigés de main de maître par le gouverneur Richard Muyej Mangez, comptent parmi les citadelles imprenables de joséphites dans l’ex Katanga », assure au Maximum une source locale. Qui estime qu’encore une fois, le candidat Lamuka a préféré se rendre là où il n’y a pas d’incendie à réactiver.
Il reste au candidat des invalidés à la présidentielle de décembre 2018 un peu moins de 10 jours pour parachever la mise en œuvre de la déstabilisation du processus électoral en cours (l’expression est du ministre de l’information et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, interrogé par RFI jeudi 13 décembre 2018) dans la partie Ouest du pays, dans l’ex province de l’Equateur, dans l’ex province du Bandundu, au Kongo Central. Il paraît de moins en moins probable que le candidat Lamuka, qui a essaimé haine et violence partout où il a mis les pieds, se hasarde dans les provinces kasaiennes acquises au tandem Tshilombo Tshisekedi-Vital Kamerhe. Particulièrement depuis que deux des représentants katumbistes dans ces provinces ont appelé leurs militants à voter en faveur du candidat à la présidentielle du CACH.
En terrain préparé par Monsengwo
Kinshasa, c’est cette gigantesque mégapole (près de 12 millions d’habitants pour 4 millions d’enrôlés) qui n’est plus dépourvue de germe de révolution de couleur depuis que l’ancien archevêque du lieu, le cardinal Laurent Monsengwo, a pris les commandes d’une croisade pour l’accession au pouvoir d’un président de la République originaire de l’Ouest. Ce ne furent pas des processions d’enfants de chœur, les manifestations politiques parties de toutes les paroisses de l’immense capitale rd congolaise, organisées sous l’égide de l’église catholique romaine kinoise mi-2017. La dernière de ces marches, convoquée le 25 février 2018 pour « protester contre la dictature », s’est déroulée à Kinshasa et dans certaines agglomérations du pays plus de 4 mois après que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) eût publié le calendrier électoral complet réclamé à cor et à cri par l’opposition politique, dont l’église catholique romaine de la RD Congo. Elle occasionna la mort de 2 personnes et de 32 blessés, selon le bilan fièrement revendiqué par la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), l’assemblée des évêques.
Les tentatives insurrectionnelles organisées à l’instigation de l’ancien archevêque de Kinshasa se sont estompées depuis notamment que l’UDPS/T a révélé à l’opinion que c’est elle qui fournissait les hordes de casseurs affublés d’insignes catholiques, tournant le dos à l’activisme politique trop intéressée des monsenguistes. Demeure encore vivace dans la capitale et les agglomérations environnante, cette flamme tribalo-ethnique allumée par le prélat catholique et ses disciples, parmi lesquels … Martin Fayulu Madidi. Qui dispose face à face et prêts à en découdre, désormais, partisans d’un président de la République originaire des provinces bandundoises et ceux d’un président de la République issues de provinces centrales ou orientales du pays. L’itinéraire de campagne insurrectionnelle du candidat Lamuka devrait chuter par Kinshasa, où, comme par hasard, un entrepôt de la CENI contenant les machines à voter honnies par les coalisés hostiles aux élections, a pris feu dans la nuit de mercredi à jeudi 13 décembre 2018.
J.N.