Candidat président de la République pour un mandat de deux ans, Martin Fayulu peine à développer un réel programme de gouvernance. Cela s’est nettement ressenti à l’issue de son meeting populaire, le tout premier de sa campagne électorale lancée le 5 décembre à Beni dans la province du Nord-Kivu. La région est dévastée depuis le 1er août 2018 par une épidémie de fièvre épidémique à virus Ebola, la plus virulente qui ait jamais été enregistrée en RD Congo. Parce que dans la région de Beni-Butembo et en Ituri voisin, le nombre de décès dû à l’épidémie s’élève à 283 personnes mortes, selon les chiffres du ministère de la santé datés du 9 décembre 2018.
Face aux populations particulièrement éprouvées aussi bien par les exactions et les assassinats de civils perpétrés par les rebelles ougandais de l’ADF que par le virus d’Ebola, le candidat de la coalition Lamuka n’a pas trouvé mieux que d’occulter les réalités sur le terrain et de promettre une solution-miracle. Martin Fayulu a promis de « chasser Ebola » en faisant appel aux médecins internationaux « avec l’argent de l’Etat ». La promesse, aussi salutaire soit-elle, a plongé plus d’un observateur dans la perplexité, à Beni et ailleurs. Parce qu’ainsi, le candidat président s’inscrivait dans la suite logique mais néanmoins obscurantiste d’acteurs politiques de l’opposition locale qui ont politisé cette épidémie extrêmement meurtrière. Et l’ont aggravé en suscitant des réflexes de résistance et d’hostilité aux vaccins et aux soins médicaux appropriés disponibilisés par le gouvernement et ses partenaires de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dont le directeur général a séjourné plus d’une fois dans la région. A Beni et à Butembo, un élu local qui a rejoint le camp de la coalition Lamuka il y a quelques semaines, avait organisé une campagne d’exhortation des populations locales à s’opposer au vaccin contre le virus à fièvre hémorragique Ebola. Crispin Mbindule, un député, a expliqué aux populations que le vaccin était en réalité un poison destiné à exterminer les populations Nande qui peuplent la région pour les remplacer par d’autres, rwandophones. Le mensonge politique a pris au-delà des attentes. Les équipes de riposte de l’épidémie d’Ebola font face aussi bien au virus lui-même qu’à la résistance et à l’hostilité des populations réfractaires aux instructions sanitaires. A Beni et à Butembo, les équipes médicales subissent des agressions des populations convaincues qu’elles en veulent à leurs vies et à leurs terres ancestrales. Les dépouilles mortelles sont ravies aux équipes chargées des inhumations selon les normes d’hygiène requises, qu’il faut strictement observer pour éviter la propagation de l’épidémie. Conséquence, le nombre croissant des décès dûs à une épidémie pourtant enrayée au bout de quelques semaines dans la province de la Tshuapa où elle était également apparue quelques mois auparavant.
Promesses d’apprenti-sorcier
A Beni, Martin Fayulu a conforté la méfiance des populations vis-à-vis des solutions locales et qui se sont avérées efficaces partout où elles ont été appliquées. Pour des raisons de politique politicienne. Mais ce faisant, l’apprenti président de la République s’est rendu coupable d’une bourde monumentale et ridicule. Parce que, c’est de notoriété publique, les médecins RD Congolais comptent parmi les meilleurs spécialistes de la fièvre hémorragique à virus Ebola dans le monde. Et sont régulièrement sollicités et appelés en renfort un peu partout où l’épidémie se déclare. Comme en Afrique de l’Ouest, il y a quelques années. Les hommes en blouse blanche ont très moyennement apprécié les promesses inutilement extraverties du « candidat unique » de Lamuka à la présidentielle. Dimanche 9 décembre, un collectif de jeunes médecins l’a fait entendre sans ambages en criant tout haut son mécontentement. « Nous avons été, magistralement déçus et étonnés de la légèreté de pareille déclaration émise de la part d’un candidat président de la République d’un pays-Continent comme la République Démocratique du Congo, notre cher et beau pays. De ce fait, le candidat Fayulu a étalé sa méconnaissance de nos institutions et de nos personnes ressources que nous envie le monde entier en matière de lutte contre cette pandémie », lit-on dans le communiqué signé le Dr Hervé Mahunda Pindi, cité par nos confrères d’Actualités.cd. Qui rappelle au candidat de Genève l’existence du RD Congolais Jean-Jacques Muyembe Tamfum, «une sommité scientifique de notoriété internationale dans ce domaine », dont Martin Fayulu n’a manifestement jamais entendu parler. «Par conséquent, et sauf vulgaire démagogie de sa part, nous nous estimons vexés face à un tel dénigrement à l’encontre des médecins congolais et l’invitons dans un délai raisonnable à faire amende honorable», écrivent encore ces médecins.
Déménager le camp militaire Kokolo
Au cours de son premier meeting de campagne électorale, le 5 décembre 2018 à Beni, Martin Fayulu Madidi avait également promis aux populations locales de mettre un terme au terrorisme des rebelles ougandais de l’ADF qui sévissent dans la région depuis la IIème République mobutiste, mais dont les exactions contre les populations civiles ont dramatiquement augmenté ces dernières semaines. Le « candidat unique » de Lamuka a promis, purement et simplement, de déplacer le camp militaire Kokolo de Kinshasa «pour mettre un terme à l’insécurité à Beni et dans toute la province du Nord-Kivu », avait-il clamé tout haut. Inauguré en 1956 pendant la colonisation belge, l’ancien camp Léopold II, débaptisé Camp Lieutenant-Colonel Kokolo par le Maréchal Mobutu, héberge militaires, policiers, éléments du Service National et leurs dépendants pour une population estimée à 40.726 habitants qui vit à l’intérieur de 161 Ha.
J.N.