Au lieu de se focaliser sur la rétraction de Fatshi et de Kamerhe, on devrait se préoccuper du contenu de l’Accord par lequel des acteurs privés ont osé engager par écrit le Peuple Congolais et la Nation sous les auspices d’une fondation elle-même privée, et cela sur base d’un serment digne de «Prima Curia»…
En vérité, l’objectif de l’Accord de Genève n’est pas la tenue des élections le 23 décembre 2018. C’est l’entérinement de la non-tenue de ces échéances si la machine à voter et le fichier électoral actuel sont maintenus…
A en croire «Rfi» et «Jeune Afrique» dans leurs livraisons du 13 et du 14 novembre 2018, la Fondation Koffi Annan a décidé de publier la «Lettre d’Engagement» signée par chacun des sept signataires de l’Accord de Genève, en l’occurrence Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Adolphe Muzito, Vital Kamerhe, Félix Tshisekedi, Martin Fayulu, et Freddy Matungulu. Dans sa dépêche du 14 novembre 2018 intitulée «RDC : les engagements des signataires de l’accord de Genève rendus publics», Radio mondiale précise : «En RDC, suite au revirement de Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe qui ont retiré leur signature d’un accord de l’opposition moins de 24h après l’y avoir apposée. La fondation Kofi Annan, qui a assuré la médiation de ces négociations, a choisi de rendre public tous les engagements pris par les opposants à Genève, et notamment celui qui s’applique en cas de rupture du contrat conclu avec les six autres opposants». Et souligne : «Rendre public un engagement formel pris par les 7 signataires était l’un des garde-fous prévu en cas de rupture de l’accord de Genève. Il s’agit de trois paragraphes particulièrement solennels»…
Le texte intégral de cette lettre est : «Je, soussigné………., m’engage sur l’honneur à respecter scrupuleusement toutes les dispositions de l’Accord LAMUKA, y compris son préambule ainsi que tous les textes y afférents. Je m’engage en outre à ne pas trahir le peuple Congolais en violant les dispositions précitées. Si je ne respecte pas mes engagements, je mettrais fin à ma carrière politique et je serais soumis à l’opprobre de la Nation et à la sanction de mes pairs. Enfin, je prends la ferme résolution de rester fidèle au présent acte et à l’accord LAMUKA. Fait à Genève, le 11 Novembre 2018. (sgé). En présence de :…………….». Evidemment, les témoins ne sont pas identifiés.
Dans sa livraison de la veille intitulée «RDC : Tshisekedi et Kamerhe s’étaient engagés à arrêter la politique en cas de violation de l’accord», Jeune Afrique relève que «C’est au tour de la facilitation de contre-attaquer. Au lendemain du retrait de Félix Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et de Vital Kamerhe, chef de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de l’accord de coalition de Genève, la Fondation Kofi Annan a décidé ce mardi 13 novembre de publier tous les documents négociés et signés par les sept principaux leaders de l’opposition. ‘Dans l’intérêt de la transparence et après avoir informé les signataires nous publions les actes d’engagement’».
La Fondation a donc couvert la violation des libertés fondamentales. Et cela est gravissime.
Genève : retour aux affaires
Depuis le 12 novembre dernier, c’est l’emballement total les médias sur ce qui a tout d’un os jeté en pâture à une opinion assoiffée de sensationnel. Les réseaux sociaux explosent.
Pourtant, on devrait commencer par analyser le contenu de l’Accord. Prenons le cas de l’article 4 « Des engagements irrévocables du candidat commun ». D’emblée, le point 3 confirme la volonté des signataires de boycotter les élections. Son libellé est «Porter les revendications de l’Opposition contenues dans les déclarations de Kinshasa du 13 août 2018 et de Bruxelles du 12 septembre 2018 notamment, le rejet de la machine à voter, le nettoyage du fichier électoral, la sécurisation du processus électoral et la décrispation politique jusqu’aux élections de 23 Décembre 2018».
Pour rappel, la déclaration de Bruxelles comprend ces 9 revendications : «le rejet de la machine à voter imposé par la CENI en violation de la loi électorale ; le nettoyage du fichier électoral ; la mise en œuvre immédiate des mesures de décrispation politique conformément aux dispositions de l’Accord de la Saint Sylvestre (libération des prisonniers emblématiques traités dans le rapport sur la décrispation politique conduit par les évêques de la CNCO, réouverture des medias fermés, l’accès aux médias publics, liberté de manifestation…) ; la participation effective des candidats exclus ou invalidés pour des raisons politiques; l’accréditation et le déploiement des observateurs des instances internationales ; l’assistance de la communauté internationale Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine, SADC et la CIRGL sur le plan politique, financier et matériel pour organiser les élections inclusives dans la paix ; le déploiement d’une force régionale de la SADC pour sécuriser le processus électoral, les candidats et la population ; la participation effective de la MONUSCO au processus électoral pour le transport du matériel et la logistique ; enfin la restructuration et l’audit de la CENI conformément au prescrit de l’Accord de la Saint Sylvestre».
Aussi, l’une des missions confiées à Martin Fayulu est-elle d’obtenir, outre le rejet de la machine à voter et le (nouveau) « nettoyage » du fichier électoral mis en exergue, la revalidation des candidatures de Moïse Katumbi, de Jean-Pierre Bemba et d’Adolphe Muzito à la présidentielle en violation des arrêts de la Cour constitutionnelle.
Ce serait le comble que la Fondation Koffi Annan d’Alan Doss ne le sache pas.
Autre point intéressant du même chapitre : le huitième ainsi libellé : «Assurer une large participation de toutes les forces à la mise en œuvre du programme commun. A cet effet, il renonce ainsi que son parti ou regroupement politique à exercer les fonctions de Premier ministre, de Président de l’Assemblée nationale et de Président du Senat qui seront dévolus, avec son soutien actif, à d’autres composantes en tenant compte du poids politique dans les Institutions».
Genève – la Fondation Koffi Annan le sait également – n’aura été que le rendez-vous du «partage équitable et équilibré du pouvoir» entre les 7 Présidentiables qui se sont sélectionnés au détriment d’autres présidentiables disqualifiés unilatéralement. Seulement voilà : dans ce partage, on ne dit pas ce qui adviendra au cas où le Président de la République ELU dispose à l’Assemblée nationale, au travers de son parti, de la majorité parlementaire.
Au chapitre V «De l’exercice du pouvoir après les élections » l’article 9 énumère les Principes de base. Le point 3 dispose que «Les postes de Premier Ministre, Président de l’Assemblée nationale et Président du Sénat seront dévolus aux autres parties prenantes autre que celle du président selon les arrangements conclus entre les parties signataires».
L’insistance du partage du pouvoir traduit la volonté du retour aux affaires pour 6 des 7 Présidentiables : Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Vital Kamerhe, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu.
Lamuka : Genève elamwisi biso…
Dans l’interview exclusive accordée à nos confrères de «Top Congo Fm» le 12 novembre 2018, Adolphe Muzito a clairement déclaré que s’il est élu, Martin Fayulu «devrait organiser une transition de 2 ans, 2 ans et demie afin de retourner à la normalité constitutionnelle» au terme de laquelle «seraient organisées de nouvelles élections qui pourraient permettre à « l’ensemble de congolais, qui veulent bien s’exprimer dans des conditions normales, sans être objet d’exclusion d’un pouvoir quelconque», avant d’ajouter que «Martin Fayulu c’est notre chef de guerre contre la machine à voter, contre le fichier électoral corrompu», son objectif étant de «nous mobiliser tous afin qu’on ait de bonnes élections».
La première question – que la Fondation Koffi Annan se devait de se poser – est à savoir comment gagner des élections auxquelles on ne participe pas puisqu’on s’oppose aux deux outils essentiels à leur tenue, en l’occurrence la machine à voter et le fichier électoral actuel.
La deuxième question – que la Fondation ne pourrait éluder – est de savoir comment des acteurs politiques privés peuvent-ils réduire, d’eux-mêmes, de moitié la durée du mandat de 5 ans prévu dans la Constitution pour un Président de la République élu. L’acte est en soi une violation délibérée de la Loi fondamentale congolaise.
La troisième question – que la Fondation ne pourrait ignorer – est de savoir avec quelles ressources un pays post-électoral, qui financer sur fonds propres les élections actuelles, va-t-il organiser des élections anticipées, si ce n’est avec des ressources en provenance de l’étranger. De ce fait, la Fondation Koffi Annan doit dire aux Congolais en quoi le financement du processus électoral congolais par des Congolais gêne-t-il les sommités constituant ses membres !
Finalement, on est tenté de déduire du rendez-vous de Genève qu’il avait des objectifs éloignés des préoccupations électorales congolaises. Partant, les 5 Présidentiables restés en lice ont intérêt à commencer à réfléchir sérieusement à l’existence, plus qu’évidente, d’un schéma qui les utilise plutôt en pions qu’en joueurs.
Tout le reste, entendez les réactions bruyantes et bouillantes suscitées entretenues par des médias périphériques autour de la rétractation de Félix et de Vital, n’est que diversion pour sauver le «Kamikaze » Fayulu.
Avec Omer Nsongo die Lema