L’information est tombée, elle aussi, comme un couperet lundi 12 novembre 2018 dans la soirée. Les seuls candidats encore en lice à la présidentielle de décembre 2018, mais néanmoins neutralisés au terme du conclave des 7 leaders de l’opposition politique de Genève, sont promptement revenus sur leur engagement à soutenir Martin Fayulu. Ce n’est plus un secret : l’UNC Vital Kamerhe et l’UDPS/T Félix Tshilombo ont renoncé à renoncer à se présenter à la présidentielle du 23 décembre prochain, contrairement à leurs engagements de l’Hôtel Warwick de Genève, sous la férule du Britannique Alan Doss. Dimanche 11 novembre, un jour plus tôt, le conclave opposant de l’agglomération Suisse avait créé vives émotions et désolations parmi les sympathisants de l’opposition politique à Kinshasa et dans les provinces de la RD Congo. Du fait de la désignation de Martin Fayulu Madidi, le président d’un parti politique qui peine à s’imposer à Kinshasa, en qualité de candidat unique de l’opposition, pour faire face au candidat de la méga plateforme kabiliste, Emmanuel Ramazani Shadary.
Impossible à avaler : les bases ont vomi
La couleuvre de Genève fut de taille, assurément, et s’est logiquement avérée impossible à avaler pour qui que ce soit dans l’opinion en RD Congo. Aussitôt annoncée, la décision présentée comme le résultat d’un vote des leaders conviés à Genève à grands frais par la Fondation Kofi Annan, a été unanimement décriée, quasiment. Du G7 de Moïse Katumbi à l’UDPS/T de Félix Tshilombo en passant par l’UNC de Vital Kamerhe, tous ou presque ont crié à la défaite avant l’heure de l’opposition politique aux scrutins prévus au mois de décembre en RD Congo.
La grogne contre la désignation de l’Ecidé Martin Fayulu ne fut pas l’affaire des seuls cadres du parti. Lundi 12 novembre 2018 fut une journée particulièrement agitée aux sièges des principaux partis politiques de l’opposition dont les militants se sont sentis comme bernés par l’entente genevoise de la fin de la semaine dernière.
Sur Avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu, la police a dû s’interposer vigoureusement entre les militants de l’UNC kamerhiste et tous ceux qui en face, de l’autre côté de la rue, osaient afficher mine gaie. Particulièrement, les partisans clairsemés du MLC de Jean-Pierre Bemba, venus en renfort à ceux de Martin Fayulu, qui ont dû faire face à âpre contestation. Griffonnés à la hâte, au feutre ou à la braise, des inscriptions contestant carrément la candidature de Martin Fayulu étaient brandis aux yeux et aux nez de tous. Impossible d’y échapper. D’autant plus que quelques mètres plus loin, sur le terre-plein qui borde le siège du parti kamerhiste, flambaient des pneus brûlés en signe de protestation pour la circonstance.
Limete : le siège de l’UDPS/T flambé
A Limete, au siège du parti tshisekediste sur le petit boulevard à hauteur de la 10ème rue quartier résidentiel, l’atmosphère fut franchement un peu moins « bon enfant ». Ils n’ont pas pu fermer de l’œil, ces combattants accourus au siège du parti dès les petites heures du jour, malgré la pluie torride ici. Et ne semblaient pas prêts à s’en laisser conter. Un seul mot sur toutes les bouches : protester, contester contre la désignation du « poids mouche du bandundois », Martin Fayulu.
C’est sous cette pression que se tient, dans l’après-midi de ce lundi 12 novembre 2018, une réunion des principaux dirigeants du parti tshisekediste en l’absence de Félix Tshilombo Tshisekedi, le président récemment élu par un conclave organisé ici-même. L’orage plane, à l’évidence, dans l’air. Dimanche 11 novembre, Augustin Kabuya, tout à sa colère, avait déjà osé affirmé sur Top Congo FM que le chef était le « produit du congrès du parti ». Valait mieux y aller avec les pincettes, suivre la direction du vent, sans atermoiements.
Le verdict de la réunion « express » le fut aussi. « L’UDPS invite son président à « retirer » sa signature dans 47 heures, a dû clamer Jean-Marc Kabund, le secrétaire général du parti, pour calmer les esprits. «L’UDPS rejette avec force cette désignation. Notre machine politique a fait 40 ans de lutte. Beaucoup sont morts, nous ne pouvons pas accepter la blague de Genève. Nous donnons à notre président 48h de retirer sa signature. Qu’il rentre vite au pays pour sa campagne. Nous ne voulons pas de boycott. Nous irons aux élections avec ou sans machine a voter. Je ne fais pas la polémique. Je fais la politique. On ne peut ni vendre ni acheter l’Udps. Nous ne sommes pas la CENI ou la DGM pour empêcher le retour de quelqu’un ou son invalidation », a-t-il scandé en substance, sous un tonnerre de Hourrahs et de Vivas. Dans une interview à des confrères en ligne, Jean-Marc Kabund a persisté et signé : « Il a pris une décision politique à Genève. Cela n’a pas rencontré l’assentiment du parti. C’est normal en politique que cela arrive. Même à l’époque d’Etienne Tshisekedi, cela est revenu à plusieurs reprises. Le président Tshisekedi n’avait pas honte de revenir sur ses décisions pour rencontrer l’assentiment de la base », a-t-il appuyé. L’argument était de poids.
Ils rentrent dans les rangs
Dans une interview express à Top Congo FM, Félix Tshilombo Tshisekedi fait sensation en annonçant le retrait de la signature apposée, quelques heures plus tôt, sur la déclaration de Genève. Par « respect à la volonté de sa base », soutient-il. Pas nouveau. Quelques décennies plus tôt, le père, Etienne Tshisekedi, avait fait de même avec Mobutu Sese Seko. Apparemment, seuls Moïse Katumbi et Alan Doss, le Britannique appelé à la rescousse des radicaux, n’étaient pas au courant de ce réflexe opposant sous les tropiques africaines.
Quelques heures plus tard, ce même lundi 12 novembre 2018, l’UNC Vital Kamerhe s’engouffrait dans cette direction manifeste du vent, comme à ses habitudes. « La direction du parti m’enjoint de tempérer dans le sens de la demande de la base. Je ne voudrais pas ici commenter cette décision car elle est au-dessus de ma personne dans nos statuts. J’annonce donc que je retire ma signature pour respecter la volonté de ma base. Sans cette base, je vais m’autoflageller et moi-même m’auto exclure du parti », explique-t-il à la presse. Fin de l’épisode de Genève.
Un épisode bien ridicule, qui atteste, aux yeux de nombre d’observateurs, que contestations et revirements après votes ou autres engagements politiques avérés, sont comme inscrits dans les germes en RD Congo en particulier. A Genève, un vote manuel a décidé de la configuration politique au sommet de l’opposition. Il a été contesté et renié quelques heures après. Il eût été organisé avec une machine à voter qu’il aurait produit les mêmes effets contestataires. C’est dans les veines, pas dans une quelconque machine à imprimer les desiderata.
J.N.