La polémique qui entoure l’attribution du prix Nobel de la paix au Dr Denis Mukwege de l’Hôpital général de référence de Panzi au Sud Kivu est loin de s’arrêter. Et la politisation de l’œuvre humanitaire accomplie par le médecin rd congolais en liant l’affection dont souffre de nombreuses femmes en RD Congo aux seules violences sexuelles est battue en brèche par les réalités. Comme cette gigantesque campagne de traitement des fistules obstétricales soutenue par l’agence onusienne UNFPA, que le gouvernement compte étendre l’ensemble des provinces du pays, qui vise rien moins que 42.000 patientes. Rien qu’à Kinshasa la capitale où elle a été lancée vendredi 2 novembre 2018, la campagne de traitement des fistules obstétricales concerne 20 patientes prises en charge à l’hôpital Biamba Marie Mutombo de Masina.
On est loin des 6.123 (dont 138 pour la seule année 2018) cas des fistules revendiqués par le Dr Denis Mukwege pour qui « à ce siècle, on n’accepte plus d’avoir dans notre société des femmes qui sont en train de couler…l’heure est venue pour s’attaquer désormais à la racine profonde du mal ». Le mal, tous ses confrères ne s’en cachent plus, est loin d’être politique, parce que le viol n’est pas la cause principale de cette maladie caractérisée par l’incontinence chronique de la patiente. La fistule obstétricale est « une lésion qui survient à l’accouchement, généralement causée par un travail prolongé, parfois de plusieurs jours, sans intervention médicale appropriée », explique le Dr Sennen Houton de l’UNPFA. « La pression continue de la tête de l’enfant sur les tissus mous de la vessie ou du rectum de la mère abouti à la formation d’un trou, la fistule, qui fait que la mère n’est plus capable de contrôler l’accouchement de l’urine ou l’excrétion des matières fécales », ajoute-t-il. Indiquant que le meilleur remède contre l’affection consiste en la prévention, à la mise à disposition d’un personnel qualifié pour les accouchements et en la planification familiale. Pas en une candidature à la présidence de la République, nécessairement, ni en l’instauration d’une période de transition politique pour préparer les élections, comme le suggère le Nobel de la paix, Denis Mukwege, et ses partisans en Europe et en RD Congo.
Un autre médecin, le gynécologue-obstétricien Justin Paluku de l’hôpital Heal Africa de Goma (qui soigne les fistules uro-génitales depuis 2003), assure que les violences sexuelles ne sont que très rarement à la base de cette affection. « La principale cause de fistule en RDC a toujours été l’accouchement mal fait (fistule obstétricale). La seconde cause de fistule est une chirurgie mal conduite ou mal faite (fistule iatrogène). Le viol est retenu parmi d’autres causes, ensemble avec les cancers gynécologiques. Mais il est faux d’affirmer que le viol (soit) la cause principale de la fistule en RDC. En fait, l’acte sexuel en soi ne peut mener à une fistule que dans peu de cas, sinon vous vous imaginez bien que plusieurs femmes mariées en souffriraient. Par contre dans le cas où de très jeunes filles ou de petites fillettes sont mariées et tombent enceintes, il s’ensuit le plus souvent des déchirures du périnée, faisant ainsi communiquer le vagin et l’anus. Cela se voit également dans des circonstances où un corps étranger est introduit dans la partie intime d’une femme. Ces deux derniers cas, quoi que rares, existent malheureusement dans nos milieux et mènent aux fistules (fistule traumatique) », explique-t-il dans une interview publié par notre confrère Rodriguez Katsuva. Pour ce praticien aussi, la solution du problème des fistules réside dans la prévention, en investissant dans les projets de maternités à moindre risque (MMA), dans la sensibilisation des communautés sur les dangers des mariages précoces, la formation du personnel et dans le dépistage et la prise en charge précoce des cancers gynécologiques.
Pas besoin d’être président de la République, chef de l’opposition ou commandant en chef de l’armée et de la police, pour cela.
J.N.