Jeudi 25 octobre 2018 dans la journée, les services du gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta Yango, discutaient encore avec les organisateurs de la marche prévue pour vendredi 26 octobre dans la capitale. Une frange de l’opposition politique emmenée essentiellement par des candidats invalidés de la présidentielle de décembre 2018 (Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito), auxquels se sont joints sans grande conviction l’UNC de Vital Kamerhe et l’un ou l’autre petit candidat président de la République. Mais tout indiquait, jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, que sans les béquilles de l’UDPS, dont le parti a déclaré ne pas en être, que le trio des invalidés aurait bien du mal à organiser quoi que ce soit de significatif dans les artères de la capitale.
Mercredi, devant les sièges des partis politiques de l’opposition sur avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu, des activistes imposaient, plus qu’ils ne proposaient, aux passants des tracts appelant à manifester vendredi dans la journée. « En restant à la maison », criait un surexcité devant le siège du MLC de Jean-Pierre Bemba. Une contradiction manifeste, parce qu’« on ne reste pas à la maison pour marcher ! », commentait ironiquement ce taximan de passage par là.
Marche ou perturbation de l’ordre public ?
En fait de marche de protestation, c’est une tentative manifeste de perturbation de l’ordre public que préparaient, selon toute vraisemblance, les déçus des scrutins de décembre prochain. Parce qu’au moment de la distribution de ces tracts destinés plus à terroriser et répandre la peur sur la capitale, les organisateurs de la manifestation n’en avaient pas encore discuté les contours (parcours, points de chute, encadrement de la police, etc.) avec les autorités.
La marche des invalidés semblait donc minée de l’intérieur par d’énormes contradictions internes, quoique prétende Katumbi, un de ses principaux instigateurs. Sur les réseaux sociaux, le dernier gouverneur du Katanga a lancé un appel vidéo exhortant les kinois à montrer « … à la face du monde que nous voulons une vraie élection et non cette parodie ! Marchons massivement pour dire NON à la machine à voter et Non au fichier corrompu ! ». Mais cette fois, le bluff a du mal à tenir sur pied, et encore moins, à « marcher ». Pour la bonne et simple raison que dans ces scrutins prévus pour le 23 décembre prochain, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.
Si Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito ont été proprement retoqués par la CENI et la Cour constitutionnelle, de nombreux autres candidats à la présidentielle, et non des moindres peuvent, et sont prêts à concourir. On les voit mal s’engager dans une randonnée de casse sur Kinshasa, qui ne pourra que compliquer leurs propres manifestations pacifiques dans la capitale. L’Italo-Zambien quia arnaqué les katangais pendant plus de dix ans sait qu’il n’a plus rien à perdre veut entraîner le plus de monde possible dans sa déchéance irréversible, et cela ne prend plus.
35.000 candidatures aux législatives sacrifiées pour quelques candidats président
Même si personne ne le crie tout haut, à Kinshasa et ailleurs en RD Congo, tout transpire la campagne électorale près d’un mois avant le lancement officiel de cette étape cruciale vers les élections. Pour la bonne et simple raison que le 23 décembre 2018 se tiendront en même temps que l’élection présidentielle les législatives nationales et provinciales. Les candidats retoqués et invalidés à la prochaine présidentielle bluffent maladroitement en tentant de dissimuler le fait que 15.355 candidats attendent impatiemment d’être élus au terme des élections législatives nationales, comme 19.640 autres aux provinciales. « On ne voit pas au nom de quel principe plus de 40.000 candidats accepteront de gaieté de cœur d’être sacrifiés sur l’autel des déceptions de trois candidats inéligibles à la présidentielle », expliquait laborieusement un candidat kinois à ses sympathisants dans l’euphorie de la qualification de l’AS V.club de Kinshasa à la finale de la coupe d’Afrique, mercredi dans la soirée.
Bluff maladroit également que cette unité de façade de l’opposition, affichée par les organisateurs de la marche prévue vendredi 26 octobre à Kinshasa, « alors que tout le monde sait et voit que l’air est à la guerre sans merci entre les opposants », se plaint ce combattant de l’UDPS/Limete, qui ne décolère pas des attaques à répétition que son mentor, Félix Tshilombo essuie quotidiennement de la part de ses prétendus « amis » de l’opposition. « Nous savons qui a financé Boketshu en Belgique pour qu’il se répande en insultes contre Tshilombo Tshisekedi, juste quand notre président a décidé d’aller à la conquête du pouvoir par les élections », assure-t-il, faisant clairement allusion à Moïse Katumbi. « Ses millions de dollars le démangent au point qu’il achète des colonnes dans la presse étrangère pour dénoncer un pseudo complot post-électoral entre Félix et Kabila » ajoute-t-il. « Ça aussi, nous savons d’où ça vient », éructe-t-il, furieux mais déterminé. Détermination largement partagée à l’UDPS, dont chacun sait à Kinshasa qu’il fournit le gros des troupes de manifestants. Le parti tshisekediste n’a montré aucun empressement à battre le pavé ce vendredi. Les invalidés ne semblent guère disposés à esquisser un pas dans les hordes contestataires.
J.N.