Les deux affaires étaient sur toutes les bouches à Kinshasa, mardi 16 et mercredi 17 octobre 2018. L’unique candidate à la présidentielle 2018, Marie-Josée Ifoku, a été interdite de se rendre à Brazzaville mardi dernier, et son assistant, emmené dans une voiture noire vers une destination inconnue. La candidate a, naturellement, fustigé ces abus attribués aux services de Direction Générale des Migrations au Beach Ngobila à Kinshasa, qui selon elle, visaient à l’intimider.
« On m’a empêché de sortir. On m’a demandé une autorisation de sortie. J’étais à Brazzaville juste avant de poser ma candidature. On ne m’a jamais demandé un document quelconque. Dans les discussions, ils m’ont retourné mon passeport, mais pas le laissez-passer. Ils m’ont demandé de venir avec une autorisation », a-t-elle déclaré à la presse. « Le conseiller qui était là avant que je n’arrive essayait de démontrer que je n’avais pas besoin d’une autorisation de sortie. Il y avait une discussion entre lui et la Direction Générale des Migrations. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas une réponse claire. Le DG de la DGM m’a dit hier soir qu’il (le conseiller) avait un dossier au parquet. Au moment où je vous parle, on m’a dit qu’il est dans un cachot à la DGM », a-t-elle rapporté au sujet de son collaborateur.
Marie-Josée Ifoku fait partie d’un groupe de 7 candidats à la présidentielle signataires, le 2 septembre 2018, d’une déclaration exigeant l’impression sans tarder de bulletins de vote papier pour les élections du 23 décembre prochain et la convocation d’une commission technique pour vérifier le processus d’impression de ces bulletins. Dans la foulée, le groupe des 7 protestait « contre la prise en otage de la RTNC par le pouvoir en place » ainsi que « l’utilisation des biens et personnel publics à des fins électorales pour le compte d’un seul regroupement politique ».
Faits d’armes politiques : la contestation
Et alors qu’elle avait pris part à la première réunion du cadre de concertations CENI-Candidats président, mercredi 10 octobre, Marie-Josée Ifoku séché la deuxième réunion consacrée à l’examen technique de la machine à voter récusée par un groupe de candidats à la présidentielle. Sur les ondes d’une radio captée à Kinshasa, la candidate a expliqué qu’elle avait jugé inutile de se rendre à la CENI parce que l’administration électorale ne comprenait pas qu’elle ne pouvait pas imposer la machine à voter.
C’est quasiment tout ce que l’opinion rd congolaise connaît des faits d’armes politiques de cette candidate originaire de la Tshuapa, une province créditée de 1,95 % en terme de poids électoral avec quelques 800.000 électeurs en tout et pour tout. Les observateurs se demandent donc si l’ancienne vice-gouverneure de la petite province issue du démembrement de l’Equateur ne joue pas des pieds et des mains pour s’offrir de la publicité à peu de frais et mieux se faire connaître de l’opinion avant les élections. Marie-Josée Ifoku-Mpoku n’a, en effet, jamais réussi à se faire élire à un quelconque scrutin en RD Congo et ne représente a priori aucun danger pour quiconque, à l’opposition politique comme dans le camp présidentiel.
Comme nombre d’acteurs politiques qui flirtent avec la crédulité des croyants chrétiens en RD Congo, l’unique candidate à la présidentielle 2018 est évangélisatrice à ses heures perdues. A la présidentielle 2018, Marie-Josée Ifoku s’est inscrite sur les listes de l’Alliance des Elites pour Un Nouveau Congo (AENC), un parti enregistré au nom de Jean-Claude Tshilumbayi Musau, dont le siège est sis sur avenue Mukamayile, au quartier Ndanu, dans la commune de Limete. Ce n’est déjà pas le meilleur emplacement pour un parti politique qui ambitionne de se faire connaître du plus grand nombre des Rd Congolais. Encore que, notent les observateurs, de Madame Ifoku, l’opinion n’a entendu parler qu’en 2006, à l’occasion des élections des gouverneurs de certaines provinces de la RD Congo, particulièrement celles issues des démembrements. La candidate à la présidentielle fait alors partie de la liste MP (Majorité Présidentielle) pour la province de l’Equateur, en compagnie Cyprien Lomboto Lombonge, un député élu de Bokungu-Ikela. Le 26 mars 2016, le ticket Lomboto-Ifoku remporte haut la main le scrutin des gouverneurs avec 94 % des votes exprimés, mais le tandem ne roule pas ensemble bien longtemps. Quelques mois plus tard, le gouverneur titulaire de la Tshuapa, Cyprien Lomboto, fait les frais d’une fronde parlementaire et est proprement évincé, cédant la direction de la jeune province à son adjointe. Marie-Josée Ifotu gère l’entité d’une main de fer, se lance dans une véritable chasse à l’homme contre tout ce qui ressemble à son ancien co-listier, qui l’accuse entre autre de harcèlement sexuel. Puis plus rien depuis de nombreuses années. « Même à Boende, le chef-lieu de la province, elle n’est pas assurée d’arracher un siège de député », assure au Maximum un cadre de l’administration locale. Mais cela n’empêche pas l’éphémère gouverneure de la Tshuapa de dénoncer des pressions pour appuyer la candidature d’Emmanuel Shadary, le candidat du Front Commun pour le Congo (FCC), la plateforme de Joseph Kabila. « Depuis que j’ai déposé ma candidature, je suis menacée. Chaque semaine, il y a une personne qui passe pour me demander d’appuyer la candidature d’Emmanuel Shadary. J’ai dit : Je ne le ferai pas. J’irai jusqu’au bout », déclare-t-elle à la presse. Mais peu dans l’opinion croient aux déclarations de Mme Ifoku : « c’est un appel du pied. C’est elle qui tente d’attirer l’attention sur sa candidature pour d’éventuelles négociations. Ça s’est déjà vu en RD Congo », explique ce militant du PPRD, le parti politique du candidat Ramazani Shadary.
Théodore Ngoy, le pasteur à frasques
Le pasteur Théodore Ngoy, un autre « petit candidat » à la prochaine présidentielle, semble lui aussi tenté de se refaire une popularité à coups de polémiques politiciennes. Cet avocat plutôt excentrique est assez connu de l’opinion en RD Congo. Pour ses frasques et sa propension à la provocation. A la première réunion du cadre de concertation CENI-candidats président, Théodore Ngoy s’était déjà illustré en s’attaquant ouvertement au candidat FCC Ramazani Shadary, au motif qu’il bénéficiait d’une impressionnante garde policière et d’un cortège motorisé pour ses déplacements. Et en s’opposant aux discussions techniques sur la machine à voter, qu’il récuse au motif que son utilisation serait illégale.
Mardi 16 octobre, le pasteur candidat à la présidentielle est revenu à la charge contre le candidat du FCC. « Il a les policiers et les véhicules de l’armée qui ont barré la route. J’étais obligé de descendre et de leur dire que c’était la route de l’Etat. Je leur ai dit : celui que vous gardez est un candidat comme moi. Un policier a brandi son arme et dit qu’il pouvait tirer sur moi », a-t-il déclaré à nos confrères d’Actualités.cd. « J’ai exigé qu’ils lèvent la barrière. J’ai crié et finalement ils ont enlevé la barrière. Je dénonce ce fait. Normalement, on devrait sécuriser tous les candidats de la même manière. Maintenant, on protège un seul candidat et on lui permet de nous barrer la route. C’est très grave. C’est inacceptable », a fulminé Théodore Ngoy qui, comme par hasard, réside sur la même avenue que le candidat du FCC à la prochaine présidentielle.
Seulement, un jour plus tôt, lundi 15 octobre 2018, le porte-parole de la police annonçait la mise à la disposition de chacun des 21 candidats retenus pour la présidentielle de décembre prochain d’une garde de 25 policiers, conformément à la loi. « Le candidat Ramazani Shadary dispose d’une garde en sa qualité d’ancien vice-premier ministre chargé de l’Intérieur, selon les usages qui consistent à protéger les personnalités qui ont assumé de hautes charges étatiques dans un passé récent », a expliqué le Colonel Pierrot Mwanamputu sur Top Congo FM. Comme Marie-Josée Ifoku, il n’est pas exclu que le pasteur Théodore Ngoy tente de se refaire quelque popularité en provoquant des incidents politiques.
Candidat président en 2006
En fait, c’est depuis les scrutins électoraux de 2006 que cet homme de Dieu atypique tente sa chance à la présidentielle. 12 ans après, ses ambitions politiques ne semblent pas lui avoir laissé du répit. Juriste, politologue, Théodore Ngoy est connu pour diriger l’église de la Gombe lorsqu’il se présente à la présidentielle de 2006, comme par défi, après des déboires avec les services de sécurité pour des sermons jihadistes à la fin des années ’90.
Le bouillant pasteur de l’église de la Gombe, président national d’un parti politique, Congo pour la Justice (C. Just), se fait néanmoins élire député provincial au Katanga en 2006 avant de s’exiler en Europe, en proie à des nouveaux déboires politiques.
L’homme n’en est pas à son premier coup d’essai et est donc passablement connu de l’opinion. Il estime, lui aussi, que ses compatriotes qui prient pour l’avènement d’un homme de Dieu à la tête du pays trouveront en sa modeste personne celui dont ils rêvent.
Théodore Ngoy a, néanmoins, défrayé la chronique par un scandale conjugal en octobre 2018. L’homme de Dieu avait répudié Exaucée Wanga, une fidèle de son église qu’il avait prise pour épouse, au motif qu’elle lui avait menti sur sa virginité. L’affaire instruite au tribunal de paix de Kinshasa/Gombe avait fait grand bruit et fut loin de redorer l’image d’un homme qui aimait à se présenter comme un éternel persécuté. Pour obtenir le divorce, le pasteur Théodore avait contraint sous menace son épouse à écrire et signer une lettre intitulée « condamnation d’inceste et de viol avec mon frère », selon les avocats de la famille Wanga. Dans un pays comme la RD Congo, qui compte plus d’électrices que d’électeurs, l’opinion ne donne pas chère la candidature à la présidentielle du pasteur-macho.
J.N.