La deuxième réunion du cadre de concertation entre la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et les candidats à l’élection présidentielle de décembre 2018, tenue mercredi 10 octobre 2018 à Kinshasa, n’a pas tenu toutes ses promesses. Selon une dépêche de la centrale électorale parvenue au Maximum, les participants présents ont unanimement convenu du fait que la date du 23 décembre 2018 comme jour des scrutins combinés reste irrévocable, malgré toutes les discussions et divergences de vue.
Mercredi, dans la salle Abbé Apollinaire Malumalu de la CENI, Corneille Nangaa a informé les protagonistes à la prochaine présidentielle de l’accélération du rythme de livraison des matériels électoraux qui sont réceptionnés tous les deux jours jusqu’au 13 novembre 2018. La centrale électorale compte ainsi présenter dans les jours à venir le parc automobile déjà disponible avant le déploiement des véhicules dans les provinces. L’objectif de l’administration électorale consistant en la réalisation, en même temps que cette réception des matériels électoraux, du déploiement de la quincaillerie électorale et de la formation des agents électoraux afin que tout soit fin prêt pour le début du mois de décembre 2018.
Divergences juridiques montées de toutes pièces
En dehors de ces questions strictement techniques, des divergences ont persisté entre la CENI et une partie de ses interlocuteurs, mercredi 10 octobre à Kinshasa. Certains ont tenté d’entraîner la commission dans les échanges autour des méandres judiciaires qui débordent des prérogatives de l’administration électorale. Les discussions ont essentiellement tourné autour de l’utilisation de la machine à voter (une technologie d’impression du vote de l’électeur en réduisant le volume excessif et difficilement maniable des bulletins de vote) ainsi que de la présence de 16,6 % d’électeurs sans empreintes digitales sur les listes électorales.
Voulue strictement technique par la CENI qui avait invité les candidats à la prochaine présidentielle de se faire accompagner de leurs experts techniques aux fins d’examiner leurs griefs contre ladite machine, la rencontre de mercredi s’est longuement attardée sur les problèmes juridiques voire pré-juridictionnels relatifs à l’utilisation de la machine à voter et la radiation d’électeurs sans empreintes digitales lisibles.
Une entente concertée pour bloquer
C’était prévisible. Au cours d’une intervention sur une radio captée à Kinshasa, mardi 9 octobre 2018, Martin Fayulu Madidi, le candidat Dynamique de l’Opposition (DO) à la prochaine présidentielle annonçait déjà les couleurs en déclarant que « nous devons, nous, au niveau des candidats et la CENI, nous fixer sur ces deux questions. On ne peut pas aller commencer à discuter des questions techniques. Non, non. On ne va pas nous avoir. On ne peut pas nous piéger dans ce sens. M. Nangaa a parlé de cadre technique. Nous lui avons posé des questions pré-juridictionnelles. C’est comment extirper les 10 millions des fictifs. Comment mettre de côté la machine à voter et suivre la loi. Il faut qu’on respecte la loi ». Le volubile candidat Ecidé faisait état d’une position commune adoptée par quelques candidats au terme d’une réunion tenue à Kinshasa quelques heures plus tôt. Sans guère préciser de quelle loi il s’agit, ni qui a la charge de la faire respecter.
Usurpation des compétences
En réalité, à la réunion de concertation du 10 octobre 2018 à Kinshasa, un groupe de candidats à la présidentielle s’est manifestement substitué à la Cour Constitutionnelle, la seule instance judiciaire habilitée en RD Congo à interpréter et apprécier la conformité des lois par rapport à la Constitution. Sans grand succès, puisqu’il n’a manifestement pas réussi à convaincre ni le bureau de la CENI ni un autre groupe de candidats qui n’a pas adhéré à ses conclusions pour le moins illégales. « Aucun candidat n’a pu relever et démontrer au travers des différentes dispositions légales, les mesures d’application et les différentes décisions de la CENI, de la possibilité de rayer de la liste provisoire des électeurs n’ayant pas d’empreintes digitales lisibles », rapporte une source proche du bureau de la CENI. Qui révèle par ailleurs que parmi les personnes dépourvues d’empreintes digitales, se trouvent des candidats à divers niveaux dont personne n’a été en mesure de proposer ce qu’il fallait en faire. A cet égard, les revendications relatives à la radiation d’électeurs sans empreintes digitales des listes électorales heurtent de front les décisions de la Cour constitutionnelle relatives à la publication des listes définitives des électeurs eux-mêmes candidats formellement validés par la haute cour dont on sait que les décisions sont irrévocables et opposables à tous. Y compris à la brochette des 21 candidats présents à la réunion de la salle Apollinaire Malumalu mercredi dernier. Ceux qui ont tenté de jouer aux juristes et déblatérer sur l’exclusion les 16,6 % d’enrôlés sans empreintes sans avancer le moindre soubassement juridique plutôt que de discuter des griefs techniques contre la machine à voter prenaient ainsi les allures d’apprentis-sorciers.
Rien à dire sur les questions techniques
Il fallait bien mettre un terme à ces échanges pour ne pas se quitter en queue de poisson, et Corneille Nangaa l’a fait, en invitant ceux des candidats qui ne souhaitaient pas aborder les problèmes techniques de s’en aller. Ce fut fait. Par Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Kin Kiey Mulumba et Théodore Ngoy, qui ont quitté la salle. Porte-parole circonstanciel de ce groupe de candidats président « juridistes », Théodore Ngoy s’en est plaint sur les ondes de la radio Top Congo FM, mercredi 10 octobre 2018. « Curieusement, à la fin, le président (…) nous dit « ceux qui ne veulent pas qu’on ait des discussions techniques peuvent partir. Ceux qui veulent qu’on expérimente la machine à voter restent ». « Voilà comment sont traités les candidats président », a ajouté Ngoy, qui semblent apparemment persuadé que les candidats président sont des quasi-présidents de la République…
Un autre groupe de candidats à la présidentielle accompagnés de leurs experts sont restés dans la salle suivre les explications techniques, engager un débat pointu et expérimenter la machine à voter, sortant ainsi des considérations strictement idéologico-politiciennes qui ne peuvent que fâcher. Notamment, Gabriel Mokia, Daniel Shekomba, Yves Mpunga, Ramazani Shadary, Seth Kikuni … Ce jeune candidat à la présidentielle demeurant ainsi conséquent avec lui-même. Dans une interview à Jeune-Afrique parue quelques jours plus tôt, il affirmait « … reconnaître que la machine à voter divise. Mais moi, j’ai testé cet ordinateur : cela m’a pris à peu près une minute pour voter. Ce n’est qu’une imprimante. Il nous suffit d’exiger à la CENI de ne prendre en considération que les résultats issus des urnes. La machine à voter ne peut ainsi tricher, elle peut plutôt nous permettre de gagner du temps ». Et il est resté dans la salle suivre les explications des techniciens de la centrale électorale.
Jusqu’au moment où Le Maximum mettait sous presse, jeudi 11 octobre après-midi, leurs observations critiques sur l’ingénierie Sud-Coréenne d’inspiration rd congolaise pour imprimer les choix des électeurs n’étaient pas encore connues.
J.N.