Dans la région de Beni-Butembo où l’épidémie à fièvre hémorragique Ebola a été déclarée le 1er août 2018, les bonnes nouvelles sur la propagation de la maladie le disputent aux mauvaises nouvelles. Si on doit à l’efficacité des équipes médicales dépêchées dans la région par le ministère de la Santé avec l’appui de l’OMS l’identification avec célérité de quelque 157 cas de fièvre dont 126 confirmés et 31 probables, force est de constater que 71 décès ont été enregistrés dans la région, contre 45 guérisons, Dieu merci ! Selon le rapport de la direction générale de lutte contre la terrible épidémie datée du 29 septembre 2018, 26 de malades suspects sont en cours d’investigation, alors qu’aucun décès n’avait été enregistré depuis quelques jours.
Mais la riposte à l’épidémie souffre de résistances propres à des atavismes culturels locaux, portés sur la superstition, autant qu’à l’intoxication politicienne et mercantiliste de quelques criminels. Ebola a réussi à transpercer les limites de la localité de Mangina, l’épicentre de la maladie, autant que du territoire de Beni dont relève la localité située à une trentaine de km de Beni-Ville. Malgré les mesures édictées par les autorités sanitaires nationales relatives à la surveillance épidémiologie, qui consistent notamment en la stricte surveillance des points d’entrée et de sortie vers d’autres provinces et vers les pays voisins, en la prévention des infections dans les lieux publics (marchés, parkings, lieux de culte, écoles), sans compter la vaccination et la prise en charge psychologique et sociale des malades et de leurs proches.
Le rapport de la direction de surveillance de l’épidémie à fièvre hémorragique Ebola fait état de 12.614 personnes vaccinées à Mabalako, Mandina, Butembo, Masereka, Tchomia, Bunia, Komanda, et Oicha. Mais aussi, de deux nouveaux cas confirmés, 1 à Beni et 1 autre à Butembo, à plus ou moins 80 km de l’épicentre de la maladie.
A Butembo, une victime identifiée
Dans la capitale économique du Grand Nord Kivu, la première victime signalée de la fièvre hémorragique est une dame qui a accusé les symptômes de la maladie depuis le 20 août 2018 mais a été empêchée de se rendre auprès des équipes soignantes déployées dans la ville. Pour des raisons politiciennes. Les membres de sa famille sont notoirement des chauds partisans d’un élu local de l’UNC de Vital Kamerhe, le député Crispin Mbindule Mitono, qui professe dans la région depuis début août une théorie selon laquelle le virus Ebola a été transportée (par le régime au pouvoir naturellement) de l’ex province de l’Equateur vers la province du Nord-Kivu pour « exterminer les populations Nande ». Mais aussi, que le vaccin contre la fièvre hémorragique à virus Ebola administrés aux populations « est en réalité un poison exterminateur ». En conséquence, les partisans de ce député national se sont opposés au transfert de la patiente au centre local de traitement d’Ebola. « La famille refusait de voir les équipes de la riposte en l’absence des membres du ‘Parlement Debout’, un groupe de pression du quartier Furu à Butembo, qui est à la solde de Crispin Mbindule », peut-on lire sur le rapport épidémiologique du 29 septembre 2018.
Mais la fièvre hémorragique à virus Ebola est loin d’être le mythe politicien qu’y voit Mbindule. La santé de la malade de Butembo présentant des signes alarmants d’aggravation, le groupe de pression de Mbindule s’est résolu de faire appel aux équipes de la riposte, qui ont confirmé la maladie après des examens appropriés. Il faut en tirer les conséquences : à Butembo, Ebola s’est incrusté, particulièrement parmi les membres du groupe de pression Mbindule à Furu. « Tous les membres de la famille de la patiente, les membres du groupe de pression et le député lui-même ont été enregistrés comme contacts à risque », selon le rapport. Risque de maladie et de propagation de la maladie, faut—il souligner.
Mbindule, le député UNC par qui le malheur arrive
A Butembo, les populations doivent la propagation d’Ebola à ce politicien retors décidé à en découdre à n’importe quel prix avec ses adversaires, y compris en exposant ses propres électeurs à une mort certaine. Des sources locales rapportent que pour soustraire la malade aux soins médicaux appropriés, le député Crispin Mbindule l’avait même éloignée des regards en l’emmenant vers une autre résidence à bord de son propre véhicule. Le ministère de la santé, à travers ses équipes chargées de la riposte contre la fièvre hémorragique à virus Ebola au Nord-Kivu, a ainsi listé le député Kamheriste lui-même parmi les « contacts à risque ». Comme toutes les personnes de cette catégorie, susceptibles de porter la maladie et de la transmettre à leurs contacts. Depuis lors, l’homme est strictement en quarantaine, interdit de quitter Butembo avant 21 jours. Le temps de s’assurer qu’il ne développe pas la fièvre à virus Ebola.
Même si cette fois-ci Crispin Mbindule est allé trop loin dans ses calomnies contre les adversaires de son parti politique et l’autorité publique, l’homme n’en est pas pour autant à son premier coup d’essai. « C’est le prototype d’opposant politique dans la région, si non à travers toute la RD Congo », fait observer un enseignant de l’Université du Graben de Butembo. D’où l’élu UNC est diplômé. Mbindule, c’est cet activiste des droits de l’homme, comme il y en pousse comme des champignons dans cette partie du pays, qui dénonce constamment les exactions prétendument commises par les forces loyalistes dans le Butembo rural dans les années ‘2007. Des anicroches avec les autorités locales lui ont assuré une certaine notoriété. Suffisamment pour que vers les années ‘2010, Mbindule récupère des mouvements de jeunes baptisés « Parlement debout » de sa commune, Furu, les transformant en base électorale et quasi-milices à sa solde personnelle.
Un passé révélateur
Quelques mois avant les législatives 2011, l’agitateur que l’UNC de Kamerhe a recruté avait fait courir des rumeurs de tentatives d’assassinat contre sa personne. Des suspects sont avaient alors été interpellés… par ses « parlementaires débout de Furu », qui les soumettront à jugement avant de les céder, de mauvaise grâce, entre les mains des autorités policières. « L’hypothèse que la police et l’armée déployées dans la région ne sont qu’une police et une armée d’occupation et non de protection des civils se vérifie chaque jour. C’est incroyable que la CENI et la communauté internationale (notamment la Monusco) pensent qu’une police d’occupation peut protéger les élections du 28 novembre prochain », se défendaient à l’époque les partisans de Mbindule. Qui, du reste, se fera brillamment élire député quelques mois plus tard.
C’est dans la même foulée anti-gouvernementale que l’UNC son parti a soutenu une campagne réclamant la démission de toutes les autorités politico-administratives de Butembo en septembre 2017. Au motif qu’elles « n’auraient pas réussi à sécuriser la ville ». Comme si l’absence de toute autorité publique aurait eu la vertu magique de sécuriser davantage l’agglomération encerclée par des groupes terroristes ADF.
L’élu local UNC profitait d’une série de manifestations de la société civile pour brandir ses revendications. Le 11 septembre 2017, des étudiants d’une université locale avaient bruyamment manifesté contre l’insécurité à Butembo. Un jour plus tard, la société civile locale décrétait une « journée sans véhicules » en guise de protestation contre… l’insécurité. Cerise sur le gâteau : l’UNC déposait le même jour une pétition exigeant la démission de toutes les autorités urbaines, notamment, celle du Maire de Butembo. Et, faisant d’une pierre deux coups, Mbindule accusait les forces de l’ordre d’avoir « usé d’armes à feu et de balles réelles pour disperser les manifestants ». Ici, il suffit de peu pour s’assurer un succès électoral. Pas la peine de creuser les méninges avec un projet de société.
Il suffit de se proclamer opposé invariablement et systématiquement à l’autorité établie. Parfois à n’importe quel prix, hélas !
J.N.