Le chairman du TPM préfère les joueurs étrangers aux nationaux. Ça paie mal, chiffres à l’appui.
Samedi 22 septembre dans son antre de Kamalondo à Lubumbashi, le TP Mazembe, l’équipe la plus capée de la RD Congo a été, plutôt prématurément et malencontreusement, éliminée par une modeste formation angolaise de Primeiro do Agosto. Le sort de la formation la plus riche du pays (elle possède un stade en propre et un avion, entre autres) avait été scellé une semaine plus tôt, en réalité, lorsque les corbeaux de Lubumbashi concédaient un nul vierge de 0-0 au match-aller livré le 15 septembre 2018 à Luanda. Au match retour vendredi dernier, un nul avec buts suffisait pour éliminer les poulains de l’entraîneur Pamphile Mihayo, et il a eu lieu. Au but réussi par les locaux grâce à une réalisation de Jackson Muleka, les visiteurs ont répliqué par un coup franc magistralement exécuté par Kipe Mongo Lompala Bokamba. C’est un joueur rd congolais, comme l’indiquent ses noms authentiques. Exit la formation vice-championne de la Ligue Nationale de Football (Linafoot) 2018 dans la compétition la plus prestigieuse du continent, la Ligue des Champions de la Confédération Africaine de Football (CAF) : en quart de finale.
Le Primeiro do Agosto, le tombeur d’une des plus grandes formations du continent, plusieurs fois sacrée championne d’Afrique (détentrice de la dernière coupe de la CAF), ne payait pourtant pas de mine. Créée en 1977, la formation angolaise n’a jamais effectué que 11 sorties en Ligue des Champions de la CAF, 5 autres en Coupe d’Afrique des clubs champions, et 3 en coupe de la Confédération Africaine. Sans faire mieux qu’une élimination en 1/8ème de finale de la Coupe de la Ligue en 2009 ; une autre en quart de finale de la coupe de la CAF en 2009. En 1998, le Primeiro do Agosto avait atteint la finale de l’ex coupe de la Confédération Africaine. Point à la ligne.
Vendredi dernier à Lubumbashi, mais sans doute également sur toute l’étendue du territoire rd congolais, la consternation et la stupéfaction des amoureux du ballon rond ont été totales. Pourtant, en y réfléchissant bien, on pouvait s’y attendre : depuis quelques 8 années, la politique de recrutement pratiquée par l’actuel président du TP Mazembe, également prétendant aux fonctions de président de la République en RD Congo, l’Italo-Zambien Moïse Katumbi Chapwe, est contraire aux intérêts du sport national.
La meilleure formation sportive du pays travestie
Propulsé par des réseaux mafieux à la tête de la meilleure formation footballistique du pays, comme à la tête de la riche province minière katangaise, Moïse Katumbi a tout politisé. Extrêmement. L’homme avait cru pouvoir servir utilement ses ambitions politiques démesurées tout en jonglant avec les lois et règlements régissant les activités auxquelles il s’adonnait au Congo-Kinshasa grâce à un système de pourrissement badigeonné de billets de dollars américains. Le 15 septembre 2018 au stade du 11 novembre de Luanda, le chairman du TP Mazembe en personne avait « encouragé » ses athlètes avant la partie qui n’avait pu se solder que par un nul vierge fatal. Mais cela n’avait pas empêché des acteurs politiques d’obédience katumbiste de se livrer à une récupération politique de l’événement, attestant en cela même de leur ignorance des principes qui gouvernent le management d’une équipe de ce niveau. « A Luanda, la présence de @Moïse_katumbi a galvanisé les énergies du @TPMazembe qui arrache une promesse de qualification pour le match retour à L’Shi ! », postait Olivier Kamitatu Etsu, l’ancien président du parlement congolais devenu le porte-parole de Katumbi. On sait ce qu’il en a été. La promesse de qualification s’est transformée en une piteuse sortie de piste traumatisante du club noir et blanc qui avait pourtant aligné pendant de nombreuses années des performances admirables. Les corbeaux avaient même pris part à la finale de la coupe du monde des clubs champions en 2010.
Mais force est de constater que depuis le début de la décennie, le TPM a fait de la figuration, certes, au sommet du football continental, mais de la figuration tout de même. Une figuration dramatiquement ternie par une sorte d’émasculation du football national dont les corbeaux sont le fleuron : sur les terrains du continent, le TP Mazembe est davantage une formation africaine qu’une équipe rd congolaise de Lubumbashi dans l’ex Katanga.
Les locaux, meilleurs que la légion étrangère de Katumbi
Pourtant, ses lauriers, c’est avec des athlètes du cru que le TP Englebert Mazembe de Lubumbashi les arrachait. Lorsque la formation se fait connaître sur l’échiquier continental vers la fin de la décennie ’60 et au début des années ’70, les Kazadi, Kalambay, Kapata, Saidi, Kalala, Tshinabu, Kalonzo et autres qui constituent son ossature sont des nationaux. De même que lorsque l’équipe lushoise renoue avec les sommets continentaux au début des années 1980 (championne d’Afrique des clubs champions), les Masengo, Tshamala, et autres Lukoji n’ont rien d’étrangers.
L’extraordinaire épopée footballistique qui mène le TP Mazembe à la finale de la coupe du monde des clubs champions à Abou Dhabi en 2009 (6ème place) et en 2010 (2ème), c’est à d’extraordinaires footballeurs nés et formés sur le tas dans les rues du pays que les rd congolais la doivent. Avant de courber l’échine en finale contre l’impressionnante formation italienne de l’Inter Milan emmenée par Samuel Etoo le Camerounais, le monde avait découvert les Robert Kidiaba Muteba, Mbedi Mbenza, Alain Kaluyitukadioko, Patou Kabangu Mulota, Joël Kimwaki Mpela, Kasusula Djuma, Pamphile Mihayo, Kasongo Ngandu … L’ossature mazembienne fut largement rd congolaise. Pour la dernière fois, hélas. Parce que depuis 2010, la politique de recrutement mise en place par Moïse Katumbi se caractérise par un dédain pour les talents locaux. Même si au chapitre des résultats, les athlètes étrangers préférés aux rd congolais et recrutés à grand renfort de billets verts acquis en RD Congo n’ont jamais atteint, ni dépassé, les performances de 2010.
Lorsque le TP Mazembe arrache sa 4ème couronne continentale en coupe de la Ligue des Champions de la CAF le 7 novembre 2009 au stade de la Kenya à Lubumbashi face aux Nigérians de Heartland FC, les corbeaux ne comptent que 7 joueurs étrangers dans leurs rangs sur un effectif de 29 athlètes : Laurent N’Gome, Hichani Himonde, Emmanuel Mbola, Stopila Sunzu, Etienne Djissikandie, Narcisse Ekanga et Given Singuluma. Le gros des troupes qui gagnent en expérience au contact des terrains du continent avant de s’imposer est rd congolais. Ce sont : Aimé Bakula, Robert Kidiaba, Kasusula Kilicho, Joël Kimwaki, Bawaka Mabele, Nkulukuta Miala, Mukinayi Tshiani, Kanyimbo Tshizeu, Bedi Mbenza, Kayembe Lufuluabo, Pamphile Mihayo Kazembe, Patou Kabangu, Alain Kaluyitukadioko, Déo Kanda, Kasongo Ngandu, Trésor Mputu, Mvete Luyeye.
Au plan national, la RD Congo en tire le plus grand profit en remportant le Championnat d’Afrique des Nation organisé par la Côte d’Ivoire en 2009, avec une ossature du TP Mazembe renforcée par quelques joueurs de l’AS V.club et du Daring Club Motema Pembe de Kinshasa, sous la direction de l’entraîneur Santos Muntubile.
Un recrutement de sape de l’identité nationale du TPM
A la fin de son premier mandat de gouverneur de l’ex Katanga, le patron du TP Mazembe sort progressivement ses griffes et se révèle, à petits pas, tel qu’en lui-même. Il renforce l’ossature des corbeaux de Lubumbashi avec la bagatelle de 10 athlètes étrangers (Kalililo Kakonje, Léopold Banyack, Sita Lebrun Milandu, Emmanuel Mbila, Mthulisi Maphosa, Daniel Zokoto, Christopher Semakweli, Darryl Nyandolo, Marcellin Tamoulas et Rainford Kalaba). Contre seulement 5 footballeurs rd congolais (Ngoy Mbomboko, Janvier Besala, Hervé Ndonda, Lusadisu Basisilua et Eric Bokanga). C’est le point de départ d’une extraordinaire et méprisante politique de recrutement basée on ne sait trop pourquoi sur le principe de la préférence étrangère au détriment des talents locaux. Et des règlements footballistiques en vigueur. Mais Katumbi « arrose » à tout vent tout ce qui bouge parmi les officiels du football congolais et africain et, dans l’euphorie des succès apparents du TPM, personne n’ose dénoncer ou sanctionner la pernicieuse déviation qui révèle les tréfonds d’un acteur politique peu préoccupé par l’intérêt supérieur du pays auquel il prétend appartenir, autant que le peu d’égards qu’il affiche envers tout ce qui ressemble à une limitation légale.
Dès 2011, les corbeaux, pourtant vice-champions du monde l’année précédente, compteront 17 joueurs étrangers sur un effectif de 29 athlètes. Dans cette véritable saga sans foi ni loi, l’équipe n’a plus de la RD Congo que le nom. Kalilo Kakonje, Léopold Banyack, Stopira Sunzu, Hichani Himonde, Sita Lebrun Milandu, Emmanuel Bolu, Mthulini Maphosa, Daniel Zokota, Sébastien Mwanssa, Christopher Semakweli, Darryl Nyandero, Narcisse Ekanga, Given Singuluma, Alain Djissikadie, Marcellin Tamboulas, Rainford Kalaba et Cheibane noient littéralement des locaux contraints à des exploits surhumains pour fouler la pelouse en matchs officiels.
Au cours de la saison suivante, le TP Mazembe compte 11 joueurs étrangers dans ses rangs, avant de voir le gouverneur du Katanga engager 18 joueurs étrangers en 2012-2013, puis, carrément, 22 étrangers sur 29 joueurs en 2013-2014. La saison suivante, qui voit la RD Congo disputer la finale du Championnat d’Afrique des Nations au Rwanda voisin, Mazembe est incontestablement la meilleure formation du pays. Les corbeaux sont en effet vainqueurs de la super coupe de la CAF et de la Coupe de la Confédération Africaine de Football. Mais aussi, au pays, champions de la RD Congo et vainqueurs de la super coupe du Congo. Mais la formation lushoise compte 17 joueurs étrangers qui accaparent les temps de jeu. On doit au sélectionneur de l’équipe nationale de football, les Léopards, la récupération de réservistes de Mazembe qui ont contribué au succès des fauves rd congolais à Kigali. Dont du reste, Moïse Katumbi s’empressera de se débarrasser. En concurrence (déloyale) avec Sylvain Gbohuo, Salif Coulabally, Richard Boateng, Yaw Frimpong, Kabaso Chongo, Nathan Sinkala, Boubacar Diarra, Christian Kouamé Koffi, Given Singuluma, Daniel Adjei, Gladson Awako, Rainford Kalaba, Adama Traoré, Solomon Asante, Bwana Samatta, Roger Assale, Thomas Ulimwengu, les Joël Kimwaki Mpela, Kasusula Kilitcho, Mwepu Patient, Merveille Bope, Meschack Elia et Jonathan Bolingi ne font vraiment pas le poids. Mais au CHAN rwandais, l’entraîneur Florent Ibenge dépoussière les classements des corbeaux pour en extirper Kimwaki, Bope, Meschack Elia et Jonathan Bolingi. Seulement 4 joueurs locaux, alors qu’en principe l’ossature de la sélection nationale des joueurs évoluant sur le continent africain aurait dû être essentiellement constituée d’athlètes de l’équipe la plus titrée du pays de la saison, le TP Mazembe.
Mazembe, la chute enclenchée dès 2011
On ne peut pas non plus oser soutenir que la préférence accordée par Moïse Katumbi aux athlètes étrangers ait profité au TP Mazembe. Pas autant que la politique appliquée par les corbeaux en 2009-2010, lorsque la formation rd congolaise s’est disputée les lauriers avec les plus grands de la planète.
En 2011, le TP Mazembe est éliminé en ¼ de finale de la Ligue des Champions Africains et doit se contenter de la coupe de la CAF et de sa super coupe. En 2012, les corbeaux sont éliminés en ½ finale de la coupe de Ligue des Champions de la CAF. En 2013, la formation cornaquée par Moïse Katumbi rate le trophée de la Coupe de la CAF. L’année suivante, en 2014, les corbeaux sont stoppés en ½ finale de la Coupe de la Ligue de la CAF.
Il faut attendre 5 ans de politique de recrutement totalement extravertie d’athlètes pour voir le TP Mazembe remporter le trophée mis en jeu à la Ligue des Champions de la CAF et retourner au mondial des clubs champions. Mais pour se contenter de la 6ème place, c’est-à-dire la dernière parmi les finalistes, comme en 2009. En 2016, les corbeaux ne font pas mieux en se contentant du trophée de la CAF et de sa super coupe. Tout comme la saison dernière, en 2017.
Outre que la méprisante politique de recrutement de Moïse Katumbi ne profite ni au TP Mazembe ni, encore moins, à la RD Congo, elle est aussi illégale. Contre l’AS VClub de Kinshasa en championnat de la Linafoot, le TP Mazembe s’est déjà permis d’aligner 9 étrangers sur 11 joueurs. Cela ne s’est jamais vu nulle part au monde. Un règlement FIFA (Fédération Internationale de Football Associations) dite de la règle de 6 sur 5, limite le quota de joueurs étrangers à aligner à 5 dans une équipe qui débute une rencontre. L’objectif de la règle étant de restaurer l’identité nationale des clubs, de garantir l’équilibre des compétitions et leur attractivité pour le public. Elle est en vigueur depuis les 28 et 29 mai 2008, date de son adoption par le Congrès de la FIFA à Sydney en Australie. C’est dans le souci de préserver l’identité nationale des clubs de football, et sans doute aussi l’intérêt national que nombre de pays du continent européen obligent leurs clubs à atteindre un nombre minimum de 8 joueurs formés localement dans leurs ossatures sur un effectif de 25 joueurs.
Mépris des intérêts du pays et des règlements sportifs en vigueur
Mais de ces considérations réglementaires, en politique comme dans les affaires et dans le sport, le prétendant à la présidentielle en RD Congo n’a que faire, manifestement. Contre la formation angolaise du Primeiro do Agosto, vendredi 21 septembre à Lubumbashi, les corbeaux qui comptent au moins 10 joueurs étrangers dans leur effectif de la saison en ont aligné 5 (Gbohouo, Kabaso Chongo, Nathan Sinkala, Christian Koffi Kouamé et Rainford Kalaba), sans parvenir à conjurer leur sort.
En face, les Angolais ont largement profité des talents de leurs joueurs rd congolais pour emporter la timbale : Mongo (buteur), Bobo Ungenda (arrière central) et Bakulu Bitumba ont largement contribué à la qualification des rouge et noir de Luanda au prochain tour de la compétition. Ce sont des athlètes qui auraient pu être exploités au profit du pays si des mécènes comme Katumbi n’avaient pas les regards exclusivement braqués au-delà des frontières nationales. C’est de la haute trahison en matière sportive. De la part d’un candidat-garant de la Nation, ça pose plus que problème.
Décidément, Moïse Katumbi est un délinquant retors, aussi bien en matière sportive qu’en matière politique.
J.N.