Les contentieux des candidatures à la présidentielle ouverts du 31 août au 4 septembre 2018 n’ont pas fait que des mécontents dans l’opinion qui a suivi les débats à la Cour constitutionnelle en RD Congo. Dans l’ensemble, les échanges et les prestations des protagonistes, avocats des candidats recalés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), experts de la CENI, Officiers du ministère publics, juges de la haute cour, furent instructifs et révélateurs. De l’envergure réelle de ces hommes et femmes (même s’il n’y en eue qu’une seule, convaincue de la communauté de destins entres les desseins divins et sa politique), notamment. Nombre de dossiers de candidatures à la présidentielle rejetées ne valaient vraiment pas la peine d’être soumis au vote des rd congolais, estime-t-on à Kinshasa où des mythes sont tombés. Y compris le mythe sans cesse ressassé de l’inclusivité des élections : le législateur a prévu des conditions d’exclusion, de certaines candidatures notamment, et ce à bon droit.
Innocent Mavungu, Mutalama Kayeye : rien à redire
C’est ainsi que peu de gens trouvent à redire à l’invalidation des dossiers de candidatures d’un certain Innocent Mavungu, inconnu de l’opinion publique devant l’Eternel qui, de surcroît, avait introduit sa candidature au-delà du délai légal prévu. En introduisant une requête en validation de candidature (en quelque sorte, parce que le prétendant n’avait pas introduit de candidature et ne figurait pas sur les listes provisoires des candidats à la présidentielle), cet acteur politique qui ambitionne pourtant de gouverneur les rd congolais donne l’impression d’avoir voulu entraîner la haute cour dans un énorme conflit de compétence. La cour constitutionnelle ne pouvait accéder à la demande d’Innocent Mavungu sans bousculer le calendrier électoral publié par la CENI depuis le 5 novembre 2018. Et ainsi fouler au pied le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs, la CENI étant une institution d’appui à la démocratie qui est une émanation de l’Assemblée Nationale.
L’autre candidat recalé, qui a fait une grosse et impressionnante impression sur l’opinion vendredi 31 août 2018, c’est le sieur Mutalama Kayeye. Lui aussi comptait sur la haute cour pour se voir autorisé à déposer sa candidature hors-délai. Notamment parce que le montant de la caution, qu’il attendait de « partenaires à l’étranger » non autrement identifiés, lui parviendrait incessamment. L’instruction du dossier du candidat Mutalama, qui s’est présenté comme un juriste et avait empli son CV de titres de travaux de fin d’études en droit (l’opinion doit au juge de la chambre II de la cour constitutionnelle d’avoir eu la décence de ne pas révéler l’université qui avait formé l’impétrant !) a pu paraître risible. En réponse au juge qui lui demandait le dernier mot, sieur Mutalama a très simplement répondu qu’il s’en remettait à l’avis de l’officier du ministère public. Qui est, comme beaucoup le savent, une partie au procès ! Ce n’était pas suffisant pour prétendre gérer les 80 millions d’âmes de la RD Congo, tout de même.
Ces candidats plus ou moins mal connus de l’opinion ne furent pas les seuls à se révéler sous un jour peu favorable à la cour constitutionnelle. Même s’il a eu gain de cause grâce aux arcanes du droit et de la loi dont au moins un principe veut « que l’on ne récupère que ce que l’on a perdu », ainsi que la cour constitutionnelle avait argumenté pour repêcher Samy Badibanga de la noyade qui le guettait, l’ancien 1er ministre n’a pas vraiment réussi à dissimuler des « acrobaties » autour de sa nationalité. Qui ont trahi quelque légèreté dans le chef du candidat président de la République.
Le PALU, sous son plus mauvais jour
Le tout grand et immense Parti Lumumbiste Unifié, du nom moins immense Patriarche Antoine Gizenga, ne s’est pas présenté sous son meilleur jour aux débats sur les contentieux des candidatures à la présidentielle. En raison de cette quasi double candidature Muzito-Gizenga qui a emmené devant la barre et l’opinion les convulsions suicidaires internes du parti. Mais aussi et surtout à cause de cette sorte d’aventurisme et de légèreté qui ont entouré la confection du dossier de candidature de Antoine Gizenga. Comment un parti politique dont les dirigeants ambitionnent de gouverner le pays peut s’exposer à des fautes de remplissage de formulaires de son candidat président de la République, s’interrogent, estomaqués, de plus en plus de gens dans l’opinion publique. Adolphe Muzito et Antoine Gizenga invalidés, ce sont bien 200.000 UDS de caution qui ont été jetés à l’eau, alors qu’ils pouvaient servir dans bien de projets sociaux dans l’arrière-kwilu, du côté de Gungu et d’Idiofa, par exemple.
En cette matière de sommes faramineuses « jetés », selon l’opinion, un candidat recalé à la présidentielle sort du lot, c’est Jean-Paul Moka. Le Révérend vante de nombreux titres décrochés dans de prestigieuses universités en Europe et aux Etats-Unis. De Jean-Paul Moka, une certaine opinion sait que c’est l’homme du plan Marshall pour la RD Congo, qui promet un budget de quelque 100 milliards USD pour son pays, même s’il ne révèle d’où il tirera cette manne ni, surtout, comment. C’est donc avec quelque surprise que l’on apprenait, vendredi 31 août 2018 au cours de l’audience à la chambre II de la cour constitutionnelle, que le dossier du Révérend Jean-Paul Moka avait été invalidé pour défaut de preuve de caution. Et que l’homme de Dieu contestait la décision de la CENI.
Jean-Paul Moka, cet étonnant cas particulier
Les débats ont révélé que l’homme qui affiche de sérieuses prétentions à diriger les rd congolais (il avait déjà tenté de postuler en 2011) avait introduit une preuve de paiement de la caution de 100.000 USD qui n’en était pas une. Le formulaire de paiement de la DGRAD versé au dossier du candidat Moka était en réalité une autorisation de versement de la somme vantée à la Banque Centrale du Congo. L’homme de Dieu avait-il été tenté par les démons de l’escroquerie ?
Non, selon ses avocats, parmi lesquels un respectable bâtonnier de l’ordre qui semblait avoir été tiré du sommeil pour se rendre à l’audience : l’argent viré d’une banque en Belgique aurait été directement versé à la Banque centrale sans la DGRAD et la CENI en ait été informé.
A supposer que Jean-Paul Moka ait effectivement versé l’équivalent de 100.000 USD à la Banque Centrale au titre de caution à la présidentielle 2018 (ce versement a fait l’objet de doute parmi les experts de la CENI au procès), c’est que c’est de l’argent « jeté », selon l’opinion à Kinshasa. Même si dans une correspondance lui est attribuée, adressée aux juges de la cour constitutionnelle le 4 septembre 2018, le Révérend Moka assure que : « Je n’ai pas de sang congolais sur mes mains. Je n’ai jamais tué ou fais tuer un homme, une femme ou un enfant depuis que Dieu m’a accordé la vie et que ma maman m’a porté dans son ventre pendant 9 mois ». C’est très beau. Sans doute aussi beau et louable que consacrer sa vie à ses semblables. Mais peut-être pas suffisant pour diriger l’immense RD Congo. Surtout si on ne sait pas très bien comment acheminer 100.000 USD où on veut …
J.N.