Inéluctables, les prochaines élections législatives provinciales et nationales ainsi que la présidentielle, le sont bel et bien. Malgré le chantage qui entoure, sans doute pour la forme plus que pour le fond, la participation de l’un ou l’autre acteur politique. Les uns et les autres s’y préparent sérieusement, ainsi que l’attestent les chiffres avancés dans les programmes politiques, ceux des candidats à la prochaine présidentielle, particulièrement.
Dans son dernier discours sur l’état de la Nation, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, vantait encore le modèle démocratique rd congolais, qui, selon lui, poursuivrait son bonhomme de chemin, quoiqu’on veuille. C’était le 18 juillet 2018, 20 jours avant que le Raïs rd congolais ne désigne le candidat à la prochaine présidentielle pour le compte de sa famille politique, confirmant ainsi qu’il ne briguerait pas un mandat présidentielle supplémentaire, à la différence de nombre de ses pairs dans la région et sur le continent.
Le dépôt des candidatures à la présidentielle du 23 décembre 2018, le 25 juillet dernier, a été suivi, dans certains cas, par la présentation des programmes des différents prétendants, qui se sont quasiment lancés dans une sorte de campagne électorale prématurée. A cet égard, le modèle démocratique rd congolais affiche quelques innovations notables, et particulièrement, la tendance des prétendants à la présidence de la République à chiffrer leurs projets de société. C’est nouveau, et sans doute perfectible.
Tous les candidats à l’élection présidentielle qui se sont exprimés dans ce sens, ou presque, promettent monts et merveilles aux électeurs. Cela se chiffre en dizaines, voire en centaines de milliards de dollars américains dont les postulants ne disent rien de l’origine. En RD Congo, il ne suffit plus de raconter comme dans les années ’60 à un public peu averti que tel leader politique-candidat détient un « livre d’or » miraculeux pour sortir le pays de l’ornière. Il faut, désormais, faire miroiter des chiffres mirobolants. Pour faire rêver de paradis plus que pour régler les problèmes économiques et sociaux réels des populations, hélas.
Sur les 26 candidats qui ont formellement déposé leurs dossiers à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et attendent la validation par la Cour Constitutionnelle, cinq brandissent ainsi des projets de société chiffrés. Des chiffres parfois mirifiques. Comme ceux avancés par les candidats issus de la diaspora rd congolaise, Jean-Paul Moka et Noël Tshiani, tous deux économistes.
Du haut de sa science de la rareté, Jean-Paul Moka, un homme de Dieu bardé de diplômes universitaires, et donc humains, promet un budget estimé à… 100 milliards USD. Pas moins. En moins d’un an. C’est le budget rd congolais actuel (5 milliards USD) multiplié par 20, à peu près !
Le révérend assure pouvoir récupérer 50 milliards des recettes pétrolières, 30 milliards des revenus miniers, et compte sur des rentrées de 15 milliards générées par sa lutte contre le blanchiment des capitaux en plus de 7 milliards en provenance des régies financières, l’année prochaine.
Seulement, l’homme de Dieu ne dit pas comment il y parviendra, faisant ainsi de ses promesses électorales des promesses bibliques, quasiment. S’agissant des recettes pétrolières, par exemple, les observateurs restent dubitatifs sur la capacité de la RD Congo, même dirigée par un Envoyé de Dieu, à produire suffisamment d’or noir en 2019 pour atteindre 50 milliards USD, même en intégrant diverses redevances et taxes supplémentaires à imposer aux pétroliers producteurs.
L’autre candidat de la diaspora, également bardé de diplômes universitaires en économie, est Noël K. Tshiani Mwandiamvita. Cet économiste qui revendique une riche expérience accumulée dans les institutions de Bretton Woods et le secteur bancaire international n’y va pas avec le dos de la cuillère lorsqu’il s’agit de programme économique pour la RD Congo. Tshiani Chef de l’Etat en 2019, ce sera aussitôt la mise en œuvre d’un plan Marshall de… 800 milliards USD sur 15 ans. C’est-à-dire, quelque 53 milliards USD/l’an, à mobiliser par la combinaison de ressources intérieures, des contributions des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ainsi que du secteur privé sous forme d’investissements directs étrangers.
53 milliards USD/l’an, c’est déjà la moitié des prétentions de Jean-Paul Moka, lui aussi économiste : les deux scientifiques se contredisent sur au moins la moitié de leurs chiffres. Même s’ils partagent l’art de dissimuler la manière dont ils s’y prendront concrètement pour réunir autant d’argent et le gérer.
Plus modestes, les candidats à l’élection présidentielle issus de la classe politique locale n’en avancent pas moins des chiffres à faire rêver leurs compatriotes. A commencer par l’UNC Vital Kamerhe lwa Kaningini, qui sollicite les suffrages de ses compatriotes pour faire mieux que le gouvernement en place, en mobilisant 120 millions UDS sur 5 ans. C’est-à-dire, donc, 24 millions USD/l’an, soit le budget actuel multiplié par 6. Il suffit pour cela, selon l’ancien speaker de la chambre basse du parlement d’instaurer un nouveau leadership responsable et visionnaire, lutter contre la fraude, la corruption et l’évasion fiscale, assurer l’orthodoxie budgétaire, rationaliser la dépense publique et assurer une bonne administration de la justice pour améliorer le climat des affaires. Et le tour est joué.
De Jean-Paul Moka (100 milliards USD), Noël Tshiani (53 milliards USD) à Vital Kamerhe (23 millions USD), la chute des prétentions budgétaires annuelles est vertigineuse et révélatrice des tendances démagogiques des uns et des autres. S’agissant du président de l’UNC, il reste à savoir si le pouvoir en place n’est pas capable de faire aussi bien si non mieux que lui en matière d’accroissement des recettes budgétaires. Dans ce dernier cas, les observateurs ne voient pas pourquoi l’élu de Bukavu ne demeurerait où il est (dans les rangs de l’opposition politique) en attendant de proposer mieux.
Vice-président de la République en charge de l’économie et des finances de 2003 à 2006, le MLC Jean-Pierre Bemba Gombo se propose pour sa part de rassembler 80 milliards USD sur 5 ans, soit 20 milliards l’an, donc. En recourant à l’unicité du compte général du trésor public pour mieux canaliser les recettes de l’Etat, en luttant contre la corruption, en améliorant le climat des affaires et la promotion de l’agriculture. Jean-Pierre Bemba propose donc de multiplier par 4 le budget actuel, ce qui reste à la portée du gouvernement en place, selon les observateurs.
Egalement engagé dans la course aux chiffres budgétaires, l’UDPS/Tshisekedi, Félix Tshilombo, promet de mobiliser 86,71 milliards USD/l’an, augmentant ainsi le revenu moyen par tête à 4.288 USD/l’an, pour une croissance économique de 25 % l’an en moyenne. De quoi faire saliver ses compatriotes, mais pas apporter de réels changements dans la vie des rd congolais. Ces dizaines de milliards de dollars, Félix Tshilombo Tshisekedi ne dit pas où il les dénichera. Ni, encore moins, comment il s’y prendra pour faire bondir la croissance économique dont le taux croit de 0,9 % en moyenne (2017) et qui se situait autour de 5 % à fin 2017 à 25 % (soit une multiplication x 5 !) en 2019. Selon la Banque Africaine de Développement (BAD), le taux de croissance du PIB réel se situera autour de 3 % en Afrique Centrale. Félix Tshisekedi et son UDPS devront au préalable retirer la RD Congo de cette région du continent avant de lui assurer la prétendue croissance économique de 25 % l’an.
J.N.