L’information avait été livrée sur tous les tons, par le président de la République, Joseph Kabila Kabange, en personne, mais aussi par tous les porte-voix au gouvernement et dans sa famille politique depuis plusieurs mois : le gouvernement congolais financera sur fonds propres les élections du 23 décembre 2018 pour échapper aux fourches caudines de l’impérialisme de ses partenaires traditionnels (occidentaux et ONU). Mais rien n’y a fait. Jusqu’à la dernière minute, cette vérité, certes rare sous les tropiques africains, peine à s’imposer à tous. Pire, elle se heurte à une « résistance » qui, pour être sournoise, n’en est moins farouche. Une extraordinaire levée de boucliers a été ainsi observée, surtout dans une certaine opposition radicalisée, contre la décision, des plus souveraines s’il en est, de la RD Congo de se prendre totalement en charge en matière électorale. Et sans nul doute, en attendant de reconquérir d’autres secteurs clés de la vie nationale demeurés tributaires d’un oui ou d’un nom venu des anciens colonisateurs et de leurs alliés.
Mardi 14 août 2018, au cours d’une rencontre avec une brochette de patrons de presse kinois, la Commission Electorale Nationale Indépendante, par la bouche de son fringant président, Corneille Nangaa Yobeluo, a annoncé la mise à sa disposition d’un appui logistique gouvernemental significatif en réponse à ses requêtes relatives au transport et à l’acheminement des kits électoraux sur le terrain des opérations électorales. Sept avions (1 Boeing 300, 1 Boeing 375, un Boeing 721, 1 DC 8, 3 Antonov), de 7 hélicoptères, de 130 camions et 195 pick up ont été, selon cette source, acquis sur fonds propres à cet effet, confirmant l’inéluctabilité des scrutins combinés du 23 décembre prochain. Et mettant un terme (en principe !) aux inquiétudes de la communauté internationale dont dépendaient toujours jusque-là la République Démocratique du Congo et son administration électorale sur le plan logistique.
Pressions coulées en forme d’inquiétudes
Car, en fait d’inquiétudes, c’est plutôt sous des pressions de toutes sortes que la RD Congo, son gouvernement et sa centrale électorale, ont toujours été obligés de plier l’échine depuis des lustres. Aussitôt le chronogramme des scrutins électoraux de décembre 2018 publié par la CENI le 5 novembre dernier, la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation au Congo (MONUSCO) proposait à grands renforts de publicité « un plan logistique de soutien », au cas où une requête formelle de l’administration électorale lui parvenait en temps utile, assurait-elle. La proposition onusienne a pris des allures d’imposition. La question de la nécessité du soutien logistique à la CENI est, depuis lors, revenue à tous les points de presse de la mission à Kinshasa. Des points de presse qui se tiennent tous les mercredis de la semaine.
Pourtant, au terme d’une réunion interinstitutionnelle (Gouvernement, Parlement, Armée, CNSA…) présidée par le Chef de l’Etat, dimanche 25 mars 2018, la RD Congo avait annoncé le plus officiellement du monde sa décision de financer sur fonds propres ses élections. « Les participants à la réunion interinstitutionnelle ont décidé de manière souveraine que la RDC va financer sur fonds propres les élections du 23 décembre 2018 », avait déclaré le vice-ministre et ministre de l’Intérieur, Henri Mova Sakanyi. Indiquant par la même occasion que « (si d’autres) montages financiers pour le financement des élections existent. Nous invitons les partenaires à les orienter vers d’autres secteurs ». Lambert Mende Omalanga, ministre de la Communication et porte-parole du Gouvernement confirmait les propos du ministre de l’Intérieur en déclarant peu après à la presse que « la RDC dispose des moyens pour financer seule les élections du 23 décembre puisque nous enregistrons une embellie dans les finances de l’Etat ». Avant de préciser qu’« il y a eu deux propositions que nous avons repoussées parce qu’il est exclu que les prochaines élections soient financées par l’extérieur ». A l’occasion, le porte-parole du gouvernement s’était même voulu plus clair et incisif en expliquant que « nous ne voulons plus revivre les expériences avilissantes du passé où ceux qui apportent des financements pour nos scrutins ont tendance à vouloir orienter l’issue des élections ». Mais toutes ces déclarations semblent manifestement être tombées dans des oreilles de sourds.
Budget logistique voté malgré la décision de la RDC
En juin 2018, les Nations-Unies votaient encore un budget de 80 millions USD pour aider la MONUSCO à financer 150 postes d’experts et 30 avions et hélicoptères, sans se préoccuper le moins du monde du point de vue de la RDC, pays membre bénéficiaire de cette « assistance ». Et la mission onusienne à Kinshasa a poursuivi sans coup férir ses offres médiatiques, doublée d’un lobbying musclé en faveur de l’acceptation de l’aide logistique à la CENI.
Au cours d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations-Unies, le 26 juillet 2018, Jonathan Cohen, Ambassadeur adjoint des Etats-Unis à l’ONU a remis une couche sur cette « assistance imposée », en déclarant sous un mode yankee, l’offre d’assistance technique de la communauté internationale : « On attend du gouvernement congolais qu’il saisisse cette opportunité. Il est crucial que la CENI fournisse les informations détaillées nécessaires à la planification de ce soutien (…) Et la MONUSCO ne peut pas s’y mettre à la dernière minute », proclamait-il.
Pour que les choses soient claires, il a fallu un clash entre les autorités rd congolaises et les responsables de la MONUSCO. Mercredi 25 juillet, un aéronef affrété par la mission onusienne pour « soutenir le processus électoral » sans en avoir avisé la RD Congo a été formellement interdit d’atterrissage (durant 72 heures), obligeant pour la première fois Leila Zerrougui à en référer à sa hiérarchie sur les suites à donner à la décision rd congolaise de se prendre en charge. « Dans l’intérêt d’une gestion responsable des ressources des Nations-Unies, nous aurons très bientôt besoin de clarifications de la part du Conseil sur les suites à donner (à cet incident). Alors que le premier avion affrété par la Monusco devant soutenir le processus électoral s’est vu refuser (…) l’accès au sol congolais », a-t-elle déclaré, visiblement dépitée.
Même pas 10 % des besoins électoraux
Ces 80 millions USD qui ne représentent même pas 10% des besoins du troisième cycle électoral rd congolais (chiffrés à plus d’un milliard de USD), c’est autant de frais à dépenser sans contrôle des bénéficiaires par les bureaucrates onusiens, leurs clients et intermédiaires de tous acabits (Etats fournisseurs d’aéronefs et de véhicules, assureurs, exploitants et sous-traitants sur le terrain) une belle opportunité de s’en mettre plein les poches.
Les uns et les autres ne se consolent pas de ce raidissement souverainiste des autorités congolaises car ils ne sont pas prêts à faire le deuil de pactoles gagnés allègrement sur le dos des compatriotes de Patrice Lumumba et de Mzee Laurent-Désiré Kabila depuis plus de 20 ans.
La guerre ne fait que commencer ainsi que l’indique cet éditorial rendu public dans les médias publics congolais qui reflète le point de vue du gouvernement congolais (voir ci-dessous).
J.N.
LA RDC PREND EN CHARGE SON DESTIN