L’affaire Moïse Katumbi, la dernière, qui a focalisé l’attention de l’opinion, se tasse aussi brusquement qu’elle a été déclenchée, vendredi 3 août 2018. En fin d’après-midi ce jour-là, le dernier gouverneur de l’ex province du Katanga, candidat déclaré (un peu trop vite) à la prochaine élection présidentielle, s’était annoncé à Kasumbalesa, à la frontière entre la Zambie et la RDC. Plusieurs heures auparavant, des sympathisants de l’homme qui est également le président d’un des clubs de football les plus célèbres de la RD Congo, le Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi, avaient été transportés à grand frais au poste frontalier. D’autant plus que dans les réseaux sociaux, des photos montrant Moïse Katumbi en route vers Lubumbashi via Kasumbalesa, avaient été largement diffusées. De Lubumbashi, où les partisans de l’ex. gouverneur s’affairaient à mobiliser des partisans depuis plusieurs jours, l’ambiance était à l’effervescence. Une délégation de ses lieutenants dans le regroupement « Ensemble pour le changement », la plateforme électorale montée à la hâte pour mettre une croix à l’épisode du Rassemblement des forces sociales et politiques acquises au changement (RasOp), finissait par donner toutes les apparences du vrai à l’opération retour de Moïse Katumbi. Mais l’affaire se révéla ‘in fine’ un vaste bluff et à la limite, un baroud d’honneur, une tentative désespérée de susciter des émeutes à Kasumbalesa et dans certaines agglomérations du pays, comme à Goma où un député proche de Katumbi avait tenté de rassembler des foules au stade de football local.
En réalité, Moïse Katumbi Chapwe n’a jamais eu l’intention ou la possibilité de rentrer en RD Congo où la justice l’avait déjà formellement condamné pour stellionat alors que lui pendait au nez un certain nombre d’autres dossiers judiciaires, dont celui qui l’oppose au ministère public dans une affaire d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat.
Le retour claironné sur tous les toits le 3 août 2018 n’était qu’un vaste bluff, manifestement destiné à « victimiser » l’ancien roi du Katanga empêtré aussi dans une autre affaire d’usurpation frauduleuse de la nationalité congolaise lors des élections de 2011 à la suite desquelles il se fit élire député, puis gouverneur de province en déclarant « sur l’honneur » à la CENI être détenteur de la nationalité congolaise alors qu’il était Italien.
Coutumier des coups fourrés, l’homme avait auparavant fait croire qu’il était prêt à revenir à Kinshasa par l’aéroport de la Luano à Lubumbashi mais, vérification faite, aucune demande de survol et d’atterrissage d’un aéronef l’ayant comme passager sur l’aéroport de Lubumbashi n’a jamais été adressée à l’Autorité de l’aviation civile congolaise (AAC). Ni, encore moins, aucun plan de vol, qui aurait indiqué de quel aéroport devait partait Moïse Katumbi vers Lubumbashi. C’est ce qui explique l’impressionnant déploiement des forces de sécurité observé dans la capitale cuprifère et ailleurs dans l’ex province du Katanga. « Katumbi pouvait atterrir n’importe où avec n’importe qui, en ce compris des mercenaires, par exemple. Il ne fallait rien négliger », expliquait au Maximum une source sécuritaire à Lubumbashi.
Il en a été de même à Kasumbalesa où le patron du G7 s’est bruyamment annoncé au milieu de la journée. De fait, Moïse Katumbi n’a jamais approché la douane côté rd congolais et ne s’est jamais présenté à aucun préposé à l’immigration. Toutes les informations dont l’opinion a été gavée sur le prétendu refus de laisser l’ancien gouverneur de l’ex Katanga retourner dans son pays pour y déposer sa candidature à la prochaine présidentielle étaient simplement fausses. Les Delly Sessanga, Olivier Kamitatu, Kyungu wa Kumwanza, Christian Mwando Nsimba, Christophe Lutundula et autres Jean-Bertrand Ewanga « encadrés » par Carine Katumbi, l’épouse de leur patron qui ont rivalisé d’ardeur pour accréditer le scénario présentant Moïse Katumbi interdit de retourner en RD Congo jouaient comme une partition. A la limite, l’objectif était (au-delà du discrédit jeté sur les technostructures étatiques et le pouvoir en place) de susciter une révolte populaire suffisamment ravageuse qui permette le retour en force d’un candidat « porté par la foule des sympathisants ». « Moïse Katumbi n’a pas et ne pouvait approcher les services de l’immigration parce qu’il ne possède pas de document qui le lui permette. Et ce problème de documents aurait permis au premier préposé venu de mettre la main sur lui. Il le savait », explique une source frontalière à nos rédactions.
La tentative désespérée de Moïse Katumbi de revenir en RD Congo aura donc duré quelque 24 heures sans atteindre le moindre des objectifs visés. Les forces de l’ordre ont réussi à limiter les dégâts, notamment en étouffant dans l’œuf toute tentative insurrectionnelle. Le 3 août à Kasumbalesa, des partisans du dernier gouverneur de l’ex Katanga avaient reçu suffisamment de moyens financiers pour effectuer le déplacement de Lubumbashi à quelque 90 km de là. Ils avaient tenté de se rendre de l’autre côté de la frontière zambienne et la police les a dispersé à coups de gaz lacrymogène, rapportent des sources. Samedi 4 août 2018, alors que l’homme d’affaires converti à la politique-spectacle gîtait quelque part du côté de Ndola en territoire zambien, la situation était redevenue normale à Kasumbalesa. Le trafic avait repris son train-train habituel au poste frontalier où les employés à la douane et dans les services connexes avaient repris leurs postes. Et les autorités zambiennes ont été contraintes de demander à Katumbi de quitter leur territoire pour ne pas s’exposer à un incident diplomatique avec Kinshasa.
Le bluff de Kasumbalesa compromet définitivement les ambitions de Katumbi à la présidentielle de décembre 2018, selon les observateurs. A quelques heures de la fin de la période clôture des candidatures aux législatives nationales et à la présidentielle, fixé au 8 août 2018, tout espoir semble perdu pour le dernier gouverneur de l’ex Katanga dont la survie de la plateforme électorale semble elle aussi menacée. Les lieutenants de Moïse Katumbi ont très peu de temps pour décider s’ils doivent postuler aux prochaines législatives ou y renoncer pour les beaux yeux d’un acteur dont l’avenir politique est pour le moins incertain pour les 5 prochaines années. Cela, l’intéressé lui-même ne l’ignore sans doute pas.
Pour faire bonne figure et contenir encore un peu les uns et les autres, des sources chez les katumbistes se sont empressées d’annoncer, dès l’échec de la tentative insurrectionnelle de Kasumbalesa, que la candidature de Katumbi serait déposée par un mandataire avant les échéances calendaires fixées par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Mais même dans ce cas d’espèce, peu sont dupes : déposer une candidature, aux législatives nationales comme à la présidentielle, ne change rien au fait qu’il s’agit de candidatures provisoires, qui attendent d’être confirmées ou rejetées par la justice au regard de conditions légales très strictes.
Pour Katumbi, Kasumbalesa aura été le dernier bluff.
J.N.