L’opinion en sait davantage sur les circonstances qui ont entouré la mort, dans la nuit du 9 au 10 juin 2018, de Luc Nkuluna, un militant en vue de la Lucha (Lutte pour le Changement) dans l’incendie de sa résidence à Goma. Contrairement aux conclusions hâtives et pour le moins politisées des mouvements dits citoyens et autres Ong de défense des droits de l’homme, l’incendie du 9 juin n’avait rien de criminel. Les résultats de l’enquête de la commission conjointe police scientifique-Monusco indiquent que c’est l’explosion d’une batterie pour panneaux solaires qui ont déclenché l’incendie. Au cours d’un point de presse, lundi 30 juillet 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Goma a expliqué que « l’incendie a été causé par l’explosion d’une batterie rechargée aux panneaux solaires », et que « les faits sont non infractionnels, l’affaire est classée ».
Les conclusions de la commission d’enquête mixte n’auront donc pas rencontré les désirs de mouvements hostiles au pouvoir en place en RD Congo, qui espéraient manifestement prouver par la mort d’un des leurs la pertinence des revendications politiciennes ressassées à hue et dia. A Goma, la Lucha est aussitôt montée au créneau pour dénoncer les conclusions des enquêteurs, promettant de recourir à de nouvelles voies pour faire éclater « sa vérité ». L’enquête de Goma a été menée à la légère, soutient Fred Bauma, un militant de la Lucha qui soutient que Luc Nkulula avait beaucoup d’ennemis en raison de son engagement militant.
Même les conclusions d’une commission d’enquête neutre, parce que comprenant également des experts onusiens, ne font pas le poids si elles ne condamnent pas les pouvoirs politiques ou les technostructures étatiques. « Nous avions requis une autre police, technique et scientifique, spécialiste en matière d’incendie. Cette police avait été appuyée par d’autres experts de la MONUSCO venus spécialement de Kinshasa », rapporte pourtant Dauphin Mawaso, le procureur de Goma. Mais rien n’y fait. «Après deux jours d’enquête fouillée, leur conclusion était que l’incendie qui avait causé la mort de Luc Nkulula avait été occasionné par l’explosion de sa batterie, batterie qu’il utilisait pour s’alimenter en énergie solaire et qui a répandu le feu dans toute la maison. En dehors de cette batterie, les experts n’ont trouvé aucun autre élément, aucune autre pièce, aucun autre engin extérieur qui pouvait avoir occasionné cet incendie», explique-t-il.
A la Lucha et parmi tant d’autres activistes de ces mouvements dits citoyens, on privilégie des convictions qui alimentent un activisme qui peine à trouver des justifications rationnelles aux résultats d’enquêtes, neutres fussent-elles. «Nous avons donc l’impression que la police a voulu, très vite, se débarrasser d’une enquête qui pourrait être gênante pour certaines personnes. Il nous semble qu’il n’y a pas de volonté de trouver la vérité», déclare encore Fred Bauma qui en appelle à une nouvelle enquête indépendante, c’est-à-dire, à laquelle ne prendraient pas part des préposés de l’Etat rd congolais.
La piste criminelle évoquée est donc une piste politique, en réalité. Au cours de la rencontre entre la Lucha et Joseph Kabila à Goma, c’est Luc Nkulula qui se serait chargé de rappeler au président de la République qu’il ne pouvait postuler à un troisième mandat à la tête de la RD Congo, avancent carrément certains ici. Comme pour insinuer que l’activiste mort dans l’incendie de sa résidence avait en réalité été tué.
Mais ce raisonnement, comme beaucoup d’autres du genre, ne tient nullement la route. Notamment parce qu’on ne voit pas un Chef d’Etat qui dispose de l’armée, des forces de sécurité et de beaucoup d’autres moyens qui permettent de mettre un terme à la vie aurait recours à un vulgaire incendie pour se débarrasser d’un activisme des droits de l’homme. « Ces jeunes activistes se prennent trop au sérieux en croyant qu’ils gênent Joseph Kabila. Ils se trompent énormément », explique une source au ministère de l’Intérieur à Kinshasa. Qui estime que la mort d’un petit activiste des droits de l’homme ne rapporte strictement rien à Joseph Kabila, « ni au plan politique, ni au plan sécuritaire. Les défis auxquels fait face le Chef de l’Etat d’un pays comme la RD Congo sont plus sérieux que les fanfaronnades d’activistes de ceci ou de cela », assure-t-il.
J.N.