« Je vous remercie pour votre confiance renouvelée en ma personne en tant que président national du parti pour 5 ans et en tant que candidat président de la République. Merci à tous les participants au congrès venus de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Je reviens bientôt ». Ainsi s’exprimait, vendredi 13 juillet 2018, Jean-Pierre Bemba à la journée de clôture du congrès de 3 jours organisé par son parti politique, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) au centre catholique Nganda de Kinshasa. Le chairman, comme l’appellent ses sympathisants, s’exprimait au téléphone de Bruxelles où il séjourne depuis sa sortie des geôles de la Cour Pénale Internationale (CPI) en juin dernier, en présence de nombreux leaders politiques, dont un grand nombre de l’opposition, qui avaient rehaussé de leur présence les assises de l’ancien mouvement rebelle. Des propos qui semblent avoir jeté un froid dans les projets maintes fois claironnés d’alignement de l’opposition politique rd congolaise derrière une seule candidature pour espérer faire le poids face au candidat la majorité au pouvoir. C’est le silence radio intégral.
Silence de morts
Ni Félix Tshilombo Tshisekedi et son UDPS, ni son désormais ex alter ego, Moïse Katumbi Chapwe, ni, encore moins Vital Kamerhe et son UNC. Personne n’a pipé mot. Pas pour s’aligner derrière la candidature déclarée de Jean-Pierre Bemba, en tout cas. L’homme a pourtant annoncé son retour au pays, un retour d’autant plus probable (certainement plus que celui de Moïse Katumbi) que l’ancien vice-président de la République pendant la transition et sénateur MLC s’est fait délivré le même samedi 13 juillet, son passeport diplomatique. C’est son fidèle compagnon, le député Fidèle Babala Wandu, qui a retiré le précieux sésame aux guichets du ministère des Affaires étrangères à Kinshasa.
Chacun pour soi
A la faveur des dépôts des listes des candidats aux provinciale 2018, chaque parti politique de l’opposition s’est nanti de son candidat à la présidentielle qui se tiendra le même jour que les législatives et les provinciales. Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, Moïse Katumbi, Martin Fayulu, pour ne citer que ceux-là, sont tous candidats à l’élection au ‘top job’. Vendredi 12 juillet, Delly Sessanga appelait encore sans trop y croire ses collègues de l’opposition à se réunir pour décider de la question. A cinq mois des scrutins fixés au 23 décembre prochain, ce n’était pas trop tôt. Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de l’UDPS/Tshilombo, et l’avocat Mayo Mambeke, son collègue de l’UNC émettaient le même son de cloche, puis plus rien. Comme si le retour imminent de Jean-Pierre Bemba était venu doucher les espoirs d’alignement de l’opposition derrière une candidature unique à la présidentielle.
Personne dans les rangs
La perspective ne paraît guère enchanteresse pour tout le monde ici, manifestement. Même si nul n’ose le crier tout haut pour ne pas ébranler le semblant d’unité qui se dessinait … devant les micros et les caméras des chaînes de radio et de télévisions locales. Seuls les anciens du MLC se prononcent plus ou moins clairement … contre leur ancien leader. Aussitôt la libération de Jean-Pierre Bemba confirmée en juin dernier, Adam Bombole déclarait sur son compte twitter que « l’heure n’était plus à l’attende des messies ». L’ancien candidat gouverneur de la ville province de Kinshasa pour le compte du MLC en 2006, qui s’est essayé par la suite (lui aussi) à la présidentielle en 2011, a néanmoins été convié au congrès du parti le week-end dernier. « En qualité de dirigeant d’un parti politique », a-t-il tenu à préciser. A l’évidence, l’homme n’entend plus se mettre en rang. Pas derrière Bemba.
On peut avancer la même chose de Delly Sessanga et autres Félix Tshilombo, l’un et l’autre préférant sans doute se ranger derrière le très généreux Moïse Katumbi « dont la personnalité se réduit à son porte-monnaie », selon le commentaire d’un diplomate en poste à Kinshasa. « Lorsque Sessanga presse les opposants à discuter d’un programme et d’une candidature commune, ce n’est pas pour oser contrarier les ambitions de son mentor Katumbi. Ce serait trop tôt pour lui et ses amis qui attendent encore beaucoup de leur pourvoyeur en dollars », commente encore la même source. Connu pour sa faible propension à ouvrir son porte-monnaie, JPB répugne plus qu’il n’attire dans les rangs de l’opposition.
Peut-être Kamerhe ?
Reste Vital Kamerhe et son UNC, les seuls à pouvoir accepter de se mettre la corde au cou dans une alliance avec le MLC qui présente l’avantage d’affaiblir Moïse Katumbi Chapwe. Le dernier gouverneur de l’ex Katanga, qui quasiment décimé le parti kamerhiste en débauchant le meilleur de ses cadres, s’est révélé plus dangereux pour l’élu de Bukavu que ses anciens amis du PPRD. « Kamerhe derrière Katumbi, c’est peu envisageable », estiment des observateurs. « Ni Bemba derrière Katumbi ou encore Félix Tshilombo ». L’homme a bien une trop forte idée de sa personne pour s’accommoder de ceux qu’ils considèrent sans doute comme des arrivistes.
A tout prendre, le patron du MLC fera cavalier seul. Chacun à l’opposition aussi. La candidature unique derrière un candidat reste une belle chimère.
J.N.